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jeudi 15 septembre 2016

Antéchronologie en noir et blanc - Cul-De-Sac (1966)



J'oubliais par un trop grand empressement de dire la dernière fois que Répulsion, second long-métrage de Roman Polanski et premier film tourné en anglais, qu'il avait été scénarisé par les soins de Gérard Brach. L'auteur presque officiel du cinéaste franco-polonais puisque jusqu'à Lunes de Fiel, les deux hommes collaborèrent très souvent. Maintenant que l'erreur est réparée, revenons à l'essentiel. Et l'essentiel, c'est ce Cul-De-Sac réalisé une année seulement après Répulsion. Alors même que Polanski n'a pas encore mis la main sur celle qui interprétera le rôle féminin principal, c'est l'un des producteurs du projet qui lui conseille de confier l'interprétation du personnage de Teresa à l'actrice Françoise Dorléac. Et si vous trouvez qu'elle et Catherine Deneuve se ressemblent beaucoup, c'est parce que la première était l’aînée de la seconde. « Était », puisque celle qui n'interpréta que seize rôles au cinéma et cinq à la télévision entre les années 1960 et 1967 périt brûlée vive dans un accident de voiture alors qu'elle s’apprêtait à découvrir son dernier film, Les Demoiselles de Rochefort, traduit et doublé dans la langue de Shakespeare.

Teresa, c'est donc elle. Une jeune et jolie jeune femme, encore. Mais cette fois-ci,l'héroïne ne vit plus dans un étouffant appartement mais dans le vaste décor d'une presqu’île plantée au milieu de nulle part et accessible uniquement lorsque la mer veut bien se retirer. Une vie presque trop tranquille pour Teresa qui s'amuse de la présence de son jeune voisin tandis que ses parents à lui accaparent George, le compagnon de la jeune femme. Face à cet étrange couple que tout semble opposer, du caractère au charisme, deux bandits, qui ne deviendront plus qu'un lorsque l'un d'eux mourra de ses blessures. Dick est patibulaire, grossier, peu aimable et surtout, pressé de pouvoir quitter ce lieu de perdition (l'île de Lindisfarne dans le comté de Northumberland en Angleterre servit de lieu de tournage) où il n'y a rien à faire de mieux que de creuser des trous, boire de l'alcool frelaté, cuisiner des omelettes et surtout, humilier ses hôtes, et notamment George.

Polanski condamne d'ailleurs dès le départ ce personnage en l'habillant des vêtements de sa compagne, signifiant dès lors à l'intrus que l'hôte qu'il a en face de lui n'est qu'un pleutre. Dick, c'est l'acteur Lionel Stander que dans notre pays nous connaissons surtout parce qu'il fut le domestique de Jennifer et Jonathan Heart dans la célèbre série américaine Pour l'Amour du Risque entre 1979 et 1984. Il semblerait que l'acteur ait prolongé son interprétation au delà du scénario et même hors caméra puisqu'il fut ingérable, débarquant sur le tournage quand bon lui semblait, se comportant comme son personnage envers les membres de l'équipe. Stander poussa le vice jusqu'à frapper réellement Françoise d'Orléac lors de la fameuse scène durant laquelle elle est fouettée à coup de boucle de ceinture par l'acteur américain.

Ce qui a sensibilisé le public américain de l'époque et a donc mis un terme à la projection du film dans les salles de cinéma fut la trop grande liberté de ton de Cul-De-Sac. A le découvrir aujourd'hui, on peut encore se demander ce qui a pu contrevenir au puritanisme du public, quoique l'engouement de ce dernier ne pu être évalué si l'on tient compte du fait que le film n'a pas eu le temps de faire ses preuves en étant retiré de l'affiche après seulement quelques jours. La presse fut assassine et sur les affiches américaines trônèrent un slogan qui ne laissait aucune ambiguïté sur le sort qu'en firent les médias : « Parfois, on ne peut plus rien faire d’autre qu’en rire ». Comme si l'on devait forcément condamner le film à n'être rien d'autre qu'une œuvre grotesque, sans fond, ni forme, et ne brillant d'aucune forme d'intelligence. Et pourtant...

George, c'est le formidable acteur britannique Donald Pleasance. C'est le personnage antinomique par excellence. Face à un Dick puissant, à la voix rauque et menaçante, il apparaît bien frêle. Même face à celle qu'il aime et qu'il a pourtant beaucoup de mal à retenir dans ses filets. D'autant plus que Teresa commence à s'intéresser à Dick plus qu'à son compagnon. Cul-De-Sac est gorgé d'humour noir. De cet humour qui sans doute rendit frileux le public américain. George n'a jamais été plus qu'un jouet entre les mains de Teresa. Mais lorsque Dick débarque, elle se le représente comme l'image du mâle. A côté, George fait peine à voir. Et même lorsqu'il tente de se donner un peu plus de consistance, on n'y croit pas un seul instant. Lui non plus d'ailleurs.
Après le huis-clos, les grands espaces. Et Polanski de nous prouver qu'il maîtrise aussi parfaitement ces derniers tout comme il maîtrise ses interprètes. Peut-être pas son meilleur long-métrage (on pourra toujours discuter des goûts et des couleurs) mais assurément un excellent film...

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