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mercredi 14 septembre 2016

Antéchronologie en noir et blanc - Répulsion (1965)



Petit cycle consacré aux trois longs-métrages en noir et blanc que le cinéaste franco-polonais Roman Polanski tourna entre 1962 et 1966. Et comme l'indique l'intitulé, la chronologie ne sera par conséquent pas respectée. En réalité, il ne s'agit pas non plus d'une antéchronologie puisque Le Couteau dans l'Eau, Répulsion et Cul-de-Sac seront traités dans le désordre. C'est ainsi donc que le cycle débutera par Répulsion, qui dans la chronologie des événements se situe en deuxième position. Pourquoi celui-ci plutôt que l'un des deux autres ? Pour une raison simple : depuis sa découverte il y a environ une trentaine d'années, ce film me hante. Comme me hantera sans doute à tout jamais Le Locataire que son auteur signa onze plus tard.
Il y a, dans Répulsion, un peu de moi. De celui que j'étais et que j'espère ne plus jamais redevenir. Tout comme le personnage de Carol Ledoux, interprété par l'actrice française Catherine Deneuve, j'ai connu les affres de la paranoïa, ce trou béant dont on a l'impression que l'on ne parviendra jamais à s'extraire. Dans une moindre mesure, fort heureusement. Pas de cadavre plongé dans la baignoire, ni même de propriétaire retrouvé derrière le canapé, le visage lacéré à coups de rasoir à main. En cherchant bien, vous trouverez sur Cinémart, un article déjà consacré à Répulsion. Mais après l'avoir relu, j'ai bien senti qu'il lui manquait un peu de profondeur et de maturité et qu'il me faudrait m'y replonger.

L'attirance pour ce film vient sans doute également de vieux souvenirs qui eux, n'ont rien à voir avec une quelconque névrose. De ces très vieux immeubles, j'ai conservé un souvenir ému. Des marches d'escaliers en bois qui craquent sous la semelle, aux fenêtres donnant directement sur les toits en ardoise grise de Paris. L'intrigue de Répulsion se situe, elle, à Londres, en Angleterre. On y croise la silhouette fragile de la jeune et jolie blonde Carol, installée avec sa sœur dans l'un de ces vieux immeubles, face à un monastère où vivent de joyeuses bonnes sœurs. Des nonnes éveillant parfois la curiosité de Carol en faisant sonner la cloche juchée au sommet de leur tour ou en jouant à la balle au prisonnier.

Mais tout commence d'abord par ce gros plan dans l’œil de Carol. Toute la folie, toutes les obsessions semblent y être projetées. Et lorsque la caméra dé-zoome et enclenche un travelling arrière, on en a la confirmation. Son esprit est déjà ailleurs, mais on ne devine pas encore ce qui la harcèle. Si la jeune femme parvient encore à vivre autrement qu'enfermée dans l'appartement qu'elle partage avec Hélène Yvonne Furneaux), c'est peut-être parce que son métier lui « facilite » l'existence. Manucure, elle a la chance de ne croiser que des femmes, à une époque où les hommes n'ont pas encore cette curieuse habitude de venir se faire épiler les jambes. Eux, travaillent dehors, SUR un chantier et SOUS un soleil caniculaire. Et lorsqu'ils prennent leur pose, leur vient l'envie de « brancher » Carol, qui passe justement devant eux à ce moment-là de la journée. Sous leurs sarcasmes, Carol reste muette, distante, comme si elle suspectait qu'on allait s'en prendre à elle.

Un sourire de façade, qui s'efface aussi rapidement qu'il est apparu sur ses lèvres. Carol face à Colin (l'acteur John Fraser). L'amoureux transit. Mais l'est-elle de son côté ? Pas vraiment. Pas du tout. Au bord même du dégoût, de l’écœurement. A en faire des cauchemars nocturnes récurrents. Carol s'invente un rendez-vous le soir même, pour éluder l'invitation de Colin, forcément déçu. Et puis, c'est le retour à l'appartement. Cet exigu petit logement qui la protège du monde extérieur. Mais plus pour très longtemps. Car Hélène a un petit ami. Il s'appelle Michael (Ian Hendry) et il est encombrant. Enfermé dans la salle de bain lorsque Carol veut s'y rendre, il laisse partout traîner les marques de sa présence. Carol cède au désir de le voir partir. Mais Hélène, elle, n'accède pas à la demande de sa soeur. Jusqu'au jour où le couple va prendre quelques vacances et laisser Carol, seule dans l'appartement. Seule avec un lapin, seule avec ses peurs...

Roman Polanski élude de manière remarquable des mystères insondables. Cette fissure, dans le mur... Carol est-elle seule à la voir ou Hélène est-elle consciente de sa présence ? C'est par un truchement plutôt malin (l'arrivée de Michael au moment même où Carol parle de la fissure à sa sœur) qu'il interdit à ses personnages de nous donner la réponse à cette question que l'on se pose pourtant forcément. Mystères, mais aussi « symboles », comme ce lapin qui aurait dû finir dans le four mais qui désormais servira d'échelle de valeur dans la dégradation psychologique de notre héroïne. Si la peur de l'homme est l'un des sujets centraux de Répulsion, Roman Polanski développe cette hantise à travers des procédés qu'il réutilisera plus tard comme l'invasion domestique avec Le Locataire. Durant ces périodes de forte activité délirante, la jeune femme perçoit le viol comme aboutissement aux agressions fantasmagoriques dont elle est victime.

Psychologiquement, Répulsion parvient à ses fins. Le film est aussi troublant à voir que les visions que Carol doit supporter. Par petites touches, la folie s'installe, ne laissant plus guère de place à cette minuscule part de raison qui semblait encore faire surface chez elle au début. Dans un superbe noir et blanc, Polanski condamne Carol à être enfermée à jamais, la jeune femme se cloîtrant elle-même après le meurtre sordide de Colin. La simplicité apparente de la mise en scène dissimule en réalité une quantité de plans appuyant le thème abordé de la folie. Catherine Deneuve incarne parfaitement Carol, l'appartement demeurant à lui seul un personnage dont l'existence se révèle fondamentale. Et si rien ne nous est vraiment révélé sur les origines du trouble, on peut très facilement fantasmer sur la toute dernière image du film. Silencieuse mais terriblement convaincante...

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