Je n'osais espérer le revoir un jour. Ce film qui n'a sans doute
aucun équivalent si ce n'est le Messiah of Evil que
réalisa le cinéaste américain Willard Huyck en 1973, soit onze ans
plus tard. Carnival of Souls, cette délicieuse caresse
nimbée d'un filigrane lui conférant l'apparence d'un rêve est
tombé depuis quelques années dans le domaine public. Ceux qui
demeurent frileux à l'idée de télécharger en toute illégalité
ou qui respectent trop le septième art pour s'adonner à ce genre de
pratique peuvent être rassurés. Il ne leur en coûtera rien même
si, à l'évidence, ces derniers auront la bonne idée d'aller plutôt
se procurer le DVD chez Artus
Films au
modeste prix de 9,90€. Le film de Herk Harvey est une
histoire personnelle qui prendrait des plombes à raconter. Comme ces
récits que l'on se croit forcé de partager avec ses semblables sans
même imaginer un seul instant qu'ils pourraient demeurer
indifférents. Éveiller la curiosité des autres, n'est-ce pas là
tout l'intérêt lorsque l'on crée un blog, un site ? Qu'on y
parle cinéma, musique, littérature ou peinture ? Carnival
of Souls,
qu'on le veuille ou non, est une œuvre d'art avec un grand A. De ces
films que les jeunes d'aujourd'hui (pas tous, je l'espère), sevrés
aux torture-porns, aux blockbusters et aux CGI feindraient d'ignorer
de peur de passer pour de vieux croulants. Une antiquité qui dans la
chronologie du septième art paraîtrait bien trop âgée pour que
les plus jeunes néophytes se sentent investis de cette horrible
coutume qui veut que l'on se plie au devoir
de mémoire !!!
Plutôt que de se laisser asservir par une quelconque obligation de
cinéphile, laissons-les d'abord s'accoutumer du synopsis et taisons
également cette horrible habitude qu'ont les producteurs de
charcuter bon nombre de longs-métrages pour coller à un planning
décidé à l'avance, pratique à laquelle Carnival
of Souls n'échappa
pas puisque des quatre-vingt onze minutes du montage original, le
film fut ramené à une version un peu trop raisonnable de
soixante-dix huit minutes. D'où cette question : pourquoi
s'ennuyer à regarder une œuvre qui de toute manière n'est plus
représentative de ce qu'a voulu exprimer son auteur ?
Mais passons...
Avouons-le,
les prémices de ce monument du septième art ne démarrent pas
forcément sous les meilleurs auspices, avec ces jeunes et leurs
grosses caisses ronronnant comme des lions en cage. Carnival
of Souls commence
par puer le produit formaté pour les drive-in
(ou ciné-park chez nous) américains. A le voir, on supposera
d'ailleurs qu'avec son maigre budget de trente mille dollars, Herk
Harvey n'avait pas d'autre ambition que de signer une petite série B
sans plus de consistance que ces milliers de longs-métrages offerts
en pâture à une jeunesse américaine assise non plus dans des
salles de cinéma mais derrière le volant d'une voiture, leurs
petites amies faisant des bulles avec leur chewing-gum
confortablement installée à leurs côtés. Une paire d'enceintes
grésillantes et un écran trônant sur les hauteurs d'un parking
(vieux cliché persistant).
Aujourd'hui,
cinquante-cinq ans après sa création, que reste-t-il de ce Carnival
of Souls légendaire
dont le cinéaste George Romero s'inspira pour son tout premier
longs-métrage, le classique des classiques La
Nuit des Morts-Vivants ?
Au risque de remuer les tripes des fans du film de Herk Harvey, c'est
avec un petit pincement au cœur que j'ose affirmer qu'une partie de
son envoûtante atmosphère s'est évanouie dans la nature. Comme le
temps aime à modifier le caractère particulier des souvenirs, ceux
relatifs à Carnival
of Souls furent
donc tronqués par cet irrépressible désir de le redécouvrir après
tant d'années. L'impact d'un fantasme sans cesse grandissant aidant,
j'en avais surtout conservé toute la magie de certains plans. Ceux
de ce fameux carnaval où dansent les âmes de ces êtres chers
perdus avant de poursuivre l'héroïne jusqu'à cette dernière
demeure dont on pouvait jusque là ignorer la réalité. Ou cette
autre scène voyant ces mêmes âmes s'extraire des eaux, une scène
culte que d'autres s’empressèrent de reprendre à leur compte
(George Romero, encore lui, dans Land
of the Dead)
Autre fait qui marquait les esprits mais qui fort heureusement a su
conserver, lui, toute sa magie, demeure dans la bande-son jouée à
l'orgue. Des thèmes lents, sans doute peu inspirés, mais
participant du caractère mortifère de certains passages quand
d'autres demeurent particulièrement plats. Ceux signifiant cet
encombrant voisin cherchant à séduire une héroïne apeurée
apparaissent alors comme des scènes servant à combler d'abyssaux
vides scénaristiques. On se demande alors à quoi devait ressembler
l’œuvre dans son intégralité. Peut-être est-ce aussi
inconsciemment le fait d'avoir depuis découvert Messiah
of Evil,
une involontaire et approximative novélisation du thème abordé ici
et dont l'impact visuel et sensoriel lui éminemment supérieur. Mais
ne nous fâchons pas car malgré la petite déception (le plaisir de
redécouvrir l’œuvre de Herk Harvey demeurant intacte), Carnival
of Souls reste
un long-métrage à part dans l'histoire du cinéma fantastique. Un
objet qu'il demeure nécessaire de connaître et d'avoir vu au moins
une fois dans sa vie si l'on s'intéresse de très près au genre...
A savoir qu'un remake a été réalisé en 1998 par les cinéastes Adam Grossman et Ian Kessner...
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