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jeudi 21 décembre 2017

Carnival of Souls de Herk Harvey (1962) - ★★★★★★★☆☆☆



Je n'osais espérer le revoir un jour. Ce film qui n'a sans doute aucun équivalent si ce n'est le Messiah of Evil que réalisa le cinéaste américain Willard Huyck en 1973, soit onze ans plus tard. Carnival of Souls, cette délicieuse caresse nimbée d'un filigrane lui conférant l'apparence d'un rêve est tombé depuis quelques années dans le domaine public. Ceux qui demeurent frileux à l'idée de télécharger en toute illégalité ou qui respectent trop le septième art pour s'adonner à ce genre de pratique peuvent être rassurés. Il ne leur en coûtera rien même si, à l'évidence, ces derniers auront la bonne idée d'aller plutôt se procurer le DVD chez Artus Films au modeste prix de 9,90€. Le film de Herk Harvey est une histoire personnelle qui prendrait des plombes à raconter. Comme ces récits que l'on se croit forcé de partager avec ses semblables sans même imaginer un seul instant qu'ils pourraient demeurer indifférents. Éveiller la curiosité des autres, n'est-ce pas là tout l'intérêt lorsque l'on crée un blog, un site ? Qu'on y parle cinéma, musique, littérature ou peinture ? Carnival of Souls, qu'on le veuille ou non, est une œuvre d'art avec un grand A. De ces films que les jeunes d'aujourd'hui (pas tous, je l'espère), sevrés aux torture-porns, aux blockbusters et aux CGI feindraient d'ignorer de peur de passer pour de vieux croulants. Une antiquité qui dans la chronologie du septième art paraîtrait bien trop âgée pour que les plus jeunes néophytes se sentent investis de cette horrible coutume qui veut que l'on se plie au devoir de mémoire !!! Plutôt que de se laisser asservir par une quelconque obligation de cinéphile, laissons-les d'abord s'accoutumer du synopsis et taisons également cette horrible habitude qu'ont les producteurs de charcuter bon nombre de longs-métrages pour coller à un planning décidé à l'avance, pratique à laquelle Carnival of Souls n'échappa pas puisque des quatre-vingt onze minutes du montage original, le film fut ramené à une version un peu trop raisonnable de soixante-dix huit minutes. D'où cette question : pourquoi s'ennuyer à regarder une œuvre qui de toute manière n'est plus représentative de ce qu'a voulu exprimer son auteur ?

Mais passons...

Avouons-le, les prémices de ce monument du septième art ne démarrent pas forcément sous les meilleurs auspices, avec ces jeunes et leurs grosses caisses ronronnant comme des lions en cage. Carnival of Souls commence par puer le produit formaté pour les drive-in (ou ciné-park chez nous) américains. A le voir, on supposera d'ailleurs qu'avec son maigre budget de trente mille dollars, Herk Harvey n'avait pas d'autre ambition que de signer une petite série B sans plus de consistance que ces milliers de longs-métrages offerts en pâture à une jeunesse américaine assise non plus dans des salles de cinéma mais derrière le volant d'une voiture, leurs petites amies faisant des bulles avec leur chewing-gum confortablement installée à leurs côtés. Une paire d'enceintes grésillantes et un écran trônant sur les hauteurs d'un parking (vieux cliché persistant).

Aujourd'hui, cinquante-cinq ans après sa création, que reste-t-il de ce Carnival of Souls légendaire dont le cinéaste George Romero s'inspira pour son tout premier longs-métrage, le classique des classiques La Nuit des Morts-Vivants ? Au risque de remuer les tripes des fans du film de Herk Harvey, c'est avec un petit pincement au cœur que j'ose affirmer qu'une partie de son envoûtante atmosphère s'est évanouie dans la nature. Comme le temps aime à modifier le caractère particulier des souvenirs, ceux relatifs à Carnival of Souls furent donc tronqués par cet irrépressible désir de le redécouvrir après tant d'années. L'impact d'un fantasme sans cesse grandissant aidant, j'en avais surtout conservé toute la magie de certains plans. Ceux de ce fameux carnaval où dansent les âmes de ces êtres chers perdus avant de poursuivre l'héroïne jusqu'à cette dernière demeure dont on pouvait jusque là ignorer la réalité. Ou cette autre scène voyant ces mêmes âmes s'extraire des eaux, une scène culte que d'autres s’empressèrent de reprendre à leur compte (George Romero, encore lui, dans Land of the Dead) Autre fait qui marquait les esprits mais qui fort heureusement a su conserver, lui, toute sa magie, demeure dans la bande-son jouée à l'orgue. Des thèmes lents, sans doute peu inspirés, mais participant du caractère mortifère de certains passages quand d'autres demeurent particulièrement plats. Ceux signifiant cet encombrant voisin cherchant à séduire une héroïne apeurée apparaissent alors comme des scènes servant à combler d'abyssaux vides scénaristiques. On se demande alors à quoi devait ressembler l’œuvre dans son intégralité. Peut-être est-ce aussi inconsciemment le fait d'avoir depuis découvert Messiah of Evil, une involontaire et approximative novélisation du thème abordé ici et dont l'impact visuel et sensoriel lui éminemment supérieur. Mais ne nous fâchons pas car malgré la petite déception (le plaisir de redécouvrir l’œuvre de Herk Harvey demeurant intacte), Carnival of Souls reste un long-métrage à part dans l'histoire du cinéma fantastique. Un objet qu'il demeure nécessaire de connaître et d'avoir vu au moins une fois dans sa vie si l'on s'intéresse de très près au genre...

A savoir qu'un remake a été réalisé en 1998 par les cinéastes Adam Grossman et Ian Kessner...

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