Après deux films dont le
personnage central fut le maléfique Zé do Caixäo, José Mojica
Marins supervise deux spectacles produits pour la télévision
brésilienne, Alem, muto alem do Alem et
O Estranho mundo de Zé do Caixão. Le
producteur brésilien d'origine égyptienne George Michel Serkeis, et
ami personnel du cinéaste, propose à ce dernier d'adapter le
principe au cinéma après le succès phénoménal rencontré par
ces deux shows, alors comparables à La Quatrième
Dimension. José Mojica
Marins accepte et son futur projet reprend le titre même de l'une
des deux anthologies. Le projet voit le jour en 1968. Regroupant
trois courts métrages réalisés par le cinéaste brésilien
lui-même, on y retrouve toutes les obsessions de Mojica Marins.
L'amour, la mort, la religion.
Le
titre de l’œuvre est trompeur puisque en dehors du générique et
du personnage principal du troisième court-métrage qui rappelle
sensiblement le fameux Zé do Caixão, ce dernier n’apparaît
jamais. O Fabricante de Bonecas
conte les méfaits d'un père et de ses quatre filles dont
l'existence tourne autour de la fabrication de poupées très
spéciales. Le succès que rencontrent ces dernières est dû à
l'exceptionnel réalisme de leur regard. Lorsque quatre voyous
apprennent que le père des quatre jeunes femmes cache chez lui le
produit des ventes de poupées, leur sang ne fait qu'un tour. Le
soir-même, ils pénètrent chez lui et le menacent d'un couteau afin
qu'il leur dise où est l'argent. Mais tout va mal, et le vieil homme
meurt d'une crise cardiaque. Découvrant ses quatre filles dans leur
chambre à coucher, les voyous s'en prennent à elles et les violent.
Tara
tourne quand à lui autour d'un bossu, celui-là même qui servait
d'assistant à Zé do Caixäo dans le second long-métrage du
cinéaste Cette Nuit, Je M'incarnerai dans ton Cadavre.
Devenu depuis vendeur de ballons, il suit à la trace une jeune femme
sur le point d'être mariée. Alors que la cérémonie se déroule
normalement, une femme, jalouse, s'approche d'elle et lui plante un
couteau en plein cœur. La mariée décède. Plus tard, on assiste à
son enterrement. Le bossu, toujours dans l'ombre de la jeune femme,
s'approprie alors son cadavre.
Ideologia,
le troisième et dernier court-métrage met en scène un écrivain
invité lors d'une émission de radio. Alors même qu'il nie
l'existence de l'amour, affirmant que tout n'est régit que par
l'instinct, l'un de ses détracteurs lui demande de prouver ses
dires. C'est ainsi que ce dernier se retrouve invité le soir-même
en compagnie de son épouse dans la demeure de l'écrivain. Le couple
va alors se retrouver prisonnier de leur hôte qui va leur démontrer
la véracité de ses propos.
L'ombre
du marquis de Sade plane sur ces trois courts-métrages de José
Mojica Marins. Entre un fabricant de poupées dont les yeux sont ceux
de victimes tombées entre les griffes de ses filles, un bossu
nécrophile et fétichiste amoureux du cadavre d'une jeune femme
récemment décédée, et un écrivain persuadé que l'amour n'est
qu'une chimère, le cinéaste laisse libre court à ses obsessions.
Torture physique et mentale, viols, meurtres, avec toujours en toile
de fond cette religion qu'il dénigre. Mais cette fois-ci, le livre
de la Genèse sert de toile de fond au récit. En effet, la création
du monde par Dieu sert les desseins de cet écrivain fou qui
sacrifie sur l'autel de sa foi deux innocents. Le premier
court-métrage est sans doute celui qui se rapproche le plus de ce
que l'on pourrait considérer comme une anthologie fantastique, bien
que ce type d'élément soit absent de ce O
Estranho mundo de Zé do Caixão.
Le
second demeure, lui, le plus étrange. Muet et simplement accompagné
d'une bande-son barrée, Tara
est comme un mauvais rêve dont on ne pourrait fuir. Relativement
morbide du fait de son approche, il est à l'opposé de Ideologia
puisqu'il pousse à l'extrême le sujet de l'amour ressenti bien au
delà de la mort. O Estranho mundo de Zé do
Caixão
est une œuvre intéressante à bien des égards. Le fait qu'il
s'agisse à nouveau d'une incursion dans l'esprit torturé du
cinéaste n'est à ce sujet, pas des moindres...
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