Luc Besson est de toutes
les modes. Malheureusement pour lui, il ne fait que passer après les
autres, tel un charognard prélevant sa part du butin sur une
carcasse dont il ne reste plus grand chose à becter. Lucy
surfe sur celle du cinéma d'action asiatique qui a déjà le vent en
poupe lorsque sort son seizième long-métrage. Juste après le
thriller franco-américain Malavita
sur lequel il expérimente à son tour l'effet que peuvent avoir les
changements de ton et d'humeur, entre comédie et polar, et avant
l’œuvre de science-fiction Valérian et la
Cité des Mille Planètes
dont il profite des cinquante ans d'existence pour livrer une soupe
de pixels indigeste. Lucy est
très certainement l'un de ses projets les plus ambitieux et
personnels puisqu'il est également le scénariste exclusif de ce
long-métrage de science-fiction dont le sujet central n'est rien
moins que les conséquences que pourraient avoir sur l'esprit humain,
la capacité pour ce dernier de contrôler la totalité des
possibilités offertes et qui jusqu'à aujourd'hui ne dépassent
malheureusement pas un pourcentage infime.
Dans
la peau de l'héroïne, l'actrice américaine Scarlett Johansson qui
l'année suivant le troublant Under The Skin
de Jonathan Glazer revenait donc à la science-fiction. Un personnage
à la Nikita, victime d'un hasard malheureux qui va être en mesure
de développer d'innombrables capacités psychiques après avoir été
forcée d'avaler un sachet de drogue d'une nouvelle génération. Luc
Besson tient là un sujet en or, et même si on connaît le bonhomme
pour son peu d'aptitude à la finesse de la mise en scène, on
pouvait malgré tout espérer un message relativement optimiste. Ce
qui ne transparaît malheureusement pas forcément puisque comme à
son habitude, le cinéaste français nous livre un film bourrin,
incarné par un personnage dont la caractérisation est des plus
sommaire et dont le spectateur cherchera encore longtemps l'empathie.
En effet, Scarlett Johansson a beau posséder des atouts physiques indéniables, le personnage qu'elle incarne à l'écran et qui fait
logiquement écho à l'australopithèque du même nom découvert en
1974 en Éthiopie est peu avenant et même assez irritant si l'on
tient compte de ses extraordinaires capacités psychiques qu'elle met
malheureusement à profit dans des séquences de gunfights loin
d'atteindre certaines séquences prodigieuses du cinéma asiatique
que Luc Besson tente de singer sans jamais vraiment atteindre son
but.
Face
à Scarlett Johansson, l'immense Morgan Freeman, qui pourtant se
révèle sous-exploité et même insignifiant au regard de son aura
exceptionnelle. Sa présence à l'écran est réduite à la part
congrue, tout comme celle, d'ailleurs, de l'acteur sud-coréen Choi
Min-Sik, célèbre pour avoir incarné le personnage de Oh Dae-soo
dans le film culte de Park Chan-wook, Old Boy en
2003. Malgré la puissance évocatrice du scénario, Luc Besson
n'accouche finalement que d'un film de science-fiction mâtiné
d'action. Un long-métrage bourrin, grouillant d'invraisemblances (la
marque de fabrique de l'auteur du génial Subway)
et qui malgré le propos ne restera que dans la mémoire des fans du
réalisateur s'il en reste encore. Toujours accompagné du fidèle
compositeur Eric Serra, Luc Besson bénéficiait d'un budget de
quarante millions de dollars dont une bonne partie fut sans doute
investie dans les effets-spéciaux qui eux, s'avèrent parfois
remarquables. L'une des quelques scènes qui auraient pu entrer dans
la légende du septième art au même titre que le final
psychédélique du chef-d’œuvre de Stanley Kubrick
2001, l'Odyssée de l'Espace
est
réduite ici à néant par un Luc Besson ne pouvant se passer de
monter l'une des dernières séquences en l'entrecoupant d'inserts
inutiles montrant le grand méchant du film s'approcher peu à peu de
la pièce dans laquelle Lucy s'est enfermée en compagnie du
professeur Samuel Norman (Morgan Freeman) et de ses quelques
collaborateurs. De bonnes idées, quelques visuels intéressants, le
charme exagérément froid de l'actrice américaine, voilà tout ce
que l'on retiendra de Lucy.
Pour le reste, Luc Besson passe à côté de son sujet et aurait
mieux fait de mettre son scénario entre les mains d'un vrai bon
cinéaste au lieu de vouloir absolument le mettre en scène
lui-même...
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