Xavier Dolan, un cinéaste
que l'on aimerait pouvoir détester. Parce que du haut de ses
vingt-sept ans, ce québecois né le 20 mars 1989 a déjà établi
une jolie carrière dans l'art qui est le sien. Six longs-métrages,
et surtout, un Mommy en 2014 qui a presque remporté
tous les suffrages. Alors, bien évidemment, on ne pouvait l'attendre
qu'au tournant avec son dernier né, Juste la Fin du Monde.
Pas celle que l'on nous avait promise en 2012, mais celle d'une
prophétie qui devrait toucher le cadre ultra restreint d'une cellule
familiale. 'Ça n'est pas la fin du monde' comme diraient
certains, et pourtant, quelque part, loin de chez lui, Louis va
devoir annoncer à des proches qu'il n'a pas vu depuis douze ans,
l'impensable : sa mort prochaine.
Juste la Fin du
Monde,
c'est d'abord le récit d'une castration affective et intellectuelle.
Entre un fils qui a réussi, loin de chez lui, un auteur à succès
qui recouvre la mémoire de ses proches en parcourant des milliers de
kilomètres pour les rejoindre, et ces derniers, pour lesquels le
temps semble s'être arrêté le jour de son départ douze ans
auparavant. Une mère(Nathalie
Baye que l'on avait déjà pu découvrir dans le superbe Préjudices), peinture vivante dans l'art de l'excentricité,
grimée jusqu'aux ongles. Une sœur (Léa Seydoux) vouée toute
entière à ce frère disparu.
L'autre frangin, lui, incapable de combler les vides, les remplissant
d'un orgueil qui étouffe, lui et les siens. Comme Catherine, son
épouse, brimée, part lumineuse et maladroite d'un compagnon qui
n'avouera jamais ses blessures.
Le
dernier long-métrage de Xavier Dolan laisse songeur. On hésite
entre crier au génie et soupirer de désespoir de ne pas avoir été
autant séduit qu'en 2014. Il y a des instants d'émotion intense. La
caméra sachant quel angle choisir pour obtenir ce moment de grâce
qui passe dans le regard de ses personnages. Comment résister à cet
échange silencieux entre Marion Cotillard et Gaspar Ulliel qui
paraissent durant un instant ressentir les émois d'un premier
amour ? Curieusement, et à plusieurs reprises, certains
semblent avoir des prédispositions avec l'omniscience. Mais Xavier
Dolan trompe son monde. Tout ce qui nous semble prendre forme de
manière concrète n'est que le fruit d'une construction de notre
propre esprit. L'histoire est beaucoup plus simple qu'il n'y paraît
puisque le cinéaste québecois a suffisamment confiance en son
public pour ne pas avoir à en révéler trop sur les messages que
tentent de faire passer les protagonistes.
Si
Gaspard Ulliel est forcément émouvant dans le rôle de cet homme
venu dire au revoir à ses proches, les autres interprètes n'en sont
pas moins formidables. Tout aurait dû me pousser à renier le désir
de découvrir Juste la Fin du Monde.
Ce cinéaste au succès 'presque
trop rapide',
et surtout, une Marion Cotillard jamais véritablement appréciée
depuis la gloire post-Môme.
Elle demeure pourtant ici bouleversante. Vincent Cassel demeure la
clé d'une énigme qui ne connaîtra sans doute pas le dénouement
que l'on attendait. Toute la force de ce cinéma étant de préserver
jusqu'au bout un fil d’Ariane dont l'intérêt premier s'effiloche
pour devenir secondaire.
Juste la Fin du
Monde n'est
malheureusement pas parfait. Il demeure des carences que le québecois
a manqué de combler. Son œuvre fait l'effet d'un sparadrap que l'on
applique et que l'on retire sans cesse. Les instants de fulgurance
existent, mais il est vrai que l'on s'ennuie devant des scènes
vides de contexte et trop uniformes. On ne pourra cependant pas lui
reprocher ses qualités de réalisateur, scénariste et monteur.
Quand dans bon nombre de longs-métrages il demeure évident que les
acteurs portent à eux seuls l’œuvre qu'ils interprètent, sans le
concours et le talent de Dolan, Juste la Fin du
Monde aurait
sans doute arboré un visage bien morne. Une note spéciale pour la
superbe partition musicale de Gabriel Yared...
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