Préjudice,
du cinéaste français Antoine Cuypers. S'il ne m'avait pas été
conseillé par l'ami Mike, sans doute n'aurais-je pas entendu parler
de ce long-métrage avant longtemps. Un film s'articulant autour d'un
repas de famille ne pouvait que m'évoquer des œuvres aussi
passionnantes que Cuisine et Dépendances, Un Air
de Famille ou Le Prénom. Et pourtant, le
spectacle auquel je m'apprêtais à assister allait nettement
dépasser le simple cadre de la comédie familiale.
Il y a des œuvres qui
méritent qu'on ne les juge surtout pas après seulement quelques
minutes. Préjudice fait
partie de ces longs-métrages qui mettent en place ses personnages et
l'environnement qui servira de cadre pour le reste du récit. Des
premières minutes hésitantes. Qui est donc ce drôle de type,
passionné par l'Autriche, et pas franchement engageant qui
s'entraîne à courir dans sa chambre ? Si le casting de
Préjudice
est constitué d'un peu moins d'une dizaine d'interprètes, son
intrigue s'articule surtout autour de Cédric, et de sa mère. La
demeure, nous le découvrirons aisément, est le berceau d'une
rancœur tenace qui va littéralement exploser lors d'un repas
familiale durant lequel, Caroline, la sœur de Cédric, va annoncer
qu'elle attend un enfant de Gaëtan, le beau-fils.
La
grande force de Préjudice est
de nous plonger, nous spectateurs, au cœur d'un drame dont nous
ignorons tout des origines. En nous jetant en pleine figure cette
mère et ce fils sans même connaître leur passif, il provoque en
nous des réactions légitimes qui vont pourtant s'effilocher au fil
de l'intrigue. Qui sommes-nous donc pour juger cette mère
castratrice, cette sœur dénigrant son frère et ce père qui fuit
devant ses responsabilités ?
Si
l'on se place d'abord en toute logique du côté de ce fils, pieds et
points liés qui n'a semble-t-il jamais eu les mêmes droits que ses
frère et sœur, le récit nous délivre peu à peu un discours
différent, et l'on se rend compte alors que tout les jugements que
nous pouvions avoir jusque là étaient faussés pas cette absence
volontaire d'informations.
Si
Préjudice
arbore en premier lieu les allures d'une comédie française légère,
il sombre peu à peu dans l'horreur d'une cellule familiale
s’autodétruisant de l'intérieur. Devant le refus d'être assistée
par une quelconque institution médicale, la mère de famille se
condamne ainsi que ses proches à vivre l'enfer auprès d'un enfant
auquel elle a sans doute donné le plus mais qui, lui, devant la peur
de celle-ci, et devant son refus de le laisser vivre son rêve (qui
est de partir faire un voyage en Autriche), est persuadé d'être le
moins aimé de tous.
Avec
une vérité glaçante, Antoine Cuypers fait de ce repas familiale
sinistre, un document d'une intensité dramatique qui ne cesse de
grimper vers des hauteurs insoupçonnées. Si la réalisation est
largement à la hauteur de nos espérances, le film repose également
sur une interprétation sans faille de la totalité des acteurs et
actrices. Bien que différents, les portraits demeurent aussi
saisissants que ceux mis en avant par le cinéaste Jaco Van Dormael
dans Le Tout Nouveau Testament (ceux qui ont été marqués par ce film comprendront ce que je veux
dire). De la belle-fille et le beau-fils (respectivement Cathy Min
Jung et Eric Caravaca), forcément en retrait par rapport aux
événements, en passant par le père (l'acteur et chanteur belge
Arno, admirable de retenue), jusqu'au duo formé par la mère et le
fils Cédric (la formidable Nathalie Baye et l'extraordinaire
composition de Thomas Blanchard), Préjudice est
une œuvre essentielle, accompagnée d'une superbe en anxyogène
partition musicale signée fant de Kanter et Francesco Pastacaldi, et
qui nous en apprend beaucoup sur les autres et sur nous-mêmes
également. Un chef-d’œuvre...
Oh mon dieu ! Effectivement, si tu partais d'un a priori, de la comédie genre "Le Prénom", c'est certain que ce film pouvait passer comme facilement dispensable. Ah ah ! Comme je le disais dans mon article, le début n'était pas prometteur... mais plus ça va, pire ça va et mieux c'est ! Je suis content que tu aies adoré ce film, en tout cas.
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