Pour ce second article
consacré au cinéaste Russ Meyer, j'ai choisi d'aborder son dixième
long-métrage. Un dixième film qui n'est séparé du premier que de
cinq années puisque durant les années soixante, le pape du trash
fut particulièrement prolifique et tournait en général entre deux
et trois longs-métrages par an. Alors que The Immoral Mr. Teas
était relativement médiocre, Russ Meyer a fait du chemin depuis, et
il faut reconnaître à Lorna, l'Incarnation du Désir,
un certain nombre de qualités. Cette fois-ci, on a droit à un
véritable scénario qui, s'il n'a rien d'extraordinaire, propose
enfin une véritable histoire, avec un début, un milieu, et une fin.
Lorna,
l'Incarnation du Désir,
c'est l'histoire d'une jeune épouse, mariée à un homme depuis un
an (ils vont fêter leur premier anniversaire de mariage dès le
lendemain), mais qui auprès de celui-ci, n'a pas réussi à
s'épanouir dans sa vie de femme. Lorna rêve de changer d'air, de
quitter ce bled paumé, cette maison où elle reste enfermée. Jim
lui promet de l'emmener en ville, mais la jeune femme attend, encore
et encore, sans jamais voir ce jour béni où elle pourra enfin vivre
heureuse et épanouie. Concernant leur intimité, Jim est comme un
certain nombre d'hommes et ne pense qu'à son plaisir sans même
écouter les besoins de Lorna. Celle-ci n'a jamais connu d'autre
homme que lui et n'a jamais vraiment ressenti de plaisir entre ses
bras.
Alors,
lorsqu'elle croise la route d'un fugitif qui la viole, elle ressent
lors de cet acte forcé des sensations qu'elle n'a jamais connues
auprès de Jim. Lorna tombe follement amoureuse de cet étranger.
Comme elle tomba amoureuse de Jim un an en arrière. Elle emmène
l'évadé chez elle, persuadé que Jim rentrera tard. Mais le patron
de celui-ci lui offre, ainsi qu'à ses deux compagnons, leur
après-midi, afin qu'ils fêtent tous ensemble, l'anniversaire de
leur mariage à Lorna et lui...
Russ
Meyer explore plusieurs faces sombres de l'âme humaine. Surtout
celle de l'homme puisque Lorna, seule représentante de la gente
féminine à part l'intervention au début du film d'une jeune femme
ivre, les individus qui parcourent son œuvre son soit des violeurs,
soit des voyeurs (Jonah, le compagnon idiot de Luther prend un malin
plaisir à regarder son compagnon violer une jeune femme), soit des
fugitifs. Et lorsqu'ils ne sont pas tant mauvais que cela, ils
demeurent d'un égoïsme saisissant. Pour preuve, le comportement
très personnel d'un Jim que l'on sent amoureux et pourtant
terriblement insensible aux desiderata de Lorna.
Le
cinéaste joue également sur les pulsions de jalousie générées
par un Luther (excellent Hal Hopper) qui pousse Jim à penser que
Lorna le trompe lorsqu'il part au travail. Enfin, il y a Lorna, ce
personnage pur et innocent naviguant dans un monde de mécréants. La
très jolie et plantureuse Lorna Maitland incarne cette jeune femme à
l'innocence presque intemporelle dans un bled paumé où ne surgit
presque aucun valeur morale du côté du mâle. La légère pointe
d'érotisme que Russ Meyer injecte obligatoirement à son œuvre ne
souffre d'aucune forme de vulgarité. Juste un clin d'oeil à son
obsession pour les fortes poitrines mais qui, ici, ne génère aucune
pulsion sexuelle de la part du spectateur. Étonnamment, on se
surprend à ressentir à brève échéance mais à plusieurs
reprises, une grande sympathie pour Lorna et cette vie gâchée au
bras de son époux.
On
en regretterait presque d'avoir osé poursuivre notre route malgré
les avertissements de ce curieux prêcheur devant cette fin tragique
sur laquelle Russ Meyer propose de clore son œuvre. Lorna,
l'Incarnation du Désir est
une assez bonne surprise qui
pourtant a été poursuivi pour obscénité dans le Maryland, la
Pennsylvanie et la Floride à l'époque de sa sortie...
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