La même année que la
réalisation de son premier long-métrage Tatuaje,
le cinéaste espagnol José Juan Bigas Luna plus connu chez nous sous
le nom de Bigas Luna nous assénait en pleine figure un Bilbao
absolument remarquable. En ce sens où durant plus d'une heure et
trente minutes, l'auteur des cultissimes Caniche,
Anguish
ou Jambon, Jambon
accentue au fil d'un récit mettant en scène un individu évoluant
entre une compagne qui a finit par le répugner et une prostituée,
véritable objet d'adoration, une ambiance des plus trouble. Un
climat austère, ambigu, délétère, mortifère et obsessionnel qui
finit par gangrener tout ce qui touche à l'univers de ce personnage
qui ne s'exprimera quasiment qu'à travers un long monologue, faisant
ainsi de lui, le père spirituel du boucher de Seul
contre Tous
de Gaspar Noé, et ce, même si les deux hommes ne partagent pas
vraiment le même type d'obsessions.
Gangrené parce que le spectateur finira par avoir finalement le
sentiment que chaque plan, chaque séquence ou chaque dialogue n'a
que pour but de le mettre mal à l'aise. Du geste le plus anodin
comme de servir un verre de lait à sa compagne (et mère !!!) Maria (l'actrice
Maria Martin) jusqu'à la mise en place d'un concept final visant à
mettre en ''lévitation'' l'objet de son désir, la prostituée
Bilbao qui donne son nom au titre du film (l'actrice Isabel Pisano),
l’œuvre de Bigas Luna dépeint le voyage intérieur d'un
schizophrène évoluant dans un monde personnel étrange dans lequel
les idées les plus folles, voire absurdes, peuvent prendre vie.
Àngel Jové incarne Leo, cet homme qui semble parfois indécis,
entre les qualités supposées qu'il exprime au sujet de sa mère Maria, cette
femme avec laquelle il entretient une relation incestueuse et dont il a pourtant choisi de se séparer pour vivre une
expérience aussi démente qu'hors du commun auprès d'une prostituée.
Évoluant dans une Espagne interlope et nocturne, entre métro et
boites de nuit, Leo développe son obsession comme le ferait un
schizophrène auquel semblent se référer certaines idées
développées par Bigas Luna.
Véritablement
inconfortable, cette ''valeur'' étant sans doute appuyée par un
grain et une image sans âge, Bilbao
est de ces œuvres qui laissent une empreinte indélébile. Un second
long-métrage déjà éminemment sulfureux qui convoque mort et
sexe incestueux dans une forme d’allégorie que l'on retrouvera notamment chez
Roman Polanski et son superbe Lune de Fiel.
Le réalisateur espagnol semble parfois se désintéresser de ses
personnages. Leur caractérisation est à ce point réduite à son
minimum qu'à part Bilbao dont on sait qu'elle se prostitue et
s'exhibe devant les clients d'une boite de strip-tease, on ne saura
jamais comment Maria et Leo subviennent à leurs besoins ou ce qui a
pu à ce point, déliter leurs relations. Car pour Bigas Luna,
l'essentiel demeure dans le portrait de cette fascination
pathologique dont on devine l'aboutissement dramatique. Il dresse
ainsi celui d'un individu comme rarement le cinéma aura osé en
produire. De ces ''tarés'' du septièmes art, fascinants dans leur
description mais terrifiants dans leurs projets de destruction
(autodestruction?). Bilbao
est lui aussi, définitivement culte ! À ranger aux côtés des
grandes bizarreries que le cinéma enfante ponctuellement...
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