Alors même que je n'ai
toujours pas osé visionner Dans ma Peau de Marina de
Van pour des raisons strictement hypocondriaques et épidermiques,
voici que débarque en ce début d'année 2017 le franco-belge Grave
de la réalisatrice Julia Ducournau. Si le sujet semble différent
(entre l'autodestruction de l'une et la découverte d'un amour
irrépressible pour la chair humaine pour la seconde), les deux
réalisatrices ont semble-t-il choisi d'aborder des thèmes où la
chair humaine devient l'expression physique d'une déviance
obsessionnelle rare. Je ne m'étendrai donc pas sur le premier et
m'épancherai plutôt sur le second dont je viens tout juste de
terminer le visionnage.
Je me rappelle encore des
bruits retentissants dont fut l'objet le trop surestimés (et de mon
avis, RIDICULE) Martyrs de Pascal Laugier, considéré
alors, et sans doute par beaucoup encore aujourd'hui comme
l'expérience cinématographique en terme d'horreur à la française
comme la plus extrême et la plus aboutie. « Mouarf »
ai-je envie de dire. Caricatural, poussif, incohérent, et proprement
grotesque, voilà ce que j'avais retenu de cet objet filmique
finalement tellement peu incommodant Une déception, donc.
Alors, lorsque je
découvre dans la presse des termes aussi imagés et élogieux que
« déflagration », « intelligence »,
« audace », « organique »,
« viscéral », « cruel »,
« sensuel » ou encore « dérangeant »,
c'est avec la plus grande prudence que je décide de me jeter dans ce
récit au départ, intriguant. Une jeune femme dont les coutumes
familiales les ont habitués, elle et ses parents, à proscrire la
viande sous toutes ses formes débute ses étude de vétérinaire
dans le même établissement que sa sœur. Comme tous les étudiants
de première année, Justine va devoir subir une longue période de
bizutage dont elle ne risque pas d'oublier l'une des épreuves
consistant à manger de la viande crue. Poussée même par sa sœur
Alexia, la jeune femme va contre toute attente développer une
véritable obsession pour ce que ses parents ont toujours proscrit,
au point même de faire exploser tous les tabous en dévorant un
jour, de la chair humaine...
D'une certaine manière,
le film de Julia Ducournau reprend là où les travaux de David
Cronenberg sur la chair et l'esprit se sont interrompus. L'un des
interdits les plus inconcevables. La cinéaste développe avec une
maturité folle la transformation d'une chenille en papillon. D'une
jeune adolescente fragile, évanescente et timide, Julia Ducournau
fait de son héroïne une prédatrice sauvage. Une louve dans une
bergerie. Ou presque puisque l'univers qui nous est décrit (ici, une
université de médecine vétérinaire) nous semblera parfois fort
incommodant. De mœurs étranges à l'accoutumance de pratiques
visant à désensibiliser l'individu face à la mort, Grave
distille un doux et dérangeant parfum.
Beaucoup moins
auteurisant que l'épuisant (dans tous les sens du terme) Trouble
Every Day de Claire Denis, le long-métrage de Julia
Ducournau porte en lui plusieurs grilles de lecture dont celle d'une
cellule familiale imposant un interdit tellement puissant qu'une fois
délivrée de l'emprise de ses parents, la gamine va braver leur
autorité comme le fit déjà plusieurs années auparavant sa propre
sœur. Grave et sauvage, beau, intimiste, révolté,
sans complexe et parcouru de vision fantasmagoriques extraordinaires
dont le baiser oculaire que l'héroïne vampirise de son regard n'est
pas des moindres. Les codes du teen-movie explosent ici et passent
ses héros à la moulinette afin d'en faire des adultes bien avant
l'heure. Le trio de tête formé de Garance Marillier, Ella Rumpf et
Rabah Naït Oufella explose à l'écran. Derrière l'horreur du sujet
se cache un message de liberté. Le papillon prenant son envol...
Shocking !
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