Le Bunker Palace Hôtel
est un édifice luxueux conçu par l'architecte Holm à l'attention
des hauts-dignitaires et sur recommandation du Président en place.
Comme son nom l'indique, le Bunker Palace Hôtel a été bâtit pour
que nul autre qu'eux ne puisse y pénétrer (le Bunker). Un refuge
éblouissant (le Palace) dans lequel chacun peut vivre, manger, et
dormir (l’Hôtel) dans l'attente du Président. Alors qu'à
l'extérieur les rebelles mènent un féroce combat pour défaire la
dictature en place dans des territoires désolés, à l'intérieur,
tout semble se déliter. Sous les bombardements incessants et
répétés, les androïdes se mettent à dérailler, les esprits
s'échauffent et la structure même du Bunker Palace Hôtel semble
peu à peu tomber en ruines. Et le Président qui n'est toujours pas
arrivé... Tranchant radicalement avec le cadre et ses habitants,
Clara est la source de nombreuses questions et de doutes de la part
des hauts-dignitaires qui se méfient très rapidement de la jeune
femme. Heureusement pour elle, Clara peut compter sur l'inattendu soutien
de Holm lui-même...
Étrange long-métrage
que ce Bunker Palace Hôtel
signé Enki Bilal, le dessinateur dont on retrouve ici la patte
graphique. Avec une rigueur exemplaire, le cinéaste ne se laisse
jamais à marchander avec le public et ne cherche en aucun cas à le
divertir. Anticipation, post-apocalyptique. Des mots qui sonnent faux
dans le paysage cinématographique français de cette époque là. Surtout que deux ans
auparavant, le cinéaste Pierre-William s'était quelque peu ridiculisé
en réalisant le très ringard Terminus
qui
pourtant, depuis, a gagné ses galons de nanar culte. Bunker
Palace Hôtel
aurait pu, lui aussi, devenir la risée de la presse et du public,
pourtant, à le redécouvrir aujourd'hui, on sent combien Enki Bilal
était en avance sur son temps. Peut-être même un peu trop pour
l'amateur de cinéma lambda qui se retrouvait sans doute pour la
première fois de sa vie devant une œuvre parfois intellectuellement
labyrinthique.
Auteur
de bandes-dessinées (La
Trilogie Nikopol ),
de jeux vidéos (La
Foire aux Immortels), illustrateur, metteur en scène de théâtre et
donc, cinéaste, ce touche à tout d'Enki Bilal quitte la France avec
toute son équipe de tournage et se rend à Belgrade, capitale de la
Serbie, pour y tourner son tout premier long-métrage. Bunker
Palace Hôtel.
Un titre aux contours aussi rugueux que les prises de vue
parfaitement symétriques du long-métrage. Décors extérieurs
bombardés, réappropriation du béton par la mère-nature tandis que
résonnent au loin, tirs de mitraillettes et bombardements. Budget
serré ? Choix artistiques parfois volontairement minimalistes ?
Toujours est-il que du conflit qui oppose la hiérarchie aux ennemis
de l'état, nous n'en verrons que quelques rarissimes conséquences
(la mort de Marco, incarné par l'acteur Svetozar Cvetkovic), le
cinéaste préférant sans doute accorder une place plus importante à
l'univers sonore. Surtout lorsque s'enfoncent chacun de leur côté
dans les abîmes, Clara et Holm.
Extérieurs
proches du Brazil
de Terry Gilliam. Intérieurs sobres. Costumes taillés de
hauts-fonctionnaires. Androïdes défaillants, ventripotents,
blafards, serviles. C'est dans cet univers froid et lugubre que
pénètre un casting aussi inattendu que prestigieux. Jean-Louis
Trintignant, le cheveu ras. Carole Bouquet, la teinture rousse. Et
puis il y a les autres. Le Jean-Pierre Léaud de Godard. Benoît
Régent, disparu trop tôt à l'âge de quarante ans. L'impeccable
Yann Colette (que l'on reverra notamment dans les deux autres
longs-métrages d'Enki Bilal). Ou encore Jezabelle Amato qui débutait
là, sa carrière sur grand écran. Tous forment le contenu d'une
œuvre emprunte de poésie funèbre, vivant sans le savoir dans ce
qui deviendra sans doute leur tombeau. Enki Bilal signe avec Bunker
Palace Hôtel
une date importante dans le cinéma de science-fiction. Premier
véritable pas, sans fausses notes, du cinéma français vers un
monde dystopique très critique envers la politique dont le sujet ne
cache jamais ses origines. Magistral de bout en bout et
définitivement pessimiste, Bunker Palace Hôtel
est un joyau noir de hard
science-fiction
qu'il serait temps de redécouvrir...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire