Hier
soir à 23:40, la chaîne franco-allemande Arte diffusait
Geronthophilia, le dixième long-métrage
du cinéaste canadien Bruce LaBruce. Derrière ce terme souvent
catalogué de déviance,au même titre que la pédophilie, ce qui
demeure encore pour beaucoup un tabou exprime l'attirance d'un
individu pour un congénère beaucoup plus âgé. Ici, l'intrigue
tourne autour de Lake, jeune homme sorti tout juste de l'adolescence
et dont les préférences sexuelles ne semblent pas avoir encore été
précisément définies malgré le fait qu'il ait une petite amie
prénommée Désirée. Du moins jusqu'à ce jour où il sauve la vie
d'un vieil homme qui se noyait dans une piscine. Surpris en flagrant
délit d'érection », Lake
prend la fuite. Il est aussitôt engagé dans dans une maison de
retraite grâce à sa mère qui y officie en tant que responsable.
Très vite, le jeune homme se lie d'amitié avec M. Peabody, un
vieillard de bientôt quatre-vint deux ans. Une amitié ? Pas
seulement puisque Luka va très vite ressentir une attirance sexuelle
pour cet homme auquel il est chargé de faire sa toilette. Une
complicité s'installe entre eux tandis que sa fiancée lui échappe
peu à peu...
Quelle
est donc la place de nos « vieux »
dans notre société ? Après avoir rendu de bons et loyaux
services, il faut bien en faire quelque chose. Devenus parfois (et
même généralement) gênants, on a créé pour eux des structures
d'accueil qui malheureusement ne les valorisent pas souvent. Des
maisons de retraites, des cliniques spécialisées, des mouroirs.
Bourrés de cachets, on ignore leurs souffrances. Abrutis par les
effets des médicaments, il végètent jusqu'à ce que la mort les
emporte.
Mais
pas chez Bruce LaBruce. Le cinéaste refuse cette situation. Et
pourtant, rien n'était gagné d'avance. Tout laisse d'abord présager
d'une œuvre sentant le souffre. Bruce LaBruce filme la toilette du
vieil homme sous un angle d'abord dérangeant. Le ressenti de Lake
peut y être incommodant. Les soins apportés à Peabody évoquent
sensiblement la méthode de préservation des corps employée par
les thanatopracteurs. Certains auront peut-être le réflexe d'en
finir avec Geronthophilia,
persuadés d'être en face d'une œuvre voyeuriste, trash, ou
abjecte. Mais le dixième long-métrage est tout sauf le sale film
qu'il a l'air d'être. Derrière le voyeurisme de certains actes
perpétrés, Bruce LaBruce rend hommage à cette catégorie
d'individus que leur progéniture a déjà condamnés à une mort
certaine en les enfermant entre les quatre murs d'une chambre
impersonnelle.
Comme
l'évoquera plus tard Désirée (l'actrice Katie Boland), Lake
(Pier-Gabriel Lajoie) a choisi la voie de la radicalité. Le jeune
homme refuse la normalité. Se fiche du regard des autres. Et vit
pleinement sa sexualité. Celle qu'il tentait d'identifier.
Geronthophilia parle
de vieillesse, d'homosexualité, de différence, mais curieusement,
peu du regard des autres. Là n'est de toute façon pas le message.
Une comédie romantique parfois très émouvante et servie par un duo
d'acteurs fantastiques. Lajoie, mais également Walter Borden qui
interprète le rôle de Mr. Peabody. Un film que le « jeune
prodige »
Xavier Dolan aura sans doute à cœur de malmener au vu des critiques
qu'il avait émises le 3 septembre 2014 au sujet des œuvres « gays »
tournées
par des « gays ».
Un point de vue que l'on pourra juger d’absconses (autant critiquer
ainsi la Blaxploitation pour ne citer que le plus connu des courants
« ghétoïsants »,
selon ses propos au sujet des films homosexuels). Il n'en demeure pas
moins que Geronthophilia
est un très beau film. Bruce laBruce n'abuse d'aucun artifice
inutile et s'éloigne de la pornographie qui a fait sa « renommée ».
Un long-métrage à voir. Ne serait-ce que pour porter un regard
différent sur la vieillesse et l'homosexualité...
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