Ingrid est aveugle. La
jeune femme reste enfermée chez elle, le seul endroit qu'elle
connaisse par cœur. Elle a beau exercer sa mémoire, les souvenirs
visuels des endroits qu'elle avait l'habitude de parcourir lui
échappent peu à peu. Alors Ingrid reste assise devant la fenêtre
du salon. Et elle imagine tout et n'importe quoi. Que Morten, son
époux, invoque des raisons diverses pour échapper à leur triste
sort en allant se réfugier dans une salle de sport. Qu'il discute
sur Internet avec de jeunes femmes en quête de rencontre.
Un soir Ingrid soupçonne
Morten d'être justement en train de parler avec l'une d'entre elles
alors même qu'ils sont au lit tous les deux. Morten affirme qu'il
est en train d'envoyer des invitations pour une inauguration qui aura
lieu le vendredi à venir, mais Ingrid imagine autre chose.
Bientôt, Morten
rencontre effectivement une autre femme dans un restaurant. Il s'agit
de Elin, jeune divorcée, mère d'une gamine, sans amis, et sans
famille. Alors que la conversation est plutôt bien engagée, Elin
perd subitement la vue. De chez elle, Ingrid semble mener la danse.
En effet, elle paraît contrôler les événements, car depuis
qu'elle a commencé à écrire sur son ordinateur portable ses
angoisses, ces dernières semblent prendre forme sous les traits de
cette nouvelle rencontre entre Morten et Elin...
Film signé par le
cinéaste norvégien Eskil Vogt, Blind a fait sensation lors du dernier festival de Sundance où il a reçu le prix du meilleur
scénario. Le film démarre pourtant sous des auspices plutôt
inquiétantes. On craint l’œuvre sociale ennuyeuse avec cette voix
off languissante qui décrit tour à tour les existences pénibles
d'une jeune femme atteinte de cécité, d'une autre délaissée par
son mari et même peu à peu par sa fille qui préfère rester "là-bas",
où se trouvent ses nouvelles petites camarades. Il y a même ce
jeune homme peu confiant en lui-même et obnubilé par les vidéos
pornographiques hardcore (propos appuyé lors de la description du
personnage par une somme d'images particulièrement crues).
Blind
révèle en réalité son potentiel au fil de l'écriture (ici au
sens propre comme au figuré). Ellen Dorrit Petersen, Henrik
Rafaelsen, Vera Vitali et Marius Kolbenstvedt font dans la retenue.
Pas de surenchère mais une interprétation qui se veut réaliste
pour un sujet qui l'est peut-être un peu moins. Ce qu'il y a
peut-être de plu astucieux dans cette œuvre du norvégien, ce sont
les faux-semblants visuels qui piègent le spectateur à maintes
reprises. On croit tout savoir à première vue sur la personnalité
de chacun et sur la voie qu'il a choisi de prendre mais il ne faut
surtout pas se fier à cette première impression. Tout ou partie
semble sortir de l'esprit plein d'imagination de Ingrid, et l'on
n'est jamais vraiment certain de ce qui sort pour partie de son imaginaire
et de ce qui se réfère à la réalité. Film sur la solitude, le
manque de confiance en soi, la recherche de l'autre et sur ce grand
vide que crée la civilisation actuelle, Blind est un
film subtil d'où une certaine intelligence d'écriture émerge pour
combler les attentes des cinéphiles les plus blasés. A voir,
assurément...
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