En exploitant un cadre de fin du monde avec son septième
long-métrage, le cinéaste autrichien Michael Haneke persévère
pourtant dans son aptitude à sonder l'âme humaine. Après les
excellents La Pianiste et avant Caché,
il plonge ses protagonistes dans un monde dévasté par un fléau
dont l'origine demeure inconnue des spectateurs. C'est là
qu'interviennent des interprètes aussi divers qu'Isabelle Huppert,
Maurice Bénichou, Patrice Chéreau, Béatrice Dalle, Serge
Riaboukine ou encore Olivier Gourmet. Plus proche d'un Malévil
signé Christian de Chalonge et adapté d'un roman
de Robert Merle que d'un blockbuster américain reposant presque
exclusivement sur ses effets visuel, Wolfzeit
(chez nous, Le Temps du Loup)
n'est pas que l'adaptation d'un scénario écrit par Michael Haneke
lui-même mais s'inspire en fait davantage de La
Völuspá (La
Prophétie de la Voyante),un
poème de la mythologie nordique dont l'auteur demeure inconnu.
Le
spectateur aura beau chercher dès le générique d'ouverture le nom
d'un quelconque compositeur, le film est à ce titre, d'une
sécheresse exemplaire puisque
Wolfzeit ne
contient pas la moindre source musicale. C'est peut-être l'une des
raisons pour lesquelles l’œuvre de l'autrichien n'a pas reçu
l'accueil escompté. Pour celle-ci, mais également pour l'économie
de moyens en terme d'action, le long-métrage reposant exclusivement
sur l'interprétation.
Tourné
sous la forme d'un huis-clos, il connecte dans un monde où l'homme
bataille en permanence pour sa survie, des individus de toutes
espèces réunis dans une gare de campagne dans l'attente d'un train
qui ne viendra peut-être jamais. C'est là qu'ils sont rejoints par
Anne et ses deux enfants après que l'époux de la jeune femme ait
été tué alors que la famille tentait de rejoindre leur refuge
situé en pleine campagne. A ce titre, l'ouverture de Wolfzeit
reflète une certaine vision post-apocalyptique de l'un des plus
traumatisants long-métrages de l'autrichien, Funny
Games
sorti six ans plus tôt en 1997. Où la vision toute personnelle de
Michael Haneke d'un genre devenu à la mode depuis quelques années,
le Home-invasion.
De l'état d'urgence de sauver sa propre existence ainsi que celle de
ses deux enfants, Anne parcourt en leur compagnie une campagne
française que l'on situera à la périphérie de la capitale,
jusqu'à trouver un refuge dominé par un Olivier Gourmet incarnant
Koslowski, sorte de “général“
décidant arme au poing de la façon d'organiser la survie d'une
“communauté“
sans cesse grandissante.
L’austérité dominant le projet comme cela est souvent le cas chez Michael Haneke,
Wolfzeit souffre
peut-être d'un rythme un peu faible en comparaison de ses travaux
passés et à venir. L'oeuvre n'étant pas à la réjouissance d'un
spectacle visuellement chargé en terme d'effets-spéciaux (à tel
point que le cinéaste fait l'économie de maquillages en tuant un
cheval pour de vrai), son œuvre est d'un point de vue
divertissement, plutôt hermétique. Afin de signifier un univers
chaotique, pessimiste et post-apocalyptique sans pour autant faire
appel aux décors d'une cité intégralement détruite par un fléau,
le cinéaste tourne son film dans les municipalités de
Frankenau-Unterpullendorf et de Ebenfurth en Autriche. Choisissant
la campagne plutôt que la ville, le cinéaste plonge une très
grande partie du long-métrage dans une nuit profonde, sans étoiles
et sans Lune, éclairée par quelques rares feux de camp lorsque ses
interprètes ne sont pas simplement plongés dans une obscurité
presque totale. Même la journée est parfois voilée. Une brume
épaisse enveloppe le cadre, noyant tout ce qui autour du champ
d'action des interprètes pourrait nous rappeler un quelconque signe
d'une civilisation passée.
Si
le casting demeure solide malgré les réserves émises plus tard par
Michael Haneke sur certains de ses choix, aucun interprète ne se
trouve réellement hissé au premier plan. Au regard de l'oeuvre
toute entière de l'autrichien, Wolfzeit
se
révèle en effet parmi ses films les moins forts. Il n'en demeure
pas moins une expérience de cinéma post-apocalyptique
franco-germano-autrichien intéressante. Pour amateurs avertis...
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