Lorsqu'un film sort de
l'ordinaire, fait une proposition qui sort des sentiers battus, on se
tait et on regarde, et APRES seulement, on critique, on crie au génie
ou l'on hurle à l'infamie. On peut tout simplement faire la moue,
sourire, ou pleurer. On peut même parfois sortir de l'expérience
quelque peu bouleversé. Dans ce registre, François Ozon a déjà
donné. Oui, oui, à une certaine époque, il savait bousculer,
déranger, malmener son public. Du moins, jusqu'à ce qu'il rentre un
peu dans le rang. Mais qui n'a jamais vu Regarde la Mer
ne peut soupçonner ce que pouvait receler de malsain son cinéma
d'avant. Ricky
peut
être considéré comme la version « avec filtre » de son
quinzième court-métrage réalisé presque dix ans auparavant. Sauf
que la fascinante et dérangeante actrice belge Marina de Van (Dans
ma Peau)
laisse désormais la place à Alexandra Lamy qui fut d'abord remarquée grâce au personnage d'Alex dans la série Un
Gars, une Fille.
Tiens, justement. Une sitcom. Comme le titre du premier long-métrage
que réalisera François Ozon l'année précédent les début
d'Alexandra Lamy dans le rôle qui la rendit célèbre.
La
rencontre entre l'actrice et le cinéaste semblait tellement évidente
qu'il aura tout de même fallut patienter une décennie durant
laquelle Alexandra aura eu le temps de se faire la main sur une
dizaine de longs-métrages. Ricky,
lui, démarre presque comme n'importe quelle romance. Ajoutant à
cette rencontre un aspect social qui perdurera jusqu'à la fin de ce
conte pas vraiment classique, François Ozon ne fait pas de son
héroïne la fille d'une riche famille bourgeoise mais la locataire
d'un HLM qui élève seule sa fille de sept ans. Lisa. Déjà, la
particularité de Katie, c'est son moyen de locomotion. Pas de
voiture, mais un scooter. Un détail. Son métier, également,
puisqu'elle travaille sur une chaîne de montage dans une usine de
produits chimiques. Sa rencontre elle aussi n'est pas banale puisque
son futur compagnon Paco, la jeune femme va le rencontrer non pas à la terrasse d'un café, ni dans un théâtre, encore moins dans une salle de
concert mais au boulot. Très vite, entre eux, ça colle. Après
s'être baisés mutuellement dans les chiottes de l'usine où ils
bossent désormais tous les deux, Paco vient s'installer avec Kathie
et sa fille Lisa. Avec cette dernière, si le torchon ne brûle pas
vraiment, l'intégration de cet immigré d'origine espagnole ne se
fait pas sans heurts. Pourtant, peu à peu, Paco finit par faire
partie du décor et donne même un enfant à Kathie. Et c'est là que
les choses vont prendre une tournure particulière...
Parce
que François Ozon ne faisant pas les choses comme tout le monde, il
fallait bien qu'il nous balance un concept inédit. Un peu fou, mais
plaisant. En tout cas, ne se revendiquant pas du même tonneau que le
parfois très dérangeant Regarde la Mer.
Sous ses faux airs de drame social (une mère vivant seule avec sa
fille dans un HLM, on connaît déjà le sujet par cœur), le
cinéaste français y injecte un élément fantastique
particulièrement périlleux. Casse-gueule diront certains. Car
Ricky, ce joli bébé de quelques kilos qui vient de naître va
bientôt montrer les stigmates d'une étrange mutation qui ameutera
les foules. En bon artisan, François Ozon n'oublie cependant pas
d'où provient son cinéma. Le cinéaste sait capter le regard de ses
interprètes. C'est ainsi donc qu'avant que nous soit révélée
l'incroyable réalité de ce qui fait de Ricky un être si
exceptionnel, il aura réussit à faire douter les spectateurs. Un
public qui aura tenté de trouver à deux reprises une explication
cruelle aux stigmates que porte l'enfant. Malheureusement, sorti de
ce contexte pour arriver là où le cinéaste voulait dès le départ
nous emmener, Ricky
finit par se prendre les pieds dans le tapis à mesure qu'il
abandonne l'élément dramatique pour se fendre d'une comédie
fantastique, au final, un peu légère... Surprenant, mais
intrinsèquement creux. Dommage car Alexandra Lamy, Sergi Lopez, et
la toute jeune Mélusine Mayance sont impeccables...
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