Admirable. D'une
puissante évocation. Dur et froid comme l'acier. Angles droits envahissants.
Courbes absentes. Décors glaçants. Carré Blanc.
L'humanité nouvelle, celle de demain, ou peut-être, déjà
d'aujourd'hui. Un homme, une femme. Une histoire commune née dans la
souffrance. Un suicide. Raté. Mais une rencontre, à la clé. Qu'en
est-il de ce jeune garçon auquel sa mère va lui donner un conseil
qui bouleversera sa vie toute entière ? Comment se préparer à
un futur tel que décrit par le cinéaste Jean-Baptiste Leonetti dont
il s'agit ici du premier long-métrage ? Une dystopie qui comme
le veut la tradition nous décrit un monde imaginaire (ou si peu) où
le bonheur semble impossible à atteindre. Ou les valeurs
fondamentales sont balayées par un but unique : se fondre à
tout prix dans la société. En faire partie, c'est prouver que l'on
existe, même si pour cela il faut la laisser vous assimiler, vous
dévorer, au risque de vous transformer. Modifier votre mode de
pensée. Détruire ce qu'il pouvait demeurer en vous, de bon.
Carré Blanc est
un tour de force magistral. Tout d'abord parce qu'il nie totalement
l'hégémonie du cinéma américain sur le cinéma d'anticipation.
L’œuvre de Jean-Baptiste Leonetti s'y aligne en tout point. Sans
complexes. Et avec cette petite touche française et cette économie
de moyens qui la hisse vers les sommets. Dégageant son paysage de
tout visuel convenu. De tout subterfuge visant à cacher les défauts
d'un scénario éventuellement bâclé, le cinéaste français offre
à Sami Bouajila, un rôle important. Peut-être l'un des plus
intéressant, et sans doute pas le moins complexe à aborder car tout
repose, ou presque, sur les épaules de cet excellent acteur
franco-tunisien capable de jouer dans les genres policier,
historiques, autant que dans la comédie.
Ici,
Jean-Baptiste Leonetti lui offre l'opportunité de jouer sans filet.
Sans bouée de sauvetage. Si les décors participent assurément à
cette abominable dystopie, l'acteur y demeure magistral. Comme peut
l'être d'ailleurs également l'actrice Julie Gayet. Ou encore
Jean-Pierre Andréani.
Carré Blanc,
c'est un monde où les apparences ont pris une importance
considérable et dans lequel les faiblesses n'ont pas lieu d'être.
L'homme y apprend à se détacher de toute forme d'humanité.
Certains qui ne s'y étaient pas suffisamment préparés vont
d'ailleurs en faire les frais. Philippe (Sami Bouajila)a épousé
Marie (Julie Gayet) après avoir grandit auprès d'elle. Deux
orphelins qui se sont aimés. Mais Marie, elle, n'en peut plus de
vivre avec un homme incapable de lui donner un enfant. Les enfants,
d'ailleurs, sont ici sous représentés puisqu'à part lors de la
toute première partie, Jean-Baptiste Leonetti les bannit.
Physiquement. Car, parfois, on évoque le désir d'en avoir. Mais
l'enfant, et sa pureté, ne sont-il pas des preuves de faiblesse ?
Philippe est véritablement glaçant. Il erre dans un décor
sinistre tandis que chez eux, Marie réfléchi. Et prend sa décision.
C'en est fini de cette vie à attendre. A L'attendre !
Le
film de Jean-Baptiste Leonetti se regarde dans un état de
semi-conscience. Comme un rêve, ou plutôt un cauchemar. Une fenêtre
sur un avenir (in)certain où les repères éclatent en mille
morceaux et où tout semble figurer un état de noirceur auquel il nous est impossible d'échapper. Comme des centaines de publicités qui nous abrutiraient à
longueur de journée, trônant sur d'immenses panneaux
d'affichage, dans les magasines, sur nos écrans de télévisions
où dans les salles de cinéma. Cette obsession de la noirceur,
Jean-Baptiste Leonetti la filme aux quatre coins de l'univers qu'il a
ainsi instauré. Un pessimisme qui transpire une odeur
nauséabonde. Même dans le sourire de façade de Patrice
(Jean-Pierre Andréani), ce gardien de parking, qui alors, arbore un sourire plus sinistre
encore que celui d'un certain Joker (Batman).
Au moins, le cinéaste n'a pas la fâcheuse intention de tromper son
monde. Dès les premiers instants, il baigne le spectateur dans une
torpeur digne d'une œuvre d'art et d'essai indigeste avant de
(faussement) relâcher l'étreinte nouée autour de notre gorge. Une
pression qui pourtant demeure jusqu'à la dernière minute. Seule
note d'espoir et qui comme la rencontre entre ses deux héros, est
forcément née, elle aussi, dans la douleur... Une leçon de
cinéma...
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