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lundi 29 mai 2017

L'extravagant monsieur Piccoli d'Yves Jeuland (2017) - ★★★★★★★★☆☆

http://www.arte.tv/fr/videos/057412-000-A/l-extravagant-monsieur-piccoli

Pour revoir "L'extravagant monsieur Piccoli", cliquez sur l'affiche ci-dessus

Après la diffusion hier soir sur l'excellente chaîne culturelle franco-allemande Arte du film de Jacques Rouffio 7 Morts sur Ordonnance, ceux qui fuient habituellement leur écran de télévision mais qui pour une fois ont eu la judicieuse idée de l'allumer pour s'instruire (et non pas s'abrutir) devant un programme intelligent ont pu assister à un très bel hommage rendu à l'immense Michel Piccoli. Âgé aujourd'hui de quatre-vingt onze ans, cet acteur qui se prédestinait avant tout à une carrière de comédien de théâtre s'est surtout fait apprécier du grand public grâce aux innombrables personnages qu'il a incarné au cinéma. Bien que les réalisateurs se soient succédé durant sa très longue carrière débutée en 1945 lorsqu'il interpréta un figurant dans Le Cavalier de Riouclare de Christian-Jaque, on apprend que c'est grâce à ce que l'on nommait encore le petit écran que Michel Piccoli s'est ouvert au grand public avec son interprétation du Dom Juan de Molière dans l'éponyme Dom Juan ou le Festin de pierre. Pas spécialement beau, mais sans doute jamais aussi laid que certains de ses personnages, Michel Piccoli incarnait ici le rôle d'un séducteur. Un personnage qu'il entretiendra jusqu'à l'explosion signée Marco Ferreri, La Grande Bouffe.
Si Arte a choisi de diffuser en première partie une œuvre de Jacques Rouffio dont l'une des spécificité (en dehors d'être pétrie de qualités) est d'avoir fait jouer deux des plus grands acteurs français sans qu'aucun n'aie partagé la moindre ligne de dialogue, c'est pourtant la complicité entre l'acteur et trois autres cinéastes que le réalisateur et auteur de documentaires français Yves Jeuland a choisi de mettre en avant. Marco Ferreri, Luis Buñuel , et Claude Sautet.

Un italien, un espagnol et un français. Ç’aurait pu être le début d'une bonne blague mais l'histoire que partageront ces trois grands metteurs en scène et leur acteur fétiche donnera lieu à des œuvres qui bouleverseront le paysage cinématographique français. Ferreri mort en 1997, Buñuel en 1983 et Sautet en 2000. Piccoli ? Toujours vivant et se demandant ce que retiendra la postérité de son oppulente carrière au cinéma. L'extravagant monsieur Piccoli s'ouvre sur la silhouette de l'acteur nonagénaire. Filmé presque de dos, devant un piano, comme des images volées, une intimité dévoilée, violée par l'objectif de la caméra d'Yves Jeuland. On apprend (pour ceux qui l'ignoraient comme moi), que l'acteur a partagé la vie de la chanteuse Juliette Greco. Un mariage qui dura dix ans. Mais sans doute, les mariages les plus célèbres de Michel Piccoli furent ceux qu'il concrétisa auprès des trois cinéastes cités plus haut. Entre 1956 et 1977, Luis Buñuel et Michel Piccoli vont tourner à sept reprises. Le Journal d'une Femme de Chambre, Belle de Jour ou Cet Obscur Objet du Désir pour ne citer que les plus célèbres. Pour Claude Sautet, l'acteur français acceptera de jouer à quatre reprises (cinq si l'on tient compte de sa participation en tant que narrateur dans César et Rosalie en 1972). Ce sera surtout l'occasion pour Michel Piccoli de partager par trois fois, l'affiche avec l'égérie de Claude Sautet, l'immense actrice allemande Romy Schneider avec laquelle il joua dans Les Choses de la Vie, Max et les Ferrailleurs et Mado.

Michel Piccoli, ou plutôt ses personnages, pouvaient à l'occasion, faire preuve d'une grande violence verbale. Au point que certains de ses partenaires se demandaient parfois si c'était Piccoli ou le personnage qui s'exprimait. Claude Sautet considérait l'acteur comme son double, l'interprète de Vincent, François, Paul... et les autres mimant presque son auteur lorsqu'il s'habillait et fumait une cigarette.L'un des cinéastes qui participa au changement de style de l'acteur fut le cinéaste Marco Ferreri. Alors qu'ils tournèrent sept fois ensemble entre Dillinger est Mort en 1968 et Y'a Bon les Blancs en 1988. C'est sans doute grâce (ou à cause diront certains) de la pantagruélique Grande Bouffe que Michel Piccoli a révélé un visage différent du séducteur qu'on lui connaissait jusque là. Véritable ode au suicide, à l'amour, à la merde et à la nourriture, tout semble avoir été déjà dit, entre ce qu'ont pu supposer les critiques acerbes de l'époque, les interprètes du film, et le cinéaste lui-même. Reste une œuvre dérangeante et magnifique. Poétique et scatologique. Sans doute l'une des plus grandes de son auteur qui l'année suivante réengagea le quatuor de La Grande Bouffe pour son délirant Touche pas à la femme blanche ! Piccoli donc, mais également Marcello Mastroianni, Philippe Noiret et Ugo Tognazzi.
L'extravagant monsieur Piccoli ne revient donc pas de manière exhaustive sur la carrière de l'immense acteur français mais demeure un très bel hommage rempli d'images d'archives inédites ou peu connues. Un très beau documentaires pour les fans de cinéma en général et de ce grand monsieur qu'est Michel Piccoli...

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