« Continue de
boire. Ça me rend nerveux qu'on arrête de boire quand
j'arrive... ».
Tel sont les premiers mots prononcés par un Johnny Hallyday/Hud
pris entre les tenailles d'un village qui tout entier, a lynché son
frère parce qu'il a volé l'argent de la banque, des bandits
entourant leur chef El Diablo, et l'ombre du grand Clint Eastwood qui
plane au dessus du plus populaire chanteur français, mort la semaine
dernière des suites d'un cancer du poumon. Après une très courte
apparition (non créditée) dans Les Diaboliques de
Henri-Georges Clouzot en 1955 et dans Dossier 1413
d'Alfred Rode en 1962, Johnny Hallyday entame une vraie carrière
d'acteur à partir du film à sketches Les Parisiennes
dans lequel il côtoie Catherine Deneuve, Danièle Evenou, et
Dominique Zardi dans le segment Sophie. En 1967 il
tourne dans le long-métrage franco-italien A Tout Casser,
une comédie policière réalisée par le cinéaste
américain John Berry avant de tourner son premier western-spaghetti,
Le Spécialiste de Sergio Corbucci, dont il est
question ici. Dès la première apparition de Johnny Hallyday à
l'écran, le mimétisme du personnage qu'il interprète à l'écran à
du mal à cacher sa filiation avec ceux de Joe, le Manchot
et Blondin que jouait quelques années auparavant Client
Eastwood dans les classiques du western spaghetti réalisés par
l'immense Sergio Leone que sont respectivement Pour une Poignée
de Dollars, Et Pour Quelques Dollars de Plus,
Le Bon, la Brute et le Truand. Première impression :
on ne sait s'il faut rire ou pleurer lorsque descend les escaliers le
héros de cette aventure qui trouvera son flamboyant écho quatre ans
plus tard dans l'un des plus grands westerns de tous les temps,
L'Homme des Hautes Plaines, joué et réalisé (une
fois encore) par l'américain Clint Eastwood.
Monté sur ressorts,
nuque sur roulement à billes, Johnny tente de s'imposer la carrure
du justicier crotté, mal rasé, suant à grosses gouttes, signes que
l'on est bien chez les transalpins et non pas chez un John Ford
privilégiant les grands espaces et les personnages féminins. Ici,
cette dernière est souvent reléguée au rang de prostituée, de
barmaid, ou de femme violentée. Johnny malingre, jouant pourtant
assez habillement du flingue, stetson vissé sur le crâne, favoris
lui bouffant la moitié du visage et répliques cinglantes. Même pas
peur, le sans amis est venu régler ses comptes avec les poltrons de
Blackstone, petite bourgade paumée en plein désert, et dont les
notables se sont rués sur le frère du héros afin de le lyncher
pour avoir osé voler l'argent qu'ils avaient confié aux bons soins
de Virginia Pollywood, délicieuse Françoise Fabian, actrice
française bien connue chez nous et qui joue de ses atouts pour
séduire la gente masculine. Dont un shérif, l'acteur italien
Gastone Moschin, parfois si gauche que certains
passages prêtent davantage à sourire. N'étant pas Clint Eastwood
qui veut, notre illustre Johnny galère beaucoup. Un rôle taciturne,
à l'image d'un personnage qui répète inlassablement qu'il n'a pas
d'amis. Le genre torturé. Mais pas auquel on aurait envie de
proposer son épaule pour pleurer mais davantage auquel on donnerait
une petite tape à l'arrière du crâne en le remerciant de nous
avoir bien fait rire.
Caricature
semble être le terme adapté au jeu de l'acteur/chanteur qui en
post-production ne parvient même pas à rattraper son infligeant jeu
d'acteur. À trop vouloir imiter son illustre source d'inspiration
(et n'allez pas me dire que les rapports qu'entretiennent Hud avec
les personnages campés par Easwood ne sont que le fruit du hasard),
Johnny s'enlise dans l’auto-parodie, faisant du film de Sergio
Corbucci, pourtant spécialiste du genre, une œuvre hautement
nanardesque. C'est peut-être là que recèle tout son potentiel
Le Spécialiste. On ne reprochera
pas uniquement au chanteur de vouloir trop se rapprocher de son
« idole »
auquel il demeure fort inférieur. Ajoutez à cela un manque de
charisme accentué, de plus, par une post-synchronisation (pourtant
assurée par Johnny Hallyday lui-même) abominable et vous obtenez
une version franco-italienne ringarde des classiques de Sergio Leone.
Une œuvre à réserver aux fans du chanteur français, aux
aficionados des westerns-spaghetti ou aux amateurs de nanars. Drôle d'hommage tout de même. Vous
êtes avertis...
merci infiniment
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