Drôle de film que
Perpetrator,
cinquième long-métrage de la réalisatrice et scénariste
américaine Jennifer Reeder et second qui sous ce format explore le
cinéma d'horreur. Une œuvre politique et fantastique (au sens
cinématographique) qui tente de se raccrocher au wagon du féminisme
et du mouvement #Me Too d'une manière fort inhabituelle puisque la
cinéaste le fait en nous perdant dans les méandres d'un script et
d'une mise en scène très souvent opaques. L'exploration du corps
féminin et de ses mutations qui interviennent à l'adolescence. On
pourrait presque citer David Cronenberg dans cette entreprise fort
louable mais souvent maladroite mais la comparaison risque de faire
davantage de mal que de bien à Jennifer Reeder et à son œuvre.
Pourtant habituée à tenir une caméra puisqu'elle fut avant cela à
l'origine non seulement de quatre autres longs-métrages mais aussi
d'une cinquantaine de courts, la réalisatrice est diplômée des
Beaux-Arts de l’Art
Institute
de Chicago. Au vu du contexte de Perpetrator
l'on ne s'étonnera pas d'apprendre qu'en outre, Jennifer Reeder est
à l'origine du Tracers
Book Club
qui est un groupe de défense des droits des femmes! Son dernier
long-métrage transpire littéralement cet esprit féministe en
octroyant tout d'abord les principaux rôles à des actrices. Leurs
pendants masculins étant quant à eux relégués soit au second
plan, soit en étant considérés comme des verrues forcément
malintentionnées. Le contexte du long-métrage et la forme qu'il
prend très souvent crée un décalage entre ce que peut attendre un
public avide de slashers en mode Teen
Movie
et ceux qui aiment à explorer des univers inhabituels qui les
contraint généralement à une grande réflexion. C'est ainsi que
l'on évoquera parfois mais avec toute la mesure qui s'impose, le
cinéma d'un autre David. Celui de Lost Highway,
de Mullholand Drive
ou encore davantage de Twin Peaks : Fire
Walk With Me.
Le bien nommé David Lynch. Toutes proportions gardées bien entendu
puisque la maîtrise formelle de cet immense artiste malheureusement
disparu en début d'année ne se reconnaît pas toujours dans le
travail de Jennifer Reeder qui même si elle produit une œuvre qui
souvent interroge autant qu'elle laisse perplexe, semble avoir manqué
d'esprit de ''partage'' en se laissant enfermée dans un concept dont
elle n'offre qu'une toute petite partie de la résolution...
Une
approche cependant louable et qui témoigne en contrepartie d'un
profond respect pour son public en ne cherchant pas à lui tendre une
liste exhaustive consistant en la résolution intégrale de
l'intrigue ! Ce sera donc à nous, pauvres pécheurs (ceux de
sexe masculin, s'entend), de tendre à explorer l'univers féministe
et anti-patriarcal de la cinéaste à travers le portrait de Jonny
(Kiah McKirnan) qui en venant s'installer chez sa tante Hildie
(Alicia Silverstone) découvre qu'elle possède une singularité
génétique qui va lui permettre de combattre ces bons vieux hommes
qui forcément incarnent ici les antagonistes du récit. Car pour
Jennifer Reeder, c'est du moins dans le cas de Perpetrator,
un fait : tous les hommes sont des pourris. À différents
degrés bien entendu. Du père violent et jusqu'à l'extrême limite
voulant que la violence aille jusqu'à l'enlèvement, la
séquestration et la mort. La réalisatrice et scénariste est
maline. En effet, celle-ci tente de cacher la trop grande simplicité
et le manque de développement de son scénario. Car ôtés tous les
éléments ''surnaturels'' et cette chape de plomb qui à juste titre
''plombe'' inutilement le récit, que reste-t-il de Perpetrator ?
En réalité, pas grand chose. Un concept trop fluet pour
véritablement marquer l'esprit des amateurs et le genre en question.
Alors qu'en ajoutant des couches successives de sous-entendus
prétextant plus ou moins ouvertement et plus ou moins clairement que
l'homme est toxique et donc un poison pour la femme à travers des
''idéogrammes'' visuels et conceptuels intellectuellement flous,
Jennifer Reeder donne l'impression d'avoir créé une œuvre dense,
fougueuse et déchaînée alors qu'elle ne ressemble en réalité à
rien d'autre qu'un Teen Movie auquel l'on aurait abusivement collé
l'étiquette d'expérience sensorielle ultime. À dire vrai, le film
relance surtout un intérêt certain pour une œuvre qui douze ans en
arrière marqua de manière beaucoup plus tranchée et positive
l'esprit de ceux qui la découvrirent à l'époque : Under
the Skin de
Jonathan Glazer. Car si le cadre n'est plus le même le réalisateur
jetait un regard sur la prédation masculine dans un contexte très
particulier mais autrement plus maîtrisé. Bref, l'expérience
Perpetrator
risque d'en dérouter plus d'un et d'en abandonner une grande partie
sur le bord de la route...
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