Shamoto est l'heureux
propriétaire d'une petite boutique spécialisée dans la vente de
poissons tropicaux. Un soi il reçoit un coup de téléphone du
gérant du supermarché du quartier. Sa fille Mitsuko vient une fois
de plus d'être attrapée pour vole à l'étalage. Accourant dans le
local du gérant en compagnie de sa deuxième épouse Taeko, c'est
grâce à un certain Murata que la jeune fille échappe aux
poursuites. En contrepartie, Shamoto accepte de confier sa fille au
bienfaiteur qui propose alors à l'adolescente de travailler dans son
magasin, lui-même consacré aux poissons exotiques. Plus encore,
Murata s'intéresse à Taeko. Puis à Shamoto qu'il décide de
prendre comme conseillé. Mais ce que s'apprêtent à vivre les
membres de cette petite famille sans histoire est insoupçonnable...
Voilà un peu plus de dix
ans que le cinéaste Sion Sono réalise des films pour le grand
écran. Il devient vite célèbre et ce, dès son tout premier
long-métrage, Suicide Club, dans lequel 54 lycéennes
se suicident. Un sujet qui forcément devait attirer la foule de
spectateurs et de critiques. Sept ans plus tard, Sion Sono réalise
donc ce Cold Fish censé s'inspirer d'un fait divers
réel que le Japon s'est empressé de taire. L'histoire vraie du
couple de plus grands tueurs en série de toute l'histoire du pays,
Sekine Gen et Hiroko Kazama, propriétaires d'une animalerie ayant
tué au moins quatre de leurs clients pour des histoires d'argent.
Cold Fish
est une œuvre un peu particulière puisqu'elle embrasse des genres
aussi divers que le thriller, la comédie noir, le drame ou bien
l'horreur dans représentation la plus graphique. Durant près de
deux heures trente on suit donc les aventures peu commune de ce père
de famille totalement soumis au bon vouloir d'un propriétaire de
magasin de poissons exotiques près à tuer pour obtenir ce qu'il
veut. Les couples de tueurs sont des sujets relativement rares sur le
grand écran. Outre les quelques adaptations centrées sur
quelques-uns des plus célèbres criminels de l'histoire (Les
Tueurs de la Lune de Miel, Carmin Profond
et Alléluia sur Raymond Fernandez et
Martha Beck ou bien Bonnie and Clyde sur Bonnie Parker
et Clyde Barrow), on a beau chercher, le Japon évite de trop
entacher son histoire en révélant au monde entier par l'entremise
du septième certains de ses travers. Sion Sono n'est pas de ces
cinéastes indépendants qui se laissent guider par le bon sens mais
par des choix personnels qui en font un réalisateur à la
filmographie désormais tout à fait honorable.
Ce que dégage Cold
Fish, c'est ce milieu modeste dans lequel vivent les membres
d'une famille dont au moins deux d'entre eux ne se reconnaissent pas
en tant que telle. Entre le père, veuf, puis remarié à une seconde
épouse que sa fille rejette au point de ne pas être en mesure de la
considérer autrement que comme une "pute" et
l'autre couple, désaxé, pervers, meurtrier, se joue un jeu dont une
seule des parties à les cartes en main.
Ce qui permet au couple
formé par les interprètes Asuka Kurosawa et Denden d'être on ne
peut plus odieux envers ce Shamoto (Mitsuru Fukikoshi) dont on finit
par ne plus accepter les humiliations dont il est victime, au point
même de n'avoir plu aucune pitié pour ce personnage incapable de se
réveiller et d'agir enfin pour le bien des siens. D'ailleurs, le
message est clair. Comme le dit si bien le meurtrier durant l'une des
scènes de tension les plus réussies, l'homme voit en l'absence de
sa fille un moyen de pouvoir enfin vivre une vraie vie de couple avec
sa nouvelle épouse. Il y a donc deux lectures possible au
comportement du père de famille.
Cold Fish
se veut plein d'humour, et pourtant, humiliation et séquestration
morale sont tellement prégnants que l'on hésite souvent à sourire.
Comme si le seul fait de glousser allait provoquer le mal qui se tapi
dans ce couple de vendeurs de poissons exotiques. On se demande
durant un temps où veut en venir le cinéaste et dans quelle mesure
le film s'inspire réellement du fait divers cité plus haut. Jusqu'à
ce que la dernière demi-heure se profile. Celle des tensions les
plus marquées. Celle de la délivrance. Un exutoire qui prendra une
forme presque inattendue, du moins, extrême dans la manière qu'à
Sion Sono de révéler la nature profonde et jusqu'ici enfouie de son
principal personnage. L'on passe alors d'une œuvre lynchienne en
toutes proportions gardées, à un climax d'une violence inouïe,
certes, mais indispensable et pour le personnage de Shamoto, et pour
le spectateur maintenu les mains attachées dans le dos et le regard
rivé sur le grand écran. Cold Fish a reçu de nombreux prix dans
différents festivals. Magistral...
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