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dimanche 13 mai 2018

Panique de Julien Duvivier (1946) - ★★★★★★★★☆☆



Quarante-trois ans après sa sortie, le cinéaste français Patrice Leconte aura pu réaliser son rêve. Celui de réaliser le remake de l'un des plus grands films de Julien Duvivier, Panique. Ce long-métrage, c'est Monsieur Hire avec dans le rôle-titre, l'acteur Michel Blanc. Et Monsieur Hire, c'est justement le nom donné au vieil homme incarné par Michel Simon dans l’œuvre que Julien Duvivier a adapté du roman Les Fiançailles de Monsieur Hire pour le grand écran en 1946. Le personnage féminin quant à lui fut confié à l'actrice Viviane Romance qui, pour le coup porte un nom en total décalage avec la tournure que vont prendre les événements dans ce film faisant écho à l'un des grands classiques du cinéaste allemand Fritz Lang qui dès 1936 et avec Spencer Tracy dans le rôle du personnage principal de Furie, dressait déjà le portrait d'une population avide de vengeance et menant tout droit à l'échafaud, un homme innocent accusé d'un enlèvement.
L'une des principales différence opposant les deux longs-métrages demeure dans le fait que chez Julien Duvivier, il s'agit surtout d'une machination visant à faire accuser volontairement un innocent à la place du véritable coupable. Et ce, en utilisant les charmes de la jeune et jolie Alice (Viviane Romance), laquelle est la maîtresse d'un dénommé Alfred, le responsable d'un meurtre crapuleux dont a fait les frais une femme en possession de plusieurs milliers de francs. Un acte criminel dicté par la seule avarice d'un individu qui au fil de l'intrigue va se révéler de plus en plus mauvais, au point d'utiliser celle qui l'aime afin d'échapper à la justice.

Mais ce qui marque avant tout le spectateur dans cette effroyable machination, c'est le sort subit par Monsieur Hire que Michel Simon incarne à merveille. Un individu dont le seul tort véritable est de ne ressembler à aucun de ses concitoyens. Les habitants d'un quartier qui se connaissent tous et qui voient d'un mauvais œil ce personnage au comportement ambigu, distant, révélant ouvertement son antipathie envers ses congénères. Des raisons suffisantes pour que l'on juge l'homme avant même que la moindre preuve concrète puisse établir sa culpabilité. Alors que Julien Duvivier aurait pu choisir de taire le nom du véritable assassin jusqu'à la fin afin d'entretenir le suspens, le cinéaste choisit au contraire de le livrer aux spectateurs afin de concentrer l'intrigue sur les manigances des deux amants et sur le comportement parfois abjectes des habitants du quartier envers Monsieur Hire.

Il faut dire qu'à première vue, oui, Monsieur Hire ferait un coupable idéal. Peu sympathique, ne déversant ses paroles qu'au compte-goutte et choisissant ses interlocuteurs avec autant de prudence, sa grande barbe et ses manières peu orthodoxes le mettent à l'écart des autres. Des hommes et des femmes formant une étrange communauté n'acceptant pas la différence et profitant des failles d'un vieil homme trompé par celle dont il est tombé amoureux (Alice). Julien Duvivier, d'une certaine manière, fait preuve d'un immense cynisme en évoquant le fameux appareil-photo que porte au cou le préjudiciable. Un individu qui pour le coup, est soit stupide, soit le seul à imaginer un monde sans que la délation de mauvaise réputation bien connue en cette époque d'après-guerre ne serve d'issue de secours. Comment expliquer autrement que cet homme, dont la seule véritable passion est de photographier les gens dans leur quotidien (ce qui tendrait à nous faire croire qu'au contraire de certains de ses propos, l'homme aime son prochain plus qu'il ne veut l'avouer) se taise alors qu'il détient lui-même la preuve de son innocence ?

Soixante-douze ans après sa création, certaines des scènes de Panique demeurent encore presque insoutenables. Comme cette prophétique séquence des autos-tamponneuses durant laquelle les participants s'acharnent à foncer sur le véhicule emprunté par Monsieur Hire. Signe avant-coureur d'une fin que l'on imagine tragique, repoussant l'homme jusqu'au sommet du plus grand immeuble du quartier, acculé comme le fut en son temps une célbre créature (celle du roman Frankenstein ou le Prométhée Moderne de Mary Shelley) fabriquée à partir de plusieurs parties de corps humains. Julien Duvivier filme un réquisitoire contre la dénonciation et la justice expéditive. Ce couple charmant que forment Viviane Romance et Paul Bernard se mue en un duo de monstres face à un Michel Simon éclatant dans le portrait d'un individu sortant du cadre. Panique est un indispensable bijou pour les amateurs du cinéaste en particulier et pour les amoureux de grand cinéma en général. A savourer sans modération...

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