Il
est utopique de penser voir un jour une œuvre faire l'unanimité.
Il y aura toujours des hommes ou bien des femmes, dont la sensibilité
est pourtant parfois plus exacerbée, conspuer un film, sans même
prendre le temps de réfléchir sur les volontés exactes du
cinéaste. Dégueuler des termes neutres qui évitent tout
développement (du type: ce
film est nul à chier !)
ne semble curieusement plus l'apanage d'adolescents pré-pubères
dévoreurs de blockbusters, mais est un outil très efficace
permettant à d'autres de cracher avec virulence sur des œuvres
qu'ils n'ont probablement pas pris la peine de suivre jusqu'au bout.
Mais
il est vrai que dans le film de Mark Romanek, nous n'assisterons
jamais à une course-poursuite entre bolides ni à une invasion
d'extraterrestres belliqueux. Tout juste pourra-t-on s'étonner de
constater que ce film d'anticipation se situe dans le passé. Ceux
qui cherchent des réponses risquent évidemment de rester sur leur
faim. Ça n'est visiblement pas le propos du film que d'apporter des
solutions à la tragique histoire qui touche Kathy, Tommy et Ruth.
Pas de morale à deux balles non plus. Juste la traversée d'une
existence courte pour nos trois personnages qui finalement ne
profiteront pas vraiment du peu de temps qui leur est alloué avant
que le compte à rebours ne commence.
Une élevage en batterie pour de jeunes enfants conditionnés
Une élevage en batterie pour de jeunes enfants conditionnés
Le
scénario est assez simple en soit. Une école qui éduque de jeunes
enfants afin que chacun d'entre eux conserve des organes internes en
parfait état. A l'issue de ces années durant lesquelles beaucoup de
légendes circulent (disparitions et décès autour de l'enceinte de
l'établissement, évitant ainsi toute idée d'école buissonnière),
les tout jeunes adultes sont confiés à des accompagnants
qui les suivent jusqu'à leur stade terminal.
Leur existence et cet acharnement à faire d'eux des être à
l'hygiène de vie irréprochable n'a qu'un but: récupérer leurs
organes afin d'en faire profiter à d'autres. Sont d'ailleurs
considérés Kathy, Tommy et Ruth comme des être non pourvus d'âmes.
C'est pour cette unique raison que la Galerie
prélève parmi les meilleurs élèves, les meilleures créations
artistiques. Afin d'évaluer non pas l'état de leur âme mais pour
juger si ou ou non ils en ont seulement une.
Carey
Mulligan campe avec pudeur le rôle de Kathy. Une interprétation
toute en finesse et émotion. Une émotion qui passe parfois
simplement par le regard. Tommy (Andrew Garfield), lui, est un être
profondément fragile qui peut parfois se montrer violent envers
lui-même. Ruth (Keira Knightley) est tout d'abord la peste du trio.
Celle qui par jalousie vole l'amour naissant entre Kathy et Tommy. Un
amour qui nous saute aux yeux dès le début mais pour lequel on ne
peut rien. Il suffirait d'un mot de la part de Kathy. Ou bien même
de Tommy. Mais non, c'est l'éternel désespoir qui prend le dessus.
Et plus les années passent, plus les visages murissent, et plus on
se dit que tout espoir est vain.
On aurait imaginé pourtant des
êtres pleins de vie, de rêves et d'une envie de tout bousculer sur
leur passage. Mais on a l'impression qu'au contraire, ils s'enlisent.
Même quand l'expectative d'un sursis de quelques années se profile,
ils n'y songent pas dès le départ. Charlotte Rampling campe une directrice
d'établissement froide et faussement maternelle mais la dernière
vision que l'on a de son personnage est (espérons-le) celle d'une
femme qui réalise enfin toute l'effroyable horreur à laquelle elle
a participé durant tant d'années.
Une œuvre bouleversante, interprétée par de jeunes acteurs de talent
Le
rythme du film est lent, ce qui ajoute au poids déjà très lourd du
propos. Et que dire de la musique de Paul Watkins et que certains
jugent trop répétitive. Elle est merveilleuse, bouleversante et
magnifie les moments forts de Never
Let Me Go.
Adam Kimmel contribue à la beauté stupéfiante de certains
paysages. Certains décors anecdotiques comme les quelques plans vus
dans la demeure de Madame Marie-Claude se meuvent comme des peintures
vivantes. Tout semble avoir été construit
de manière à donner à l'ensemble une remarquable harmonie.
Never
Let Me Go est
donc un film à découvrir, mais aussi à partager.
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