La première fois qu'est
projeté sur grand écran celui qui allait devenir la plus célèbre
et la plus prolifique des créatures du genre Kaijū Eiga, nous sommes au Japon en 1954, le film s'intitule simplement
Godzilla (Gojira)
et c'est le réalisateur japonais Ishirô Honda qui le met en scène.
L'histoire n'étant qu'une longue répétition, c'est à plus de
trente cinq occasions que l'immense créature est apparue à l'écran
depuis ses origines. Parfois dans le rôle du gentil défenseur de
l'espèce humaine combattant d'autres Kaijū
aux
proportions elles aussi disproportionnées, et parfois dans celui du
méchant, destructeur redoutable de villes entières qu'il parcourt
de son imposante stature. Fondamentalement lié à la peur du
nucléaire, il fallait bien qu'un jour l'Amérique s'empare du
phénomène. Alors que dans les années quatre-vingt le réalisateur
Steve Miner est approché afin de lancer le projet d'une adaptation
américaine du mythe de Godzilla, il faudra cependant patienter
jusqu'en 1998, année durant laquelle sort sur les écrans le
médiocre long-métrage du réalisateur Roland ''tâcheron''
Emmerich, Godzilla.
Après cette ''erreur de parcours'', les japonais reprendront le
pouvoir et réaliseront six longs-métrages mettant en scène leur
Kaijū vedette
avant que les États-Unis ne reviennent à la charge en 2014 avec le
Godzilla
de Gareth Edwards. Un auteur qui contrairement à son homologue
Emmerich possède une filmographie relativement maigre puisque
n'étant constituée jusque là que d'un seul long-métrage (Monsters
en 2010).
Le
Godzilla
de 2014 signe donc le retour des États-Unis sur le devant de la
scène du genre Kaijū
Eiga
et le résultat est au delà de nos espérances. Même si la vision
de Gareth Edwards qui de toute évidence et fort logiquement s'adapte
aux progrès en matière d'effets-spéciaux (ici, pas d'acteur
engoncé dans le costume de la créature mais un Godzilla entièrement
créé en images de synthèse), perd ce qui faisait le charme des
premiers longs-métrages sortis dans les années cinquante au Japon
(le premier Godzilla
date de 1954), le cinéaste redéfini à l'aide de ce seul épisode,
tout ce que l'on a pu jusque là découvrir en matière de
Blockbusters. En égalant, et même, en surpassant certaines des
séquences emblématiques du Jurassic Park
de Steven Spielberg en matière d'effets-spéciaux et de tension,
Gareth Edwards assis sa nouvelle suprématie.
On pourra toujours
juger du faible scénario qui n'est une fois de plus que le combat
perpétuel de l'homme contre le nature revêche et des implications
du nucléaire et de la cause environnementale sur les désastres à
venir, mais l'intérêt de ce Godzilla
repose ailleurs et notamment sur le travail effectué sur les
effets-spéciaux qui tranchent avec ce que proposent en général les
blockbusters. Ici, jamais ils n'explosent de couleur et sont même
parfois difficiles à déchiffrer. Gareth Edwards préfère le
réalisme et plonge souvent ses créatures dans l'obscurité de la
nuit, dans un épais brouillard, ou dans les millions de tonnes de
poussière et de gravas que soulèvent les affrontements qui opposent
non pas l'homme à l'animal, mais Godzilla à une paire de Muto, deux
nouveaux Kaijū
créés
à l'occasion de ce nouveau Godzilla.
Deux créatures immenses et terrifiantes qui plus que celles de son
premier Monsters,
évoquent d'abord l'effroyable créature du Cloverfield
du sensationnel Matt Reeves (Let Me In,
War for the Planet of the Apes).
Un mâle et une femelle se nourrissant d'éléments radioactifs et
cherchant à se réunir afin de procréer.
Cette
cuvée 2014 n'échappe pas à l'habituelle caractérisation du héros
(Aaron Taylor-Johnson) cherchant à retrouver son épouse et leur
enfant, plongés en plein cœur du chaos. Mais là où Gareth Edwards
maîtrise totalement la ''bête'', c'est dans sa manière d'aborder
chaque segment d'une histoire à tiroirs. Confié à Bob Ducsay, le
montage permet au spectateur de ne jamais se perdre entre intrigue
principale et sous-intrigue. Même lorsque le calme apparent permet
d'accentuer la caractérisation de tel ou tel personnage avant que le
prochain événement spectaculaire ne colle le spectateur à son
siège, le danger est perceptible. Filmé à hauteur d'homme,
Godzilla
donne une ampleur encore plus spectaculaire à ses créatures. La
somme de séquences de bravoure est telle que le spectateur ne s'est
pas encore remis du choc visuel précédent que le film lui assène
une nouvelle vague d'effets-spéciaux en plein visage.
L'extraordinaire photographie de Seamus McGarvey appuie les choix
artistiques de Gareth Edwards. Tableaux vivants de destructions
massives et à répétition, combats d'anthologie entre titans
charismatiques...
Gareth Edwards mêle les genre avec une
spectaculaire aisance. Entre film catastrophe, Kaijū
Eiga, post-apocalyptique,
implications écologiques et drame humain, ce Godzilla
est un aboutissement dans la grande Histoire du Kaijū
Eiga
en général et dans celle de Godzilla en particulier. Si les
interprètes et leur personnage respectif sont tous d'une facture
remarquable (Gareth Edwards nous épargne le patriotisme américain
dégoulinant de Roland Emmerich), la star du film est bel et bien
l'immense et célèbre dinosaure qui finalement n'apparaîtra que
durant un peu moins de dix minutes. Mais à côté de cela, le
spectateur aura l'occasion de voyager dans une cité japonaise
fantôme et réinvestie par la nature, sur un porte-avion américain, des
eaux tourmentées, ou des cités ravagées servant de ring aux trois
créatures. Godzilla
2014 est une gifle monumentale et un juste retour aux origines
puisque lorsque est né le tout premier Godzilla au Japon, il faut
le savoir, c'est une toute autre créature qui servit d'inspiration à
ses créateurs : celle du long-métrage américain The
Beast from 20,000 Fathoms d'Eugène
Lourié qui sortit en 1953, soit un an avant le premier Godzilla
de Ishirô Honda...
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