Element of Crime
(Forbrydelsens element) est le premier long-métrage du
cinéaste danois Lars Von Trier. Une plongée en apnée dans la
psyché d'un profiler immergé dans les méandres d'une enquête qui
laissera sur lui, une empreinte indélébile. Première œuvre d'un
cinéaste atypique. Provocateur, mais avant tout, un génie du
septième art. Qui osera l'impensable en posant aux côtés de son
compatriote Thomas Vinterberg, les bases du Dogme95
qui consiste en un dépouillement total en matière d'artifices. Mais
en attendant, avec Element of Crime,
premier volet de sa trilogie européenne du E avec Epidemic
et
Europa,
Lars von Trier impose un style visuel déjà très étonnant, qu'il
explorera au delà des frontières du cinéma puisqu'on retrouvera
cette patte visuelle dans l'excellente série télévisée L’Hôpital
et ses Fantômes (Riget)
dix ans plus tard. Plus que l'histoire somme toute presque linéaire,
c'est le soin apporté à l'esthétique générale du film qui saute
aux yeux dès les premières secondes. Pas une œuvre en couleurs ni
en noir et blanc mais en sépia, et parfois, en de rares occasions,
Lar Von Trier use de monochromes bleutés. Le style visuel confère à
Element of Crime un
cachet glauque renforcé par un grain épais et des décors
décrépits, entre humidité, moisissures, et rouille, traversés
parfois par des couleurs de néons fulgurantes.
Lars
Von trier est un esthète, travaillant chaque plan. Entre lumière
glauque et obscurité totale. L'univers y est post-apocalyptique, et
c'est au centre de ce monde de débauche qu'enquête Fisher, qui sous
hypnose revient sur les deux derniers mois qui l'ont vu mettre en
pratique les enseignements d'un ouvrage (l'élément du crime en
question) écrit par son vieil ami Osborne. Sur les traces d'un
certain H.G (Harry Grey), Fisher fait des rencontres, dont Kim, jeune
prostituée asiatique qui accepte d'accompagner le flic dans le long
et douloureux cheminement qui doit le porter jusqu'à la résolution
d'une série de meurtres sordides dont sont victimes de jeunes
filles, vendeuses de billets de loto. Harcelé par un supérieur
revêche, Fisher perd peu à peu la tête, son esprit se mêlant à
celui du tueur...
Sur
un ton léthargique proprement ennuyeux, il faut le reconnaître,
Lars Von Trier semble mêler des inspirations cinématographiques
diverses. Mix improbable entre le Angel Heart
d'Alan Parker, le M le Maudit de
Fritz Lang, et le cinéma d'Ingmar Bergman, Element
of Crime
suinte de toutes parts. Davantage œuvre d'art que divertissement, le
film est parfois à ce point alambiqué qu'il n'est pas rare que l'on
décroche. La faute à un rythme trop lent, à des dialogues qui
appesantissent le propos et à des mouvements de caméra paresseux...
mais essentiels pour qui veut explorer chaque recoin, chaque détail
visuel. Toutes ces petites touches que le cinéaste ajoute à un
arrière-plan déjà relativement chargé. Element
of Crime
aborde le thème du dédoublement de la personnalité et du
profilage. En la matière, ce dernier élément se révèle plutôt
inédit à l'époque puisqu'il faudra attendre deux ans de plus avec
le chef-d’œuvre de Michael Mann, Manhunter,
pour véritablement découvrir cette profession qui consiste pour
certains individus à littéralement entrer dans la tête des tueurs
qu'ils sont chargés de traquer...
Si
à la longue Element of Crime
se révèle assez épuisant à suivre, Lars Von Trier entre cependant
dans le cinéma par la grande porte. A noter que le titre du dernier
long-métrage du cinéaste The House that Jack
Built
fait référence à une comptine entendue dans son tout premier
long-métrage. Lars von Trier aurait-il définitivement bouclé la
boucle... ?
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