Pour
le troisième volet de sa tétralogie consacrée aux univers
post-apocalyptiques, le cinéaste polonais Piotr Szulkin enferme
cette fois-ci ses personnages à l'intérieur d'un refuge souterrain
appelé le Dôme. Alors que les cités de "Golem" et de "Wojna
Światów - stulecie nastepne" semblaient systématiquement vidées
de leur occupants, n'étant parcourus que par quelques individus, le
monde crépusculaire de "O-bi, O-ba - Koniec cywilizacji" est
habité par un peu plus de huit cent âmes alors même que le refuge
en avait accueilli deux mille à l'origine. Mais la faim et le
désespoir ayant usé les forces de plus de mille d'entre elles, ceux
qui demeurent en vie comptent sur l'éventuelle existence et arrivée
proche d'une Arche qui devrait les emporter loin de ce Dôme dont les
murs s'effritent peu à peu.
Car
une fois encore, c'est une guerre nucléaire qui a détruit la
surface de la planète, rendant ainsi la vie impossible à
l'extérieur. L'air y est toxique, et la glace qui recouvre la
surface de la planète est radioactive. C'est du moins l'idée que
propose Piotr Szulkin puisqu'avant le très impressionnant final, on
n'en saura pas davantage. Si le cinéaste polonais fur avec la
science-fiction depuis maintenant cinq années, il explore surtout la
facette « anticipative » du genre. Principalement
interprété par l'acteur Jerzy Stuhr, "O-bi, O-ba - Koniec
cywilizacji" radicalise encore un peu plus son propos en
ridiculisant la politique de son pays d'origine. Ici, une fois
encore, l'état et ses dirigeants ont menti à la population en lui
faisant croire qu'une Arche, bientôt, viendrait les délivrer de
leur triste sort. Pitro Szulkin décrit avec une force visuelle
démesurée l'asservissement de tout un peuple (ici, un peu plus de
huit cent survivants), auquel on a tellement bourré le crâne qu'il
continue à croire à l'arrivée prochaine de l'Arche alors même
qu'un message diffuse en continu un démenti.
S'il
existe bien une Arche, elle n'a aucun rapport avec cet avion auquel
se raccroche notre héros. Car elle ne revêt en réalité qu'une
forme symbolique, ce nouvel espoir de liberté ne pouvant se
retrouver que dans la mort même de l'individu. Tels des zombis
patientant jusqu'à leur libération, les survivants errent dans les
couloirs d'un refuge sordide les menant à une mort programmée. On
peut d'ailleurs se demander dans quelle mesure les autorités
savaient le Dôme condamné à s'effondrer.
L'événement
étant directement relié à ce que tout le monde suppose être
l'arrivée de l'Arche, on les voit tous s’engouffrer dans ce trou
immense, telle une bouche dévoreuse se nourrissant des peurs et des
espoirs des survivants nourris par le mensonge de leurs pairs.
Contrairement
à "Golem" qui proposait une esthétique que l'on pourrait en
comparaison considérer de chaleureuse, l'univers de "O-bi, O-ba -
Koniec cywilizacji" est glaçant. Seuls les rares nantis (en fait
un couple de milliardaires) vit un peu au dessus des autres, dans un
appartement relativement soigné en comparaison des couloirs
monstrueusement insalubres dans lesquels vivent les autres. Une zone
de non droit pour ceux qui n'ont pas les moyens de s'offrir le luxe
d'une nuit entre les bras d'une prostituée. On y décèle également
le projet des nantis de prendre d'assaut l'Arche, Piotr Szulkin
insinuant ainsi une fois de plus le privilège de certains, les
autres ne devant se contenter que des restes.
"O-bi,
O-ba - Koniec cywilizacji" est une œuvre admirable, étouffante,
visuellement cauchemardesque et labyrinthique. Et comme dit plus
haut, le final est renversant. Ce spectacle dont on attendait un
dénouement à la mesure de l'espérance des survivants est total...
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