Thelma...
un prénom qui aurait pu se référer comme bon nombre (Emily Rose,
Rosemary, Annabelle, Anneliese, Abby, etc...) à la thématique de la
possession, mais ici, rien de tout cela. Non, le cinéaste et
scénariste norvégien Joachim Trier préfère aborder avec son
quatrième et actuellement dernier long-métrage, l'adolescence, la
solitude, et les premiers émois sexuels de son héroïne. Celle du
titre, donc, incarnée par l'actrice Eili Harboe dont il s'agit ici
du cinquième long-métrage et que l'on a pu notamment découvrir
auprès de Kristoffer Joner en 2015 dans l'excellent film catastrophe
de Roar Utahaug, Bølgen.
Thelma est une étudiante apparemment comme les autres, du moins
jusqu'au jour où elle fait la connaissance d'Anja dans la
bibliothèque de l'université où elle étudie. Elle tombe alors
amoureuse de sa camarade qui pour la première fois de son existence,
lui offre la possibilité de s'ouvrir aux autres. Mais ce que va
bientôt découvrir Thelma, c'est qu'elle est en possession
d'immenses pouvoirs dont les origines semblent remonter loin dans son
passé...
Thelma
est
une œuvre littéralement habitée. Par son ambiance, son sujet, et
l'interprétation de la jeune et troublante norvégienne. Un
long-métrage qui ne laisse pas indifférent, sortant des sentiers
battus de part sa mise en scène austère et vaporeuse. Joachim Trier
aime prendre son temps lorsqu'il s'agit de décrire l'évolution des
sentiments de son héroïne envers sa nouvelle amie. En parallèle,
il expose des parents religieux très stricts à une adolescente
s'exposant à de violents fantasmes s'exprimant à travers des images
allégoriques d'une puissance parfois étonnante. Le cinéaste
norvégien semble moins intéressé par l'idée d'offrir un spectacle
foisonnant d'effets visuels et de scènes d'action que de mettre en
scène un projet aussi ambigu qu'ambitieux. Et surtout, très
personnel puisque certains pourront considérer que son œuvre
souffre d'un rythme assez lent pour que survienne un sentiment
d'ennui. Sans être tout à fait aussi léthargique que le Lars von
Trier de la période Element
of Crime/Epidemic/Europa,
Joachim Trier impose des scènes s'étirant sur de très longues
minutes, les esthétisant à l'extrême, prenant ainsi le risque de
perdre une partie de son public. Comment expliquer le long passage de
l'héroïne durant lequel des examens sont effectués afin de
desceller la présence d'une tumeur pouvant expliquer ce qui
s'apparente chez elle à des crises d'épilepsie?
Le
film de Joachim Trier offre la vision d'une adolescente découvrant
sa sexualité à travers des images symboliques et incroyablement
charnelles. Le spectateur entre dans l'intimité et dans les conflits
intérieurs de l'héroïne découvrant également les pouvoirs dont
elle est investie. Le film, à ce sujet, renvoie directement à l’œuvre de Stephen King adaptée au cinéma par Brian de Palma en
1976, Carrie au bal du
Diable.
Il ne demeure pourtant dans Thelma,
aucun manichéisme, bien qu'en opposition à la ferveur religieuse de
ses parents, les pouvoirs de l'héroïne pourraient être comparés
aux outils du malin. Cette fièvre qui s'empare de Thelma et dont les
conséquences se révèleront parfois désastreuses. Rappelant un
épisode de La
Quatrième Dimension
dans lequel un insupportable garnement faisait littéralement
disparaître quiconque ne lui convenait pas.
Si
Thelma est
effectivement très lent, son auteur nous assène cependant quelques
grands moments de cinéma sensoriel. De l'ouverture dans le décor
enneigé (dont la signification éclatera plus tard au grand jour),
jusqu'aux visions/rêves/fantasmes de Thelma, en passant par quelques
sobres effets visuels dont l'efficacité est cependant redoutable
(les crises d’épilepsie, les oiseaux s'écrasant contre la baie
vitrée de la bibliothèque), le film de Joachim Trier est une
expérience de cinéma tout à fait inédite sublimée par la
partition musicale toute en discrétion du compositeur norvégien Ola
Fløttum, mais dont l'aspect parfois auteurisant pourra décontenancer
une partie des spectateurs...
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