Parce qu'elles
s'ennuient. Parce qu'elles détestent leur conditions de filles de
familles aisées. Parce qu'elles en ont assez de prêcher le bien. Et
parce qu'elles découvrent et lisent l'ouvrage d'Isidore Ducasse, Les
Chants de Maldoror, planquées sous les draps de leur lit pendant
que les autres pensionnaires de l'institution religieuse qui les
abrite dorment, Anne et Lore choisissent désormais de prêcher le
Mal...
Mais ne nous
Délivrez pas du Mal est le tout premier long-métrage du
cinéaste Joél Séria, surtout connu pour avoir mis en scène
Jean-Pierre Marielle dans le cultissime Les Galettes de Pont-Aven. Il
réalisera huit films dont cinq seront interprétés par l'actrice
Jeanne Goupil dont ce film sera le premier en tant qu'actrice. Toute
la question qui demeure ici est de savoir si son personnage et celui
de Lore (interprété par Catherine Wagener) sont véritablement
possédés par le Diable ou s'il s'agit simplement d'un jeu orchestré
par deux gamines qui s'ennuient et qui n'ont pas conscience de la
dangerosité de certains actes qu'elles commettent.
Tout commence par une
cigarette fumée en cachette dans une chambre. Rien de très grave ni
de très important en soit. Il s'agit juste du premier signe de
rébellion de la part d'Anne qui tout au long du métrage aura une
ascendance sur sa compagne de jeux. Les parents d'Anne se vouvoient
et possèdent des règles de moralités très strictes à commencer
par la prière, à l'église le dimanche. Anne et Lore se refusent à
ingérer le Corpus Christi, le Corps du Christ. Elles cachent
dans leurs affaires, les hosties servies par le curée de la paroisse
jusqu'à en obtenir une centaine. Petit à petit, le mal gagne du
terrain. Elles se mettent à voler, elles émoustillent les hommes du
village et vont même jusqu'à commettre l'irréparable.
C'est un vent de révolte
qui souffle sur Mais ne nous Délivrez pas du Mal.
Celui de deux jeunes filles parties pour s'amuser le temps de deux
mois de vacances en plein été. Elles expliquent en partie leur
comportement par le sentiment de ne pas être aimées par leurs
parents. D'ailleurs, ceux d'Anne n'acceptent-ils pas de la laisser
seule au château durant leur voyage ? Elles volent ou aguichent
ceux qu'elles méprisent. On ne sait parfois quoi trop penser. Entre
les larmes bien réelles de la jeune Anne et son côté pervers,
guidant la main de son amie totalement acquise à sa cause, les
actrices Jeanne Goupil et Catherine Wagener campent à la perfection
ces deux jeunes adolescentes, mi-anges, mi-démons. Autour d'elles,
des acteurs plutôt convaincants : Bernard Dheran, Gérard
Darrieu, Marc Dudicourt, Véronique Silver et Michel Robin pour ne
citer qu'eux.
Mais ne nous
Délivrez pas du Mal
est une belle réussite, témoin d'une époque révolue,
véritablement libérée sexuellement, du moins, beaucoup moins
hypocritement que de nos jours. La bande originale signée Dominique
Ney rappelle celle de films très innocents, à la manière d'un
David Hamilton. Pourtant, le film est parfois dérangeant. Le
contraste entre l'ingénuité des deux gamines et leurs méfaits
provoque un certain malaise. Joél Séria, pour son premier
long-métrage, signe une belle réussite qu'il confirmera à travers
quelques films à venir...
merci pour ce petit bijou
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