Quittons un moment notre
quotidien pour pénétrer dans un lieu où les secrets les plus
inavouables peuvent être révélés. Une porte donnant sur une
dimension parallèle où les fantasmes habituellement enfouis dans la
cave de ces femmes et de ces hommes ici dévoilés, s'ouvre à nous
pour le meilleur, et peut-être aussi parfois, pour le pire.
Bienvenue dans le monde d'Ulrich Seidl, auteur de nombreux
documentaires dont fait partie cet Im Keller (traduit
chez nous sous le titre Sous-Sol),
mais également de quelques longs-métrages de fiction dont la
fascinante trilogie Paradies.
Présenté à la Mostra
de Venise en août 2014 et sorti un mois plus tard en Autriche et
chez nous en France, Im Keller
peut se concevoir comme une version autrichienne de la célèbre
émission de télévision franco-belge Strip
Tease qui
fit notamment le bonheur des téléspectateurs hexagonaux avides de
curiosités et de marginalité entre 1992 et 2012. Si Im
Keller
n'entretient pas vraiment de relation avec l’impressionnant travail
accompli par le cinéaste suédois Roy Andersson (Sånger
Från Andra Våningen,
Du Levande),
il en ressort tout de même ce goût du plan fixe dans lequel
évoluent en apesanteur des personnages hors du commun. La différence
fondamentale étant que dans le cas présent, rien n'est fictif. Tout
est réel et parfaitement assumé par des hommes et des femmes qui se
livrent entièrement, quitte à ce que certains d'entre eux se
mettent à nu au sens propre...
L'image
du sous-sol, fantasme des criminologues en herbe qui imaginent les
exactions de certains individus devenus célèbres pour avoir enfermé
de jeunes femmes, est ici contrecarrée par des passionnés de toutes
natures. Mais pas toujours des plus saines. C'est ainsi donc que l'on
fait notamment la connaissance avec un ténor du dimanche amateur
d'armes dialoguant avec des amis sur la situation des immigrés turcs
dans leur pays. Un peu plus loin, nous faisons celle d'un couple dont
le mari adore les instruments à vent, fait partie d'une fanfare,
mais surtout, est fasciné par le nazisme. Si l'on s'enfonce encore
un peu plus loin, on fini par faire une rencontre émouvante à
travers le portrait d'une sexagénaire qui traite ses poupées
baigneurs comme le ferait une mère avec ses propres enfants.
Tendresse, amour, baisers, caresses. Un contact physique qui ferait
presque écho à ces couples qui sans masques, nus comme des vers,
attachés, fouettés, amateurs de fessées et d'humiliation, se
laissent guider par la voix de leur maître(sse)...
Parfois
drôle, attendrissant, absurde, dérangeant ou plus simplement
étonnant, Im Keller
dresse l'improbable portrait d'individus cultivant des passions hors
normes dans de somptueuses séquences fixes, dignes de tableaux de
maîtres. Œuvre picturale vivante par excellence, c'est en cela que
l'autrichien Ulrich Seidl rejoint l'esthétisme envoûtant d'un Roy
Andersson. Mais plus encore que le réalisateur, sa maîtrise
formelle et sa patience, ce sont ces inconnus qui le temps d'un film
ne dépassant pas une heure et vingt et une minutes, sortent de
l'ombre pour briller sous les projecteurs. C'est eux qu'il faut
honorer de notre présence en prenant le temps d'admirer ce que
d'aucun pourra malheureusement sans connaissance suffisante, juger
parfois de déviant. Même dans l'acte incompris, perçu comme
sordide ou anormal, ce que nous offrent ces femmes et ces hommes qui
ont choisi d'accorder leur confiance au cinéaste est la plus
précieuse des offrandes...
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