En 2018, le cinéaste
français Guillaume Nicloux mettait un terme à sa trilogie des
''Guerres Intérieures'' avec Les Confins du Monde.
Une trilogie débutée trois ans plus tôt avec Valley
of Love
et poursuivie l'année suivante avec The End.
L'errance de différents personnages avec pour point d'orgue, la
présence de Gérard Depardieu. Seule différence entre les deux
premiers volets de la trilogie et ce qui demeure à ce jour
l'avant-dernier long-métrage de Guillaume Nicloux, Gérard Depardieu
n'en est plus la vedette même s'il y arpente plusieurs séquences
dans le rôle de l'écrivain Saintonge qui va se lier d'amitié avec
le héros incarné par l'acteur Gaspard Ulliel. Véritable vedette de
ce drame sur fond de guerre indochinoise, le jeune militaire français
Robert Tassen est le témoin en 1945 d'un massacre perpétré par
les japonais sur les habitants d'un village d’Indochine. Parmi les
victimes, son frère, décapité, et sa belle-sœur, éventrée et
dont ses bourreaux ont extrait le fœtus. Tassen n'a donc plus qu'un
projet en tête : retrouver Yo Binn Yen, celui-là même qui a
la tête des vietcong, fut le responsable du massacre. Organisant un
groupe de prisonniers reconvertis et de soldats de l'armée française
parmi lesquels le cynique Cavagna (excellent Guillaume Gouix), Robert
Tassen, aveuglé par la vengeance, va s'enfoncer toujours plus loin
dans la jungle à la recherche de l'ennemi...
Ce
qui saute tout d'abord aux yeux avec Les Confins
du Monde,
c'est l'oppression quasi permanente qui se dégage des environnements
dans lesquels fut tourné le long-métrage de Guillaume Nicloux. On y
retrouve l'imagerie dépaysante et cauchemardesque ayant servi de
cadre au conflit indochinois juste après la seconde guerre mondiale.
Ici, le réalisateur ne se fait pas le critique de la colonisation
mais aborde son œuvre sous un angle parfois surréaliste caractérisé
par un visuel absolument remarquable, tant dans les horreurs qui y
sont décrites que dans la majesté d'une jungle qui dévore
littéralement ceux qui osent s'y aventurer. Si du propre aveu de
Guillaume Nicloux qui nie toute relation entre son Tassen et le
colonel Kurtz de Apocalypse Now
de Francis Ford Coppola pour rapprocher davantage son œuvre de La
317e section de
Pierre Schoendoerffer, c'est pourtant l'incroyable Vinyan
du cinéaste belge Fabrice du Welz qui semble avoir soufflé quelques
bonnes idées au long-métrage du réalisateur et scénariste
français. En effet, les deux conservent une même approche et ce,
même si leur quête respective demeure d'un genre bien différent.
Entre voyage initiatique, environnements cauchemardesques et ambiance
étouffante, les deux films cultivent de troublantes ressemblances...
Tout,
pourtant, n'est pas définitivement noir dans l’œuvre de
Guillaume Nicloux. Le cinéaste y apporte une certaine sérénité à
travers la relation ponctuelle qu'entretiennent le héros et
l'écrivain Saintonge. Tout comme celle que partage le premier avec
la prostituée Maï (la jeune Lang Khê Tran), le réalisateur
érotisant quelque peu le propos lors d'échanges amoureux enfiévrés.
Une sensualité n'apaisant cependant le propos que pour une courte
durée puisque Les Confins du Monde
offre aux spectateurs l'exposition d'une horreur toute humaine à
travers ici, un charnier ou là, des corps démembrés. La guerre
dans toute son atrocité. L'un des personnages demeurant essentiels
au récit se situe au niveau des décors, de la photographie et de la
direction artistique. Les Confins du Monde
est un spectacle visuel permanent. Le film ''suinte'' littéralement.
Sueur, sang, et stupre y jaillissent en un flot perpétuel entre la
moiteur de la jungle, les massacres perpétrés par le fantasmé Yo
Binn Yen et ses hommes, et les étreintes de Robert et
Maï. Guillaume Nicloux referme ainsi ses ''Guerres Intérieures''
sous une forme éblouissante. À voir...
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