Neuf longs-métrages
seulement à l'actif du cinéaste, producteur (il produit lui-même
ses œuvres), scénariste et romancier français Alain Jessua, mais
autant de films qui marquent les esprits. Armaguedon
pointe le bout du nez en 1977. On y retrouve l'acteur Jean Yanne
auquel Jessua avait offert son tout premier rôle au cinéma dans La
Vie à L'Envers en 1964, Michel Duchaussoy qui joua dans Jeu
de Massacre en 1967 et Alain Delon auquel il offrit l'un des
deux principaux rôles dans Traitement de Choc. Jean
Yanne EST Armaguedon.
Un petit employé des espaces verts qui après la mort de son frère
hérite d'une très grande somme d'argent. De quoi changer de vie.
Mais lui ne va pas changer de voiture, de maison... ou de femme (!).
Non, lui va se venger d'une société qu'il méprise. Pour cela, il
va narguer les polices du monde entier en leur envoyant des messages
de menace enregistrés sur bande magnétiques. Lancé à la recherche
du mégalomaniaque, l'inspecteur Jacques Vivian va faire appel au
Docteur Michel Ambroise afin de mettre la main sur Louis Carrier,
celui que toute la presse nomme désormais sous le nom d'Armaguedon
avant que celui ne mette à exécution son plan machiavélique :
faire exploser une bombe lors d'une émission télévisée diffusée
en direct à la télévision française...
Armaguedon,
on l'aura compris, n'a rien à voir avec l’œuvre de Michal Bay
Armageddon
sortie en 1998 et qui de toute manière propose une orthographe
différente. Ici, pas d'astéroïde géant filant tout droit vers
notre planète mais un danger tout aussi préoccupant puisque la
science est incapable (ou presque) de prévoir à l'avance quand
agira celui que tout le monde nomme Armaguedon. Un terme inspiré de
l'Harmaguédon, un mont situé en Galilée et lieu symbolique du
combat entre le bien et le mal mentionné dans le Nouveau Testament.
Bien que le personnage de Jean Yanne soit présenté comme un être
intelligent (il a apprit cinq langues et met en place un stratagème
relativement bien conçu), ce pseudo qu'il se donne, il ne se l'est
accaparé que parce que son fidèle complice Albert, dit Einstein,
lisait justement un ouvrage concernant un passage de la Bible.
Comme
le précise si bien le Docteur Michel Ambrose (Alain Delon), Louis
Carrier est un homme qui apparaît comme un individu miné par la
solitude et désirant faire parler de lui. Au risque d'emporter la
vie de plusieurs personnes (dont un Michel Creton qui paiera de sa
vie son désir de profiter pécuniairement des projets d'Armaguedon),
il va s'aider d'Einstein (l'acteur Renato Salvatori), un pauvre ère,
à la limite de la débilité, et reflétant l'image de l'immigré
perdu dans un pays qui n'est pas le sien ( thème que le cinéaste
Roman Polanski avait déjà évoqué d'une manière tout à fait
différente dans son chef-d’œuvre Le Locataire). Un individu pour
lequel, on le constatera assez vite, Carrier n'a pas davantage
d'estime que pour ses concitoyens puisque cet immigré italien
servira lui-même ses desseins et ce, de la manière la plus
terrible.
Armaguedon est
sombre, désespéré, et d'un fort pessimisme. La musique composée
par le compositeur argentin Astor Piazzolla imprime à l’œuvre
d'Alain Jessua une atmosphère angoissante et déprimante. Il s'agit
d'une charge féroce à l'encontre des politiques du monde entier. Le
personnage très bien campé par Jean Yanne s'érige en défenseur de
ses concitoyens qui pourtant lui riront au nez et à la barbe
lorsqu'il exigera que soit diffusé en direct son parcours personnel
lors d'une émission télévisée. Le film d'Alain Jessua sort deux
ans après Peur sur la Ville
de Henri Verneuil. Autre variation sur la folie engendrée par la
civilisation. Mais alors que l’œuvre mettant en scène Jean-Paul
Belmondo revêtait une forme particulièrement divertissante, le film
d'Alain Jessua, comme très souvent chez lui, dégage une profonde
impression de tristesse. Ce qui ne remet cependant pas en question
ses qualités d’œuvre cinématographique...
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