Vingt-quatre heure, c'est
ce qu'il aura fallut pour digérer cette Femme Publique.
En l’occurrence, Valérie Kapriski. Jeune actrice qui ne jouera en
trente ans qu'une vingtaine de rôle (L'année Des Méduses,
La Gitane). Le film
d'Andrzej Zulawski ressemble beaucoup au suivant, L'Amour
Braque, mais lui est légèrement
inférieur. La Femme Publique
est pourtant lui-même un film coup de poing. Il refroidit l’œsophage
et brûle la langue, donne des aigreurs d'estomac et la migraine. Il
en assomme beaucoup et en subjugue quelques-uns. L'histoire, simple,
est agrémentée de tellement d'épreuves visuelles et sonores qu'il
nous arrive de nous perdre dans les méandres d'un scénario pas si
léger que cela finalement. Le personnage de Lucas Kesling
(interprété par le fameux Francis Huster) pourrait bien être le
pendant fictionnel d'Andrzej Zulawski. Une façon pour le cinéaste
d'exprimer par procuration des frustrations et autres obsessions
personnelles récurrentes.
Une
œuvre adaptée du roman de Dominique Garnier mais aussi très
librement inspirée des Possédés
de Dostoïevski.
Lucas
Kesling est cinéaste et prépare son projet le plus important et le
plus ambitieux. Adapter Les Possédés de
Dostoïevski à l'écran. Et pour cela, il lui faut trouver une jeune
femme belle et talentueuse. Il jette son dévolu sur Ethel, actrice
inexpérimentée qui gagne sa vie en posant nue pour des photographes
libidineux. Valérie Kapriski, considérée comme une actrice sans
talent apparaît pourtant ici aussi naturelle qu'aurait pu l'être
Sophie Marceau si son compagnon d'alors lui avait confié le rôle
d'Ethel. Et puis, connaissant la rigueur de Zulawski, on peut
supposer que ce que l'actrice transmet à l'écran est la réplique
exacte de ce qu'à voulu le cinéaste. Si plusieurs scènes
paraissent aux yeux de certains comme interprétées avec médiocrité
par Kapriski, il ne faut pas oublier que son personnage est au départ
celui d'une actrice sans talent, avec son lot de souffrances. Perdue
entre une mère dépressive et alcoolique et un père violent qui a
quitté le cocon familial.
Alors
évidemment, si on s'amuse à la comparer aux deux hommes qui
l'entourent (et même à la majorité des seconds rôles, ce qui
pourrait nuire à son image de vedette), Valérie Kapriski a bien du
mal à se hisser à leur hauteur. Francis Huster est magistral et
Lambert Wilson extraordinaire. Ces deux hommes là se livrent un duel
permanent issu d'une profonde et ancienne blessure que l'on nomme
adultère. Lucas kesling est un monstre froid, sans véritable
émotion, qui dirige son équipe d'une main d'acier et utilise Ethel
comme bon lui semble, l’appâtant avec ce rôle tant convoité pour
lequel elle s'est présentée à un casting. Après avoir fait montre
d'un talent pourtant plus que mitigé, Kesling décide de l'engager.
Certainement plus pour son corps que pour ses capacités d'actrices.
Il tient Ethel sous son joug puisque cette dernière, ayant besoin de
gagner beaucoup d'argent et rêvant de devenir actrice (même si elle
réalise à un moment qu'elle n'est pas faite pour ce métier)
s'accroche à son rôle. Milan Mliska (Lambert Wilson) lui, est plus
nuancé, même si son comportement révèle un homme aussi fragile
que violent. Atteint de troubles psychiques graves, il rencontre la
jeune Ethel qui va alors interpréter son meilleur rôle. Celui du
double d'Elena, la compagne de Milan que Kesling et lui vont
bizarrement affirmer avoir renvoyée dans son pays d'origine, la
Tchécoslovaquie. Cette femme là, c'est aussi celle est à
l'origine de trouble qui lie les deux hommes. Une situation qui ne se
dégage pas avec l'arrivée d'Ethel puisqu'à cause d'elle, ils vont
à nouveau se battre dans un duel féroce.
Francis
Huster et Lambert Wilson composent deux personnages saisissants. Ils
s'avilissent pour les biens d'une œuvre étouffante, malsaine,
épileptique mais aussi parfois très belle et émouvante. Zulawski à
une façon bien à lui de raconter des histoires. Elles se veulent
toutes d'amour mais finissent toujours mal. Il résout une fois de
plus le caractère difficile de ces relations non par une séparation
mais par la mort. C'est peut-être la plus radicale des manières,mais
c'est aussi très certainement la seule que le cinéaste accepte de
faire vivre à ses personnages.
On notera, avec humour, que cette
solution radicale proposée par Andrzej Zulaski n'a pas crevé
l'écran puisque Sophie Marceau, qui fut longtemps sa compagne, est
toujours en vie.
Mention
spéciale pour le toujours barré mais excellent Jean-Paul Farré.
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