On sait peu de choses sur
l'acteur et réalisateur français Rafaël Cherkaski si ce n'est
qu'il est originaire de Lyon, qu'il est parti vivre dans les DOM-TOM
durant son enfance et qu'il reviendra dans l'hexagone afin d'y suivre
des courts aux Beaux-Arts de Paris. Sorgoï Prakov, my European
Dream est
le premier et actuellement, seul long-métrage de ce jeune français
qui pour ainsi dire, redéfini les codes du found-footage dans ce qui
demeurera sans doute longtemps comme un choc visuel et sensitif.
D'une durée n'excédant pas les quatre-vingt cinq minutes, le
cinéaste nous invite à un voyage dans la capitale française, début
de ce qui aurait dû être un long périple pour Sorgoï Prakov,
habitant de ce pays imaginaire qu'est la Sdovie, une contrée coincée
entre Russie et Biélorussie. Ayant déjà prévu de visiter parmi
les plus importantes capitales européennes afin d'y trouver son rêve
européen, le voyage de Sorgoï ne va cependant pas se dérouler
comme il l'avait prévu.
Si
dans un premier temps tout se déroule à merveille, avec la
rencontre des habitants de la capitale, et la visite de divers
monuments dont l'inévitable Tour Eiffel, peu à peu, une série de
circonstances vont plonger le héros de ce voyage filmé en mode
found-footage (une caméra fixée sur la tempe droite et une autre à
l'extrémité d'une perche selfie), dans un univers en totale
opposition avec ce qu'il espérait trouver. Son 'european
dream'
se mue alors en un cauchemar cruel et dépaysant. Même en étant
soit même originaire du pays, les choix du réalisateur en matière
de mise en scène font que l'on ressent assez vite le danger d'une
cité qui la nuit, livre ses sombres secrets. La faune nocturne ne
ressemblant qu'en de très rares occasions à celle que l'on croise
de jour, Sorgoï est très vitre confronté à des difficultés qui
le dépassent. Invité par de sympathiques autochtones, il se laisse
attirer par l'alcool et la drogue, perd ses papiers, et n'a plus les
moyens financiers de s'offrir de quoi manger et dormir.
A
la rue, le journaliste amateur dont les producteurs semblent se
désintéresser, finit par ressembler à certains des 'fantômes'
qu'il a l'habitude de croiser la nuit. Une cloche qui de plus en
plus, se dégrade aussi bien mentalement que physiquement. Les jours,
les semaines passent et Sorgoï semble coincé dans ce pays qui lui
est étranger. Buvant de plus en plus de piquette, l'homme perd la
tête et ne parvient plus à raisonner convenablement. C'est alors
pour Sorgoï et ceux qui ont le malheur de croiser sa route, une
véritable descente aux enfers...
Ce
que semble avoir parfaitement intégré Rafaël Cherkaski dans son
très étonnant long-métrage demeure dans la déchéance
psychologique dont le personnage qu'il interprète lui-même à
merveille est victime. Proche de la schizophrénie, Sorgoï rappelle
quelque part le traumatisant sans-abris schizophrène de
l'hallucinant Crazy Murder
de Doug Gerger (un patronyme qui colle parfaitement à l'ambiance
général de ce film culte, mais dérangé). Si celui-ci est déjà
bien atteint du bulbe, ce qui frappe les esprits dans le film du
français, c'est la totale transformation d'un touriste bien sous
tous rapports (aussi bien physiquement qu'intellectuellement) en
animal avide de sang. En différentes étapes, Rafaël Cherkaski
démonte la structure mentale d'un homme hors des frontières de son
pays, lâché dans un milieu urbain très hostile, et faisant face à certaines
carences en employant des moyens que n'importe qui considérera de
condamnables. L'acteur-réalisateur donne de sa personne et afin de
donner du crédit à ce faux-documentaire incroyablement réaliste,
il ira jusqu'à perdre un certain nombre de kilos, allant même
jusqu'à se raser le crâne et les sourcils afin d'appuyer davantage
encore la thèse de la schizophrénie.
Si
Sorgoï Prakov, my European Dream n'est
pas véritablement à mettre dans la section films d'horreur, il
n'empêche que le portrait saisissant qu'en fait Rafaël Cherkaski
est grandement anxiogène. Le cinéaste s'amuse d'abord à nous
exhiber un touriste naïf, sur une musique jouée à l'accordéon, LE
cliché de rigueur, pour entrer dans la tête d'un homme qui finira
par ne plus s'exprimer que par borborygmes. Sorgoï
Prakov, my European Dream est
une œuvre terrible, sans concessions, un choc visuel comme rarement
la France en a proposé à ce jour. Pascal Laugier et son Martyrs
peuvent
aller se rhabiller. Le vrai grand choc nous vient en réalité de ce
tout jeune cinéaste qu'est Rafaël Cherkaski. Un auteur plein de
promesses dont on attend la suite avec impatience...
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