Après avoir vu
l'admirable Perfetti Sconosciuti écrit et réalisé
par le cinéaste italien Paolo Genovese, il paraissait logique de se
pencher sur le remake français mis en scène par Fred Cavayé cette
année. Un cinéaste qui depuis 2016 est passé du thriller à la
comédie avec, tout d'abord, Radin !,
puis en 2018, son tout dernier long-métrage, Le
Jeu.
Dont le scénario écrit par ses soins est donc inspiré de celui de
Paolo Genovese, Filippo Bologna, Paolo Costella, Paola Mammini et
Rolando Ravello. Bérénice Bejo, Stéphane de Groodt, Vincent Elbaz,
Suzanne Clément, Roschdy Zem, Doria Tilier et Grégory Gadebois
prennent le relais de l'impérial casting italien. Résultat, le film
de Fred Cavayé est une grosse déception pour celui qui connaît
déjà l’œuvre de Paolo Genovese. C'est sans finesse aucune
que le cinéaste français choisit de dresser le portrait de sept
amis qui lors d'un dîner acceptent de jouer à un jeu stupide :
le téléphone portable de chaque convive est déposé au milieu de
la table et chacun doit lire chaque sms, mail ou faire écouter
chaque message vocal qu'il reçoit à ses amis. Si tout se passe d'abord sous les meilleurs
augures, peu à peu la soirée va déraper.
L'histoire
étant identique à celle de Perfetti
Sconosciuti,
il est malheureusement possible que le jugement soit légèrement
altéré. Dur de passer derrière un long-métrage italien qui a su
allier humour et émotion alors que son adaptation française manque
cruellement de l'un et de l'autre. En effet, alors que les bons mots
fusent régulièrement au pays de la Dolce
Vita
et que l'émotion y est poignante, l’œuvre de Fred Cavayé demeure
étonnamment stérile en la matière. J'avoue ne pas avoir ri une
seule fois. Tout juste esquissé un timide sourire à une seule
occasion. Voir coup sur coup un film et son remake revêt quelque
chose d'handicapant. Le souvenir trop récent d'avoir vécu un vrai
grand moment de cinéma contrecarré par la vision d'un remake bas de
gamme, plutôt mal écrit malgré l'implication d'interprètes que
l'on a connu plus amusants ailleurs.
Certaines
des séquences les plus fortes de l’œuvre originales sont ici
bâclées. Ou simplement ignorées. C'est malheureux à dire mais
tout bon comédien qu'il soit, Stéphane de Groodt ne possède pas le
charisme de Marco Giallini et les moments clés que vit son
personnage et celle qui incarne son épouse à l'écran (Bérénice
Bejo) sont désastreusement plates. Toute l'intime magie du duo
incarné par Marco Giallini et Kasia Smutniak est désormais évacuée
d'un simple revers de la main par un duo français qui manque
cruellement de crédibilité. La faute à une écriture beaucoup
moins « pensée »
que
celle du long-métrage de Paolo Genovese. Beaucoup moins fin, le
trait y est largement plus grossier et le spectateur se retrouve
devant une comédie française sans véritable saveur qui du point de
vue de l'écriture, ne renoue jamais avec les pointures que sont par
exemple Un Air de Famille,
Cuisine et Dépendances,
Le Dîner de Con
ou Le Prénom.
Fred Cavayé dénigre le rythme apaisé que son prédécesseur avait
injecté à une œuvre pourtant parcourue de moments chocs et livre
en pâture des interprètes jouant parfois sur le mode de l'hystérie.
Non pas que Suzanne Clément soit mauvaise, bien au contraire, mais
le personnage de Charlotte qu'elle incarne devient assez rapidement
irritante. Au même titre que Vincent Elbaz, très moyen, et qui ne
semble pas toujours concentré sur son jeu. S'en tire avec les honneurs le
toujours impeccable Roschdy Zem même si là encore, Fred Cavayé
manque le coche en ne lui offrant pas un rôle à la hauteur de celui
que se vit offrir Valerio Mastandrea dans Perfetti
Sconosciuti.
Il y a donc deux manières d'aborder Le Jeu.
Soit l'on ne connaît pas l’œuvre dont le film de Fred Cavayé
s'inspire, et alors, si l'on n'est pas trop regardant sur l'écriture,
le film passera pour une excellente comédie française bien qu'un
très large cran en dessous des quelques exemples cités au dessus,
soit l'on connaît l’œuvre de Paolo Genovese. Et alors, on devrait
logiquement vivre une expérience assez désagréable. Comme de
revoir le même film amputé de tout ce qui en faisait le sel... Une
déception...
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