En parcourant l'histoire d'Anders Behring Breivik,
cet homme qui à l'âge de trente-deux ans a perpétré un massacre
parmi les jeunes du parti travailliste de Norvège sur l'île d'Utøya
le 22 juillet 2011, c'est par erreur que je suis tombé sur le film
du scénariste et réalisateur norvégien Joachim Trier alors que je
m’apprêtais à écrire un nouvel article pour le compte du cycle
consacré aux tueurs inspirant le septième art. Si
Oslo, 31 Août ne semble pas avoir
le moindre rapport avec la tragédie norvégienne, l’œuvre résonne
pourtant comme l'écho fulgurant de l'horreur qui mit à genou tout
un pays un plein mois de juillet. Alors que la classe politique et
les familles des soixante-neuf victimes d'Anders Breivik se battent à
ce moment là pour faire interdire Utoya
Island,
œuvre signée par Vitaliy Versace et jugée honteuse puisque tournée
seulement trois mois après les faits et vendue
à
travers une publicité racoleuse. Vitaliy Versace... un tâcheron
opportuniste qui voyait sans doute là l'occasion de relancer une
carrière parcourue de longs-métrages pitoyables. Aujourd'hui, c'est
d'un autre film dont parlent les médias. Reconstructing
Utøya
de Carl Javer. Puis d'un second, dont le tournage a semble-t-il
débuté le 5 septembre dernier, réalisé par le norvégien Erik
Poppe et sobrement intitulé U.
Oslo,
31 Août ne
choisit même pas de s'écarter du récit dramatique relatant les
événements du 22 juillet 2011 puisqu'il fut de toute manière
réalisé plusieurs mois auparavant. Une œuvre prophétique ?
Et pourquoi pas ? Pourtant, le film de Joachim Trier s'inspire,
lui, de tout autre chose. D'un ouvrage écrit et publié en 1931. Le
roman Le
Feu Follet
dont l'auteur est l'écrivain Pierre Drieu la Rochelle.
Le
film évoque les dernières heures d'Anders, jeune toxicomane dont la
cure de désintoxication va bientôt prendre fin. Pour s'encourager à
reprendre sa vie en main, Anders quitte un moment l'unité de soin
chargée de veiller sur ceux qui comme lui ont plongé pour se rendre
à un rendez-vous d'embauche. Entre-temps, il part retrouver
d'anciens amis. Si tout se déroule de façon relativement normale,
l'existence bien rangée de ceux qui ont traversé les mêmes galères
que lui fiche un coup au moral d'Anders. N'étant pas à sa place, il
repart sur le chemin de l'entretient d'embauche. Mais là aussi, tout
va mal. Alors que tout se déroule parfaitement, un incident innocent
vient rappeler au jeune homme qu'il est un peu différent des autres.
Anders abandonne l'idée de se faire embaucher malgré l'avis
favorable de l'employeur et préfère renouer avec d'anciennes
connaissances. Entre-temps, il est parti se procurer une dose
d'héroïne. Au téléphone, son ancienne petite amie lui fait
comprendre que de le revoir ne l’intéresse pas et son entourage
lui rappelle sans cesse son statut de toxicomane. Après une nuit de
folie en compagnie d'un vieil ami et d'une jeune femme dont il vient
de faire la connaissance, Anders retourne chez lui, se met au piano,
puis replonge. L'une de ses mains se saisit de l'héroïne. L'autre
retire sa ceinture de son pantalon. Anders a perdu cette force qui le
maintenait jusque là en vie...
Oslo,
31 Août est
de ces films qui font le bonheur des cinéphiles tout en laissant un
sentiment de malaise à l'individu. Au regard du parcours du tueur de
masse Anders Behring Breivik, on préfère imaginer le héros du
long-métrage de Joachim Trier n'avoir aucun rapport tant l'histoire
qui nous est contée est belle et déchirante tout à la fois. Un
instantané qui éclate en mille morceaux. Un film sans fard, plus
proche de Elephant
de Gus Van Sant que de l'un de ces films se complaisant dans un
sentiment de malaise permanent. On se prend aisément à espérer
qu'Anders va s'en sortir même si le mince fil qui le retient à la
vie semble bien fragile. L'acteur Anders Danielsen Lie est
bouleversant d'humilité et de justesse. Dur sans être jamais
voyeuriste, de la déchéance naît l'espoir et de ce dernier, la
désillusion. La rédemption mène parfois à des conclusions
tragiques. C'est ce que semble vouloir évoquer Oslo,
31 Août.
Une œuvre belle, sensible, émouvante, et sombre. Un joyau noir,
contraire aux clichés d'une capitale merveilleusement filmée. A
voir...
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