Vase de Noces de Thierry Zéno (1974) - ★★★★★★★★☆☆
Le voici donc ce fameux film belge qui fit couler tant d'encre et qui continue à inspirer ceux qui ont eu l'occasion de le découvrir à l'époque de sa sortie et même bien plus tard. Cette œuvre qui bouleversa, choqua, interloqua, et poussa même également certains pays à l'interdire dans sa globalité. Il faut dire que son auteur, un certain Thierry Zéno, n'y allait pas avec le dos de la cuillère avec son sujet hautement volatile. Pas un brin de dialogue, juste la respiration post-synchronisée de son unique représentant de l'espèce humaine, et des bruits de mastication assez désagréables. Un homme perdu dans la campagne belge, en un temps indéterminé, vivant seul dans sa ferme avec ses bêtes. Et notamment une truie, dont il est amoureux. Et des poules, dont il décapite certaines lors de rituels immuables, enfermant les têtes coupées dans des bocaux qu'il place ensuite sur des étagères, dans une serre aux vitres brisées. Pas très net ce gaillard malingre incarné par l'acteur Dominique Garny dont les seuls faits d'arme semblent être ce Vase de Noces, ainsi que À chacun son Borinage de Wieslaw Hudon et Grève et Pets de Noël Godin. Dire que l'acteur se voue corps et âme au long-métrage de Thierry Zéno est ici un euphémisme. Sans la moindre hésitation, le personnage incarné par Dominique Garny se désape, poursuit sa truie chérie, et la besogne lors de séances contre-nature.
C'est d'ailleurs l'objet de ce premier acte. Le film étant clairement scindé en deux parties. La première s'intéressant de très près au quotidien de cet homme fou, ayant perdu la tête à force de solitude. Loin de ses congénères, il a développé de drôles d'obsessions. Des rituels immuables et morbides, dont les accouplements répétés avec une truie ne sont pas des moindres. Le thème de la zoophilie peut sembler choquant, il est vrai. Mais Thiérry Zéno, à la différence de beaucoup de cinéaste provocateurs, n'essaie nullement d'outrer l'assistance. Vase de Noces est un poème morbide sur la déchéance d'un homme qui loin de la civilisation a perdu tout ses repaires. Seul, il s'est créé une existence privilégiée auprès de ses animaux de basse cour. À force de copuler avec sa truie, celle-ci donne naissance à trois petits porcelets. Mignons. Qu'il tente d'éduquer lors d'une scène aux contours surréalistes et humoristiques qui apaise quel que peu en comparaison de la thématique abordée jusqu'à maintenant. Un adorable interlude qui se termine pourtant sur un drame. L'homme a-t-il réalisé l'absurdité de ses actes ? L'arrivée de ces trois porcelets, fruits de son union avec une truie, n'a-t-elle pas éveillé sa conscience ? Toujours est-il qu'il perd la tête, tue les petits l'un après l'autre en les exhibant devant les autres animaux de la ferme. Puis c'est le même rituel. Un à un, il enferme les porcelets dans des bocaux et les emmène dans la serre pour les y exposer.
Là où Vase de Noces se révèle beaucoup plus nocif et dérangeant, c'est lors du second acte. Après avoir tué la truie, l'homme voue une fascination pour ses propres déjections organiques. Et ne le voilà-t-il pas en train de manger ses propres excréments ? Thierry Zéno s’appesantit sur ce sujet, s'appuyant sur le fait que l'homme, rendu fou de chagrin, a définitivement perdu la tête. Vase de Noces devient véritablement éprouvant, plus "calvairien" que le Calvaire de son compatriote Fabrice du Welz, dès lors que le personnage incarné par Dominique Garny, durant de longues minutes, mange ses excréments. Les faisant cuire, les dévorant par la suite, avant de déféquer, puis de les cuisiner à nouveau, les manger sous une autre forme, etc, etc... jusqu'à ce que son organisme n'en supporte pas davantage et qu'il vomisse, comme purgeant son organisme du contenu de son estomac. Vase de Noces est une véritable performance, ultime et éprouvante. Sans conteste, beaucoup plus aboutie que les dérives scatologiques d'un Jean-Louis Costes ou la provocation bon enfant d'un Marco Ferreri. Cepandant, mieux vaut avoir l'estomac bien accroché pour supporter cette ode à la déviance et à la solitude accompagnée de musique sacrée et d'expérimentation sonores électroniques. Culte et indispensable, tout simplement...
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