Dong est mon premier
long-métrage du cinéaste malaisien Tsai Ming-Liang. Mon premier
film en provenance de Malaisie également d'ailleurs. Un objet
filmique non identifié. Une expérience aussi incongrue
qu'intrigante. Pas ou peu de scénario. Juste un point de départ
intéressant qui ne survivra pas vraiment à l'option narrative que
choisira le cinéaste qui à cette occasion, préférera se
concentrer sur les deux seuls personnages de Dong.
Bienvenue à l'aube de l'an 2000. Quelque part à Taiwan. Dans un
immeuble dont nous ne verrons jamais la silhouette mais que l'on
devine imposant au vu de la rangée de boites aux lettres qui trônent
au rez de chaussée. Il n'y a pas âme qui vive. Ou presque. Un homme
et une femme règnent désormais sur cet univers perpétuellement
corrodé par une pluie drue et incessante. Une caractéristique chez
Tsai Ming-Liang qui semble aimer reproduire ce type de climat dans
la plupart de ses films.
Les coutumes y sont
étranges. Les poubelles se jettent par la fenêtre. Uniquement.
D'énormes sacs de plastique accompagnent ainsi le rideau de pluie.
De ce temps exécrable naissent les infiltrations d'eau. Deux
personnages pour autant d'appartements dont la situation
géographique dans l'immeuble reste floue. Tout ce que l'on sait
d'eux, c'est que Lui habite au dessus d'Elle. Seuls locataires à
avoir résisté à l'envie d'échapper au mystérieux virus qui s'est
attaqué aux habitants de la ville, ils ne se fréquentent pas. Ne se
côtoient pas. Ne se croisent même pas dans l'escalier. Elle,
collectionne les rouleaux de papier-toilette. Lui, fume cigarette sur
cigarette et nourrit quotidiennement le seul chat errant de
l'immeuble. L'homme travaille dans une épicerie. Sans clients. La
seule activité qu'ils partagent finalement sans se tenir compagnie,
c'est manger. Et ce, toujours dans un luxe de détails auditifs que
même le bruit infernal et incessant de la pluie battante ne parvient
pas à étouffer. A force de créer des courants dans les fissures
des plafonds, des murs et des planchers, l'eau a créé un trou dans
l'unique structure de béton séparant les deux appartements. Pour
Elle, le plafond. Pour Lui, le plancher. Un judas d'abord pas
plus grand qu'un dé à coudre mais qui va très naturellement
grandir avant que Lui ne l'aide à prendre de l'importance.
En bas, l'appartement se
dégrade assez rapidement. Les murs se dénudent de leur tapisserie.
L'eau forme des flaques stagnantes, et la jeune femme commence à
ressentir d'inquiétants symptômes. L'homme devient de plus en plus
curieux. Scrute la voisine d'en dessous. Élargit le trou. Le chat a
disparu. Son bienfaiteur, alors, mange sa pâtée. Et la vie, ainsi,
entre ces deux étrangers, se mue en une forme d'attirance très
curieuse. Lui tente d'observer la jeune femme tandis que celle-ci
mime des conversations téléphoniques avec celui du dessus tout en
parlant dans le vide.
Dong est
une œuvre très étrange. Peu de dialogues. Pas davantage d'action.
Durant presque une heure trente, le long-métrage de Tsai Ming-Liang
passe de l'incongruité de ses deux personnages à des pauses
musicales plutôt amusantes. De la calypso, du swing, et même un peu
de rock'n'roll pour faire passer la pilule. Une comédie musicale
survivaliste comme on n'a pas l'habitude d'en voir. D'autres
intervenants apparaissent. Faut-il pour autant les comparer à des
interprètes ou simplement des artistes jetés au beau milieu d'un
récit léthargique et parfois même, envoûtant ? Le cinéaste
taïwanais impose un univers très particulier. La dissolution d'un
cadre miné par un rideau de pluie assourdissant. Des acteurs qui
miment presque davantage qu'ils ne parlent réellement. Un film sans
but réel. A moins qu'il ne s'agisse d'une histoire d'amour muette
sur fond d'apocalypse ? L'aspect quelque peu poétique de la
dernière séquence tendrait-elle à envisager cette hypothèse ?
Toujours est-il que Dong demeure unique en son genre.
Certainement pas un chef-d’œuvre, non, mais assez spécifique pour
qu'on lui accorde tout de même un certain intérêt...
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