Après avoir fait un
petit tour par l'Italie à travers Cannibal Holocaust de
Ruggero Deodato et Buo Omega de
Joe D'Amato, faisons maintenant un détour par l'Espagne avec La
Semana del Asesino
d'Eloy de la Iglesia, qui contrairement à sa traduction anglaise
(Cannibal Man),
n'a plus rien à voir avec les peuplades d'Amazonie se nourrissant de
chair humaine. Exit donc les indigènes de Deodato, mais pas
forcément le taxidermiste éprit du cadavre de sa fiancée car
Marcos, le héros de La Semana del Asesino
entretient un rapport avec celui de D'Amato. En effet, les deux
hommes, pour des raisons différentes, vont se retrouver au cœur
d'une spirale meurtrière qu'ils ne pourront contrôler. La femme est
encore une fois au centre de ce drame assez particulier prenant pour
cadre le régime franquiste selon son auteur. Évocation satirique et
passablement nauséeuse d'un employé d'abattoir qui afin de protéger
sa belle, va commettre par accident, l'irréparable. Le siège
arrière d'un taxi n'étant pas un baisodrome, le chauffeur, très
énervé, demande à Marcos et sa petite amie Paula, qui dans un élan
passionné, s'embrassent fougueusement, de quitter le navire. Sans
oublier, bien sûr de payer les quelques dizaines de pesetas (nous
sommes en 1972 et l'euro n'est pas encore devenu la monnaie espagnole
officielle) correspondant au trajet qu'ils ont effectué. Marcos
refuse, le chauffeur l'attaque d'un coup de pied bien placé entre
les jambes. Le chauffeur s'en prend alors à Paula, la frappant,
l'insultant, jusqu'à ce que Marcos, armé d'une pierre le frappe à
la tête. Résultat des courses : un homme à terre, baignant
dans son sang.
Dès
lors, Eloy de la Iglesia développe une intrigue dont l'échelle de
temps correspond à une semaine complète. Chaque jour condamne son
héros à tuer, les uns après les autres, tous ceux qui pourraient
l'envoyer en prison. Car Paula, anéantie par la mort du chauffeur de
taxi (la presse en a fait les gros titres), propose, et impose même,
à Marcos d'aller se livrer aux autorités. Inconcevable. Mais
devant l'insistance de sa fiancée, le jeune homme ne trouve qu'une
solution : la tuer à son tour en l'étranglant. Première étape
d'une série de meurtres qui cette fois-ci ne seront plus
accidentels.
Le
titre original définit assez bien le contexte auquel le cinéaste
espagnol confronte les spectateurs. Le cadre demeure difficile à
définir. Comme des bidonvilles en dur plantés dans un terrain vague
où jouent des gamins au football. Insouciants, loin d'imaginer
l'horreur qui se trame derrière la porte de cet individu commun, qui n'inspire ni
la peur ni la curiosité. Les morts donc s'accumulent, faisant de
Marcos un tueur en série. Mais pas seulement. Un nécrophile, même.
Conservant chez lui le cadavre de ses victimes. C'est alors que lui
vient l'idée de se débarrasser des corps sur le lieu de son
travail : l'abattoir...
La Semana del
Asesino dégage
une ambiance poisseuse, Eloy de la Iglesia ne lésinant jamais sur
les détails scabreux de l'existence pour marquer au fer rouge
l'assistance. Des quelques scènes tournées dans un abattoir
montrant froidement l'équarrissage de bovins, jusqu'aux rapports
ambigus que le personnage incarné par Vicente Parra entretient avec
certains de son entourage. Le plus manifeste d'entre eux demeure son
voisin Nestor (l'acteur Eusebio Poncela) qui dégage un douceâtre
parfum de stupre. Une étrange attirance entre les deux hommes dont
les arrêtes sont quelque peu émoussées et donnent du fil à
retordre aux spectateurs qui ne savent pas vraiment quels sont les
objectifs de ce voisin décidément intéressé par Marcos. Eloy de
la Iglesia filme en gros plans, le visage suintant de Marcos, et
évoque l'insoutenable puanteur qui se dégage des corps enfermés
dans sa chambre. La chaleur et la mort n'allant pas de paire, le film
respire le vice à chaque plan. Même les sentiments sont tronqués.
Paula n'aspire qu'au mariage. Mais aime-t-elle vraiment Marcos, elle
qui est prête à le sacrifier aux autorités, sans doute pour
apaiser sa conscience ?
Derrière
les horreurs bien réelles, d'animaux abattus à la chaîne, Eloy de
la Iglesia communique un message encore plus virulent à travers
l'élimination des cadavres, lesquels se retrouvent alors dans le
circuit de consommation des amateurs de viande. Sûrement ce que
voulaient évoquer ceux qui ont maladroitement traduit le titre en
anglais. Une descente aux enfers un peu maladroite. une vision
inédite d'un périple meurtrier. Une œuvre qui colle à l'esprit
comme un tee-shirt humide, sur une peau en sueur...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire