A l'origine, il y a le
monumental ouvrage de
l'écrivain écossais Robert Louis Stevenson,
l'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde.
Non par la taille (ce court roman compte entre une soixante-dizaine
de pages et un peu plus de cent selon les éditions traduites en
français et dénuées de toutes illustrations supplémentaires),
mais par son contenu. Une œuvre qui inspirera des légions de
cinéastes, de metteurs en scène et de réalisateurs. Sur grand et
petit écrans, ainsi que sur les planches de théâtre. Des chansons
s'inspirèrent du récit de Robert Louis Stevenson publié en 1886. Des jeux vidéos et des bandes-dessinées également. Un ans après
sa sortie, le roman inspire déjà le théâtre qui en propose une
version incarnée par l'acteur britannique Richard Mansfield à
Boston, aux États-Unis, puis l'année suivante au Lyceum
Theatre
de Londres.
Alors
que tout le monde y est allé de son hypothèse sur l'identité du
premier tueur en série officiel de l'histoire de l'humanité, un
certain... Jack L’Éventreur (bien que le terme de Serial
Killer ne soit
apparu dans les dictionnaires qu'en 1961 et qu'il a été prononcé
pour la première fois lors du procès de Ted Bundy en 1977), à la
lecture du récit de Robert Louis Stevenson, édité deux ans
seulement avant le premier meurtre officier de l'éventreur, il
aurait été sans doute plus facile d'imaginer un cas de Copycat
ayant
agit après avoir lu le roman ou après avoir vu son adaptation au
théâtre. Du moins, avant que ne soient soupçonnés, entre autres,
Seweryn Klosowski, suspect idéal qui tua tout de même ses trois
épouses avant d'être pendu en 1903, le juif polonais Aaron
Kosminski, ou encore Thomas Neill Cream, un médecin connu pour
pratiquer des avortement illicites.
Le
cinéphile a de quoi contenter sa passion pour le sujet. Plus de
vingt-cinq longs-métrages se penchent sur le sujet. Parmi les
meilleurs, le Dr Jekyll and Mr. Hyde
de Victor Flemming avec Spencer Tracy en 1941. Et parfois, quelques
fantaisies pas toujours respectueuses mais néanmoins amusantes
(Abbott and Costello Meet Dr Jekyll and Mr. Hyde
de Charles Lamont en 1953 ou The Nutty Professor
de
et avec Jerry Lewis). Et puis, il y a le cas Gérard Kikoïne. Ancien
transfuge du Porno français qui fit notamment tourner à la chaîne
Brigitte Lahaie (La Clinique des Fantasmes),
Marilyn Jess (Chaudes Adolescentes )
ou bien même, oui, oui, la Catherine Ringer des Rita Mitsouko dans
Théâtre de l'amour
en 1980. Vingt-cinq films X environs avant de se tourner vers la
télévision et même le cinéma avec, justement, une vision toute
personnelle du roman de Robert Louis Stevenson : Edge
of Sanity,
sobrement intitulé chez nous Docteur Jekyll et
M. Hyde.
Pas la meilleure idée qu'ait eu le cinéaste, mais peut-être la
pire. Surtout pour les amateurs, et de porno, et du roman de
l'écrivain britannique qui s'attendaient sans doute à une version
bouleversant leurs hormones.
Le
résultat est pire que ce que l'on aurait pu imaginer. Un film
absolument indigeste, dans lequel le personnage campé par Anthony
Perkins (lequel mourra trois ans plus tard du sida) n'est que l'ombre
du Norman Bates qu'il incarna dans la série de quatre longs-métrages
(dont l'un, on le sait, est prodigieux) Psycho.
La nuit venue, maquillé telle une drag-queen avant l'heure, l'acteur
arpente de nuit, dans la peau de Monsieur Hyde, les rues sordides de
Whitechapel où vendent leur corps des prostituées de bas étage.
Sous l'impulsion d'une substance, fruit des recherches du Docteur
Jekyll, ce dernier se transforme en bête sanguinaire dont les
prostituées, peu méfiantes (il faut pourtant voir la gueule de
Perkins à ces moments là), font les frais...
Film
de cinéma, le Docteur Jekyll et M. Hyde
de Gérard Kikoïne ressemble
en fait à un téléfilm désastreusement laid que n'importe quelle
chaîne nationale française aurait pu produire et diffuser à une
heure de grande écoute. Quitte à découvrir une version filmée
pour la télévision, autant fallait-il suivre les aventures de
Michael Caine dans l'excellent Jekyll & Hyde
de
David Wickes datant de 1990 (à noter que ce même David Wickes
réalisa deux ans auparavant, en 1988, une très belle reconstitution
télévisée de trois heures sur les méfaits de Jack L'éventreur
dans le très réussi Jack the Ripper,
et dans lequel, justement, on assistait à une très impressionnante
représentation théâtrale de l'Étrange Cas du
docteur Jekyll et de M. Hyde).
Gérard
Kikoïne se contente de réaliser un film sans saveur, faussement
provocateur, dégueulant littéralement de couleurs criardes. Aussi
ringard que Le Repaire du Ver Blanc
de Ken Russel, dont le Docteur Jekyll et M. Hyde
de
Kikoïne transpire littéralement l'esthétique et le baroque de
pacotille (Ken Russell qui en outre, réalisa pourtant notamment
l'extraordinaire The Devils),
et peut-être encore plus que le trop décrié Der
Dirnenmörder von London
avec Klaus Kinski que Jess Franco réalisa en 1976. N'est pas Peter
Greenaway qui veut. Gérard Kikoïne n'a ni le talent, ni la folle
imagination du cinéaste britannique alors même qu'il tente de
l'imiter à chaque plan. Non vraiment, ça n'est pas rendre hommage
que de regarder la version de Docteur Jekyll et
M. Hyde signée
du réalisateur français Gérard Kikoïne. On rêvait d'une
introspection morbide, on se retrouve devant un produit vendable au
prix de trois euros à l'avant des caisses de supermarché. On
regretterait presque que l'auteur de Indécences
1930
ait abandonné le porno pour se lancer dans le cinéma dit
« classique »...
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