Produit par le cinéaste
espagnol Alex de la Iglesia (El Dia de la Bestia,
La Communidad, El Bar), le long-métrage
d'Eduardo Casanova Pueles ne pouvait qu'intriguer que
les fans du premier. Quant au contenu, la curiosité risque d'élargir
son champ d'action en rameutant ceux qui considèrent encore
aujourd'hui le Freaks, la Monstrueuse Parade de Ted
Browning comme une œuvre cinématographique majeure. Pueles,
traduit
aux États-Unis et en France sous le titre Skin,
et qui en espagnol signifie peaux est un long-métrage atypique où
se mêle à l'humour noir, une réflexion sur la différence. Sans
doute moins émouvant que l’œuvre de Tod Browning mais très
certainement tout aussi attirante de part le sujet abordé, Pueles
possède la particularité de présenter (exhiber ?) presque
exclusivement des personnages possédant une tare physique ou
mentale. C'est ainsi donc que l'on fait la connaissance d'Ana,
Samantha, Guile ou encore Cristian qui tous, partagent une différence
les obligeant à vivre à l'écart de la société. L'une possède un
anus à la place de la bouche et vice versa. Une autre est victime
d'une neurofibromatose
de type 1 (maladie monogénique neurodéveloppementale causant de
graves tumeurs), un troisième est brûlé sur toute la surface du
corps (visage compris), un autre encore est atteint d'apotemnophilie,
trouble neurologique consistant à exprimer le désir d'être amputé
d'un ou de plusieurs membres qu'il considère ne pas lui appartenir.
Avec
un tel sujet, l'espagnol Eduardo Casanova avait plusieurs options.
Soit il proposait un spectacle misérabiliste, larmoyant, dramatique,
démagogue ou moralisateur, soit il s'essayait à un exercice de
style très particulier afin de distraire le public tout en le
forçant à réfléchir sur la condition d'individus et sur un sujet,
fort dérangeants. Il y a fort à parier que le premier sentiment du
spectateur, bien avant qu'il ait pu jeter un œil au long-métrage de
Casanova, sera le rejet. Voire le dégout. Pourtant, le cinéaste a
l'idée assez amusante de présenter au moins un cas qui ne semble
avoir jamais été relevé en terme médical. Autant certains des
symptômes révélés plus hauts demeurent le reflet d'une certaine
réalité (auxquels nous ajouterons les deux cas de nanisme et celui
d'obésité morbide), autant la jeune femme affublée d'un anus à la
place de la bouche se révèle totalement farfelue, désamorçant
ainsi le caractère morbide d'un tel sujet. Morbide puisque se
référant au dégoût primaire du comportant humain naturel rejetant
toute forme de différence.
Eduardo
Casanova illumine son œuvre d'une esthétique en totale opposition
avec le sujet. Décors invariablement plongés dans des teintes
rose-bonbon dont les seules variantes sont le mauve et le violet.
Bande-originale totalement puérile constituée d'airs d'opéra et de
chansons de variété espagnoles en décalage permanent. Pueles
comprime
avec intelligence toutes les formes de réaction face à ces maladies
qui dérangent. Du père de famille quittant le foyer par honte
d'avoir refiler sa tare à son enfant, jusqu'à l'amoureux transit
considéré comme déviant, en passant par les deux frères que Mère
nature a, avec ingratitude, affublé d'un quotient intellectuel de
légume, terrorisant jusqu'au viol, l'un des « freaks »
de cet étonnant long-métrage qui ne laissera personnage
indifférent. L'humour y est noir, parfois pesant, Eduardo Casanova
se laissant aller à quelques débordement trash (la jeune fille
aveugle, prostituée de force et « fist-fuckée »
par ses clients, ou bien la très, très grosse propriétaire d'un
bar s'enfonçant le tuyau d'une douche lors d'un lavement afin de
rejeter les deux immenses diamants qu'elle a volé à la première en
les avalant !!!) que tout un chacun jugera de bon ou mauvais goût.
Toujours
est-il que Pueles
possède l'avantage de proposer un « freak-show »
barré, inhabituel dans le paysage cinématographique espagnol et
même mondial. Une œuvre qui n'aboutira malheureusement pas
totalement dans sa réflexion, la faute, justement, à un esprit
trash et humoristique ne laissant qu'une part congrue à l'émotion. Quelque part entre Freaks et Basket Case de Frank Henenlotter. A voir tout de même...
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