Ce qu'il y a de
particulièrement appréciable avec Alex de la Iglesia, c'est la
rigueur avec laquelle il a toujours conservé (en dehors de sa
navrante incartade en Angleterre avec Crimes à Oxford) la
même forme, et le même fond dans chacune de ses œuvres. Ceux qui
n'ont jamais véritablement adoubé l'espagnol risquent donc de
passer leur chemin fin août lorsque sortira son dernier-né, Pris
au Piège. Ici, à Cinémart, il en est tout autrement
puisque nous adorons le travail d'Alex de la Iglesia, jusqu'à même
son précédent effort pas du tout sobrement intitulé Las
Brujas de Zugarramurdi, et en remontant jusqu'à son premier
bébé, l'excellent (et séminal) Accion Mutante. Et
justement, si cela n'est très certainement pas le fait d'un hasard
mais plutôt à la faveur d'un respect dû au maintien de la
chronologie, c'est par celui-ci que débutera le cycle consacré au
petit chouchou de Cinémart. Les articles consacrés à Muertos
de Risa, Crimen Ferpecto et Las Brujas de
Zugarramurdi étant déjà pliés depuis belle lurette, je ne
reviendrai logiquement pas dessus. A moins d'avoir très envie d'en
améliorer le contenu, ce qui ne serait pas une mauvaise idée.
Sait-on jamais.
Commençons donc avec le
premier d'entre eux, Accion Mutante. Déjà un poids
lourd dans la catégorie 'comédies déjantées'. Réalisé en
1993 et pesant deux millions et demi de dollars, Accion
Mutante nous
compte l'histoire d'une organisation (l'Accion Mutante du titre)
constituée de marginaux. De ceux que la société à décidé
d'exclure. Une société exclusivement constituée de notables, les
autres étant chassés des grandes cités. Dans l'ombre, les membre
d'Action Mutante (dans la version française) préparent un sale
coup : l'enlèvement de la fille d'un richissime homme
d'affaire...
Pour
son premier long-métrage, Alex de la Iglesia décrit une société
moderne hyper médiatisée et uniformisée à outrance dans laquelle
la différence est absolument proscrite. Une œuvre dépeignant
finalement assez fidèlement le monde tel qu'il demeure de nos jours.
L'espagnol situe son intrigue en 2012. Un état policier dans lequel
sont traqués par les autorités policières tous ceux qui n'entrent
pas dans le cadre comportemental et esthétique établi par la loi.
Infos et publicités sont là pour rappeler à l'ordre un public
totalement obnubilé par son apparence. Les riches sont montrés du
doigts, ce qui ne fait pourtant pas de nos héros des êtres
enviables puisque Alex et Juan Abadie, les deux siamois
liés par l'épaule depuis leur naissance, César Ravenstein, que le
port permanent d'une charge de cinq kilos d'ammonal a rendu célèbre,
José Oscar Telleria, Alias manitas le mécanicien du groupe, l'homme
aux cinquante arrestations, Amancio Gonzales, sourd-muet de naissance
et possédant l'un des coefficients intellectuels les plus bas de la
planète et doté d'une force exceptionnelle, et, lisez bien, José
Montero, qui est nain, bossu, juif, franc-maçon, communiste et
'présumé' homosexuel connaissent parmi leurs rangs, des
guerres intestines. Cette bande de joyeux lurons respectivement
interprétés par les acteurs Alex Angulo, Juan Viadas, Saturnino
Garcia, Karra Elejalde, Alfonzo Martinez, ainsi que Ion Gabella sont
tous sous les ordres de ramon Yarritu (l'acteur Antonio Resines),
lequel vient de sortir de prison après avoir passé cinq ans
derrière les barreaux pour port d'arme prohibée.
Visuellement, Accion
Mutante se situe entre le Brazil de Terry
Gilliam, le Delicatessen de Jean-Pierre Jeunet et Marc
Caro, et tout un pan du cinéma de science-fiction laissant présager
d'un futur proche nihiliste. Pourtant, malgré des décors sentant
l'huile de coude et suintant une matière sanglante proche de la
rouille, malgré des costumes renvoyant à l'époque glorieuse des
plagiats italiens de films post-apocalyptiques, Accion Mutante est
avant tout autre chose une comédie déjantée où règne un vent de
liberté et d'anarchie. 'Ni Dieu, ni Maître' semble vouloir nous
dire l'auteur de Perdida Durango et de Balada
Triste. Si le premier long-métrage du cinéaste n'est très
clairement pas son meilleur film, il y pose déjà les bases de ce
qui deviendra sa propre vision de la comédie : entre folie,
tragédie et humour noir...
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