Raoul Taburin ou
l'indicible ennui... Je n'ai peut-être pas la moralité assez légère
pour me laisser bercer par la poésie de Sempé même si je préfère
infiniment la bande-dessinée à son adaptation cinématographique
mais merde, quoi. Je m'attendais à rêver comme à l'époque où
Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro nous concoctaient d'admirables petits
chefs-d’œuvre (en y repensant, ceux-ci n'étaient finalement pas
si nombreux). Comment oublier en effet le délirant
post-apocalyptique Delicatessen ?
Et même sans Marc Caro qui allait se perdre bientôt tout seul avec
un Dante 01
carrément
raté, Jean-Pierre Jeunet continuerait à avancer dans le bon sens
avec le mignon, coloré et poétique Le Fabuleux
destin d'Amélie Poulain,
ratant parfois le coche (l'ennuyeux Un Long
Dimanche de Fiançailles),
tout en demeurant l'auteur de quelques soubresauts artistiques plus
ou moins convaincants (Micmacs à
Tire-Larigot)...
Trompeuse
impression que donne l'aperçu de l'affiche de Raoul
Taburin
qui forcément évoque le cinéma hyper-inventif et coloré du duo
cité ci-dessus. Trompeuse car en réalité, le film de Pierre Godeau
(auteur de Juliette
en 2013 et de Éperdument
en 2016) pose un regard passéiste qui sied peut-être au deux
premières adaptations de Sempé, que l'artiste lui-même dénigre
curieusement (Le Petit Nicolas
et
Les Vacances du Petit Nicolas,
tous deux sortis en salle respectivement en 2009 et 2014 et réalisés
par le cinéaste Laurent Tirard), mais surtout pas à cette histoire
tellement sucrée, plate et niaise sur grand écran qu'il faut avoir
l'âme d'un tout petit enfant pour supporter le spectacle. Un
spectacle qui d'ailleurs n'offre pas grand chose en terme d'intrigue
car si sur papier, l'histoire de ce marchand et réparateur de
bicyclette a des chances d'être attractive de part le talent de
dessinateur de son auteur, sur grand écran, l'ampleur du vide
scénaristique est vertigineuse.
Il
faut alors se raccrocher aux quelques broutilles qu'il nous reste
pour ne pas mettre rapidement un terme à ce calvaire qui se
décompose en plusieurs actes dont le premier dure au delà de la
demi-heure, jusqu'à ce qu'enfin le héros épouse la jolie
Madeleine. On pense alors que le film va enfin pouvoir démarrer,
nous offrir une histoire digne de ce nom. Pourtant, la principale
préoccupation de Raoul Taburin demeurera la même jusqu'à la fin :
à savoir le secret qui le lie au fait qu'il ne sache pas faire de
vélo. Tu parles d'une intrigue ! Et comme l'on est bon joueur,
plutôt patient et admirateur de l'acteur belge, c'est pour Benoît
Poelvoorde que l'on reste encore devant l'écran même si la voix-off
a tendance à se révéler trop tenace, trop présente. Ce sera par
contre sans doute moins le cas pour Edward Baer qui, comme à son
habitude fait du... Edward Baer et se révèle aux abonnés absents
lorsque lui est demandé de mimer devant la caméra une émotion dont
il est dépourvu. L'excellent Vincent Desagnat est dirigé comme un
pantin indifférent au spectacle qui se déroule autour de lui mais
heureusement, Suzanne Clément, son charme et ses robes estivales
sont là pour nous retenir, allez, encore quelques minutes de plus.
Suffisamment pour tenir jusqu'au générique de fin ? Pas sûr. Sorti sur les écrans il y a un peu plus de quatre mois,
Raoul Taburin
a déjà pris un très sérieux coup de vieux. Dommage pour Sempé,
dommage pour Benoît Poelvoorde, et dommage pour le réalisateur...
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