Faisant suite à
L'Enfance d'Ivan en
1962 et Andreï Roublev
en 1966, Solaris
est le troisième long-métrage du cinéaste russe Andreï Tarkovski
qui désormais, change totalement d'univers et plonge ses interprètes
dans la science-fiction en adaptant le roman éponyme de l'écrivain
ukrainien Stanislas Lem. Sur une base scénaristique écrite de ses
propres mains ainsi que de celles de l'écrivain et scénariste
soviétique Friedrich Gorenstein, Andreï Tarkovski propose une œuvre
de hard science-fiction se rapprochant davantage de 2001,
l'Odyssée de l'Espace
du cinéaste britannique Stanley Kubrick que de
Star Wars
ou encore de Star Trek.
Une œuvre donc fort exigeante, longue de plus de cent cinquante
minutes, ce qui peut alors expliquer le rythme léthargique auquel le
spectateur est confronté. Certaines scène s'étirent à l'infini,
comme le passage durant lequel le personnage de Henri Berton incarné
par Valdislav Dvorjetski traverse d'innombrables tunnels à bord
d'une voiture, jusqu'au coucher du soleil, sur une planète Terre se
révélant fourmillant d'une vie beaucoup plus présente que celle,
apparemment invisible à laquelle seront confrontés les personnages
vivant à bord de la station installée sur la planète donnant son
nom à cette œuvre de science-fiction difficile d'accès de par son
approche.
Dès
le départ, et à travers ses plans visant à montrer des végétaux
balayés par les remous d'un léger courant marin, Andreï Tarkovski
propose une œuvre en apesanteur. Après une longue séquence durant
laquelle le spectateur assiste en noir et blanc, à une réunion
évoquant la possibilité d'abandonner le projet 'Solaris',
ses responsables envoient à bord de la station du même nom le
psychologue Kris Kelvin (l'acteur Donatas Banionis), chargé de faire
la lumière sur les propos tenus par Henri Berton, lequel affirme
avoir été le témoin d'événements extraordinaires. Mais dès son
arrivée sur la station, Kris est confronté à deux scientifiques
apparemment très atteints psychologiquement. Le Dr Snaut (Jüri
Järvet) et le Dr Sartorius (l'acteur Anatoli Solonitsyne qui
interpréta le rôle-titre de l'oeuvre précédente du cinéaste
russe) montrent des signes inquiétants de troubles comportementaux.
Mais alors qu'il est chargé d'apporter son aide aux deux hommes (un
troisième scientifique est malheureusement déjà mort lorsque Kris
arrive sur la station), le psychologue semble lui-même être très
rapidement atteint par ces mêmes troubles. C'est ainsi qu'il croise
dans les coursives de la station, Khari, son ancienne compagne.
Problème : la jeune femme est censée être morte depuis de
nombreuses années.
C'est
sur ce postulat qu'Andreï Tarkovski bâtit une œuvre où la
science-fiction n'est presque qu'un prétexte afin d'évoquer la
relation entre les personnages de Kris et de Khari, cette dernière
étant incarnée par l'actrice russe Natalia Bondartchouk alors que
le cinéaste avait d'abord envisagé d'offrir le rôle de la jeune
femme à son ex épouse Irma Raush qui joua déjà dans les deux
premiers longs-métrage d'Andreï Tarkovski. Il y serait presque
question de Dieu également, car à travers Solaris, cette
planète-océan recouverte par une matière protoplasmique, le
psychologue et les scientifiques vont découvrir qu'elle est capable
de générer ce que les trois hommes nommeront des 'Visiteurs',
venus prendre contact avec eux. D'où la présence de Khera,
visiteuse qui sous cette forme est certaine de retenir l'attention de
Kris. S'ensuit alors une succession de séquences mettant en scène
ce couple d'un genre nouveau, mêlant atomes et neutrinos (particules
élémentaires instables). Andreï Tarkovski pose sa caméra devant
ses deux principaux interprètes et rend ainsi hommage à l'amour
tout en évoquant la possibilité d'une rencontre du troisième type.
Et même, le cinéaste propose l'un des rares cas de rencontre du
septième type (RR7) puisque Kris et Khari vont pousser leur relation
jusqu'à avoir des rapports sexuels.
Planète-Océan,
Planète-Cerveau, Solaris est le terreau d'émotions encore restées
vierges. De celles dont ne sont pas encore maculés ces Visiteurs qui
au contact des humains apprendront à véhiculer plusieurs d'entre
elles. La technologie représentée ici étant presque réduite à sa
plus simple expression, le film repose sur l'interprétation
exclusive de ses interprètes. Film-fleuve de plus de deux
heures-trente, Solaris
pourra se révéler inconfortable, fort éloigné des standards
hollywoodiens. Le cinéaste américain Steven Soderbergh réalisera
trente ans plus tard un remake principalement interprété par George
Clooney et Natascha McElhone. Amusant lorsque l'on sait que durant
des décennies, Union Soviétique et États-Unis se livrèrent à une
compétition dans le domaine de l’astronautique. Solaris
est un grand film de science-fiction. D'une intelligence rare et
exposant des hypothèses fort passionnantes. Il est de plus
accompagné d'un travail sur la bande-son qu'il serait préjudiciable
d'omettre : œuvre du composteur russe Edouard Artemiev et du
preneur de son Semyon Litvinov...
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