Rien ne m'étonne moins que d'avoir appris que La
Planète des singes : Suprématie,
le troisième volet du reboot en forme de préquelle de la célèbre
franchise initiée par le cinéaste Franklin J. Schaffner en 1968,
ait été réalisé par Matt Reeves, qui après avoir réalisé un
found-footage plutôt réussi (Cloverfield)
s'était attaqué en 2010 au remake d'un excellent film tournant
autour du mythe du vampire (le Morse
de John Ajvide Lindqvist), le magnifique Let
Me In.
Un chef-d’œuvre. Matt Reeves, l'homme qui allait réaliser la
séquelle du premier volet de la nouvelle trilogie de La
Planète des Singes,
L'Affrontement,
avant de se surpasser avec un troisième opus d'un budget réduit de
vingt millions de dollars puisque passant des 170 millions du
précédant à 150.
L'impression
ressentie devant La
Planète des singes : Suprématie
est un peu la même que celle éprouvée lors de la projection de
Laisse-Moi Entrer
(Let Me In en
français). Une émotion inédite. Un sentiment de profond
attachement envers des créatures humanoïdes sans doute plus
humaines que l'homme lui-même. Le film repose pourtant sur un
scénario des plus simple qui, une fois n'est pas coutume, reprend
certaines des caractéristiques propres aux tragiques événements
qu'a connu la communauté juive durant la seconde guerre mondiale. Un
camp concentrant une population de singes condamnés à être
exterminés par une armée de soldats voués à la cause d'un colonel
(l'épatant Woody Harrelson) pas si fou qu'on aurait pu le penser.
Car
derrière le visage de cet homme confronté à un questionnement dont
la gravité lui fait perdre toute mesure, se cache une vraie
réflexion sur le devenir de l'homme, condamné à retourner à
l'état primitif de son espèce tandis que le singe, ici
admirablement représenté par le personnage de César
(l'époustouflant Andy Serkis) ne cesse d'évoluer. C'est l'éternel
combat entre le Bien et le Mal, ces deux ennemis jurés, symboliques,
dont les frontières sont ici difficiles à distinguer même si,
forcément, l'avis du spectateur se rangera indéniablement du côté
des singes.
Dans
cette troisième aventure, Matt Reeves accentue l'écart
comportemental entre l'homme et la bête. Le premier demeure presque
systématiquement stigmatisé. C'est le méchant du film. Et même
lorsque l'un de ses représentants est épargné par un César qui
veut que la paix règne entre les singes et les humains, offrant
ainsi aux siens une terre promise, lorsque lui est donnée l'occasion
de faire un geste vers celui qui a préservé sa vie, l'homme demeure
fidèle au Colonel et n'hésite pas à s'en prendre à celui qui lui évita de périr.
La Planète des singes
: Suprématie est
noir. Terriblement sombre. Un camp plongé dans une obscurité
presque permanente. Des singes parqués « comme
des bêtes ».
Les adultes d'une part, et les enfants de l'autre. Analogie encore à
travers le gorille Red, soumis aux volontés des humains, parabole du
kapo, celui qui dans les camps de concentration nazis était chargé
d'encadrer les prisonniers. Un individu pioché parmi ceux les plus
veules de ses compagnons d'infortune.
Le
singe dans La Planète
des singes : Suprématie
n'a jamais paru aussi réaliste. Le travail du studio de
post-production Weta (créé par le cinéaste néo-zélandais Peter
Jackson) est tout simplement remarquable et représente un
aboutissement en matière d'images de synthèse. Développés par
Weta
Digital (Weta
Workshop
se chargeant plutôt des prothèses, des maquettes et de
l'animatronic), les effets-spéciaux numériques n'ont jamais paru
aussi réalistes. Un travail fantastique ayant permis d'offrir une
humanité dans le regard des singes, jamais vue au cinéma. Ceux-ci
n'ont jamais paru aussi bouleversants. César, Maurice, ou encore
Winter n'avaient jusqu'ici jamais parus aussi... humains. Tout petit
reproche à émettre pourtant concernant les phases à cheval plutôt
ratées. L'animation des singes y aurait mérité d'être encore
travaillée. Mais à part cela, rien à dire. Le travail est
remarquable. Mais rien, sans doute, n'aurait été pareil sans la
mise en scène de Matt Reeves qui d'un huis-clos ne demeurant pas
particulièrement généreux en matière d'action parvient à
passionner les foules à travers ce duel puissant entre le singe et
l'homme.
L'une des idées de génie du cinéaste étant d'avoir opté
pour un cadre enneigé stupéfiant. Le gigantisme du camp demeure lui
aussi, assez saisissant. On sentirait presque le froid nous
assaillir. Surtout lorsque le pauvre César est malmené par ce
gorille asservi. L'ombre de Apocalypse
Now,
le mythique film de guerre de Francis Ford Coppola, plane sur La
Planète des singes : Suprématie.
Un clin d’œil qui prend forme davantage encore lorsque Woddy
Harrelson se rase le crâne comme avait pu le faire Marlon Brando
dans le film de Coppola. J'ai conscience qu'il y aurait encore
beaucoup de choses à dire sur le film de Matt Reeves. Evoquer le
personnage de Nova, la petite fille muette, ou de ce singe qui
rappellera sans doute à certains, le Gollum du Seigneur
des Anneaux.
Mais le mieux reste encore à découvrir par soit-même le nouveau
chef-d’œuvre de Matt Reeves.
Avec
La Planète des singes
: Suprématie le
cinéaste américain clôt (?) ainsi la trilogie d'une genèse devant
mener tout droit vers le récit conté par la légendaire Planète
des Singes que
Franklin J. Schaffner réalisa en 1968. Pourtant, après avoir
assisté à une telle débauche de sensations, on ne peut imaginer
demeurer à présent orphelins de cette franchise qui a su, grâces
aux talent successifs de Rupert Wyatt (auteur du premier La
Planète des singes : Les Origines en
2011) et de Matt Reeves, se renouveler. Faire peau neuve et surpasser
toutes les précédentes tentatives. Et bien que tous ceux qui sont
sortis chavirés de cet incroyable moment de cinéma se rassurent : un
quatrième long-métrage est bien prévu. Mieux : Matt Reeves
devrait demeurer aux commandes de ce futur projet. On parlerait même de plusieurs autres longs-métrages. Si le
niveau de qualité actuel est préservé, pourquoi pas...
Et bien, y'en a eu... Je suis à la ramasse et ça risque d'être pareil sur ta prochaine thématique... LOL
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