Un film sur le suicide,
ça vous tente ? Pour son troisième volet de la tétralogie de
la Mort (après les deux premiers Nekromantik et juste avant
Schramm), Jörg Buttgereit s’attelle donc à nous faire
vivre les derniers instants de quelques individus pris au hasard.
Enfin, lorsque l'on parle de hasard, un doute subsiste puisque dans
l'un des sketchs on apprend qu'une curieuse société propose aux
gens de se suicider. Le cinéaste s'emploie donc à nous narrer à sa
façon, le cheminement qui pousse ces êtres communs à en finir avec
leur existence, il est vrai, plutôt sinistre.
Lundi.
A commencer par cet homme
célibataire qui, semble-t-il, est amoureux des poissons. Il en
possède un dans un bocal, l'un des murs de sa chambre arbore
fièrement un tableau recensant un certain nombre de spécimens, et
l'homme va même jusqu'à en manger (ici des sardines en boit).
Maniaque de la propreté, il semble avoir envie de quitter notre
monde en laissant derrière lui un appartement nickel. Comment un
homme peut-il en arriver à ce point d'envie de mourir et penser en
même temps à passer l'aspirateur dans son salon, laver la vaisselle
et faire propre l'évier ? Une mort clean, c'est ce qu'il a
choisi. Il se rase, se lave les dents et fait couler un bain. Il se
déshabille, enfonce ses chaussettes roulées en boule à l'intérieur
de ses chaussures puis ôte son tee-shirt, son pantalon et son slip
qu'il pose soigneusement sur une chaise. Puis il s'allonge doucement
au fond de l'eau et avale tout une série de pilule préalablement
posées sur le bord de la baignoire. Fin.
Mardi.
Un homme ouvre sa boite
aux lettres, file droit jusqu'au vidéoclub de son quartier (tenu par
Jörg Buttgereit lui-même) et hésite entre plusieurs cassettes
vidéos avant de jeter son dévolu sur Vera-L'ange Fatal De La
Gestapo. Une fois à la maison, il glisse la cassette dans le
magnétophone et visionne le contenu du film. Des scènes de torture
sur fond d'Allemagne nazie. De quoi faire perdre la tête au type qui
bute sa femme illico-presto avant de se pendre. Fin.
Mercredi.
Une jeune femme marche
sous la pluie et vient s'asseoir sur un banc. A ses côtés, un
inconnu se met alors à lui expliquer que sa femme perdait du sang
durant leurs rapports. Des propos incohérents qui viennent justifier
la manière dont il a donné un terme à leur mariage. La jeune femme
assie à ses côtés se saisit du revolver qu'elle cache dans son sac
à main. Mais lorsqu'elle tire, le coup de part pas. L'homme en
profite pour se saisir de l'arme et se placer le canon de l'arme
dans la bouche après l'avoir armée. Le coup part. Fin.
Jeudi.
Des ponts. Que des ponts.
Rien que des ponts. Que viennent légender des noms d'hommes et de
femmes. Leur profession aussi. Des inconnus que l'on comprend être
des personnes qui se sont suicidées en se jetant de ces édifices.
Fin.
Vendredi.
Une femme d'un certain
âge aperçoit en regardant par la fenêtre un jeune couple qui
s'embrasse un peu plus bas dans l'immeuble. Elle tente par tous les
moyens d'entrer en contact avec eux (en descendant frapper à leur
porte et en leur téléphonant) mais ils ont disparu. La femme se
remémore son enfance lorsqu'elle surprit ses parents faisant
l'amour. C'est alors que l'on découvre les corps des deux jeunes
adultes qui s'embrassaient tout à l'heure, gisant dans leur lit et
couverts de sang. Fin.
Samedi.
Une jeune femme s'affuble
d'une caméra et part assassiner des gens au hasard des rencontres.
Fin.
Dimanche.
Un jeune homme semble en
proie à des démons. Agité, nu et allongé dans son lit, il se
tient la tête avant de chuter au sol. Ni pouvant plus, il se traîne
jusqu'au mur où là, il se cogne le front plusieurs fois jusqu'à ce
qu'il trouve la mort. Fin.
Si l'idée de réaliser
une œuvre sur un sujet aussi sensible que le suicide pouvait sembler
bonne, l'amateurisme cher à Jörg Buttgereit donne à l'ensemble de
ce Der Todesking un arrière
goût d'inachevé. Et c'est peu de le dire puisque l'interprétation
et ce rythme toujours amorphe qu'insuffle le cinéaste gâche les
possibilités infinies qu'offre un tel sujet. Pas de gore (ou si
peu), des situations pas toujours crédibles (la lettre envoyée à
ces individus et qui les pousse au suicide), se mêlent à quelques
idées très intéressantes. Comme de faire parler
le béton de ces immenses structures que sont les ponts sans nous
montrer la moindre image choc et juste en énumérant le noms de
victimes. Ou bien encore cette bobine qui s'affole durant le discours
perturbé de l'homme assis sur la banc. Cette dernière scène est
sans doute d'ailleurs la plus saisissante du film. Chaque acte est
lié au suivant par la vision d'un cadavre qui se décompose à
vitesse accélérée.
Der Todesking n'est
pas un mauvais film mais n'est pas non plus indispensable. Beaucoup
moins lent que son précédent Nekromantik 2,
il demeure cependant encore beaucoup trop mou pour être
divertissant. Dans la courte filmographie du cinéaste, il y a comme
une évolution certaine dont l'aboutissement sera son excellent
Schramm...
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