Après le très curieux
Ganja & Heiss
de Bill Gunn à la suite duquel j'eus l'impression d'avoir fumé un
huit feuilles (Mouarf!), je continue sur ma lancée avec une œuvre
appartenant également au courant Blaxploitation.
Bien moins tordu, mais possédant un titre qui pourrait laisser
envisager qu'il appartienne à cette même frange de longs-métrages
pittoresques, The Candy Tangerine Man
de Matt Cimber n'est peut-être pas le plus fameux d'entre tous mais
il représente à merveille ce courant de films qui à l'époque
mettaient en avant les acteurs afro-américains tout en étant très
exactement l'inverse de l'image que véhiculent les films de
Blaxploitation
actuels ! Je m'explique. Alors que de nos jours l'homme noir est
majoritairement représenté sous son meilleur jour, contrairement
aux blancs dont il est devenu une habitude de les transformer en
antagonistes, à l'époque, il était parfois moins important aux
yeux des cinéastes afro-américains de faire de leurs ''semblables''
des hommes bons plutôt que mauvais. L'essentiel étant surtout de
les mettre en avant, dans les rôles principaux, qu'ils incarnent ou
non un héros valeureux plutôt qu'un malfrat. C'est donc avec un
certain intérêt que l'on se penchera sur The
Candy Tangerine Man,
œuvre parfois et même très souvent impertinente, voire audacieuse
dans laquelle le personnage principal n'est pas un individu dont les
valeurs s'avèrent toujours irréprochables. Acteur ayant consacré
sa courte carrière au cinéma de Blaxploitation
(neuf longs-métrages, pas un de plus), John Daniels incarne à
l'écran le rôle du Baron Noir. Un proxénète au look stéréotypé.
Des pieds à la tête, doté de costumes plus ou moins bariolés,
d'une épaisse paire de lunettes et d'un chapeau aux larges bord, le
Baron se promène à bord d'une superbe Bentley
R-Type de
1954 bicolore. L'homme règne sur le Los Angeles nocturne et a la
main mise sur le réseau de prostitution. Mais l'existence d'un
maquereau n'étant pas toujours de tout repos, son principal
concurrent Vincent Di Nunzio (Mikel Angel) tente de mettre la main
sur certaines de ses filles et ainsi prendre une position majeure
dans le monde du proxénétisme. Le Baron noir ne travaille pas seul
et peut compter sur le soutien de Bella (Marva Farmer). À contrario,
il doit se méfier de deux flics (blancs et corrompus) qui cherchent
à le coincer. John Daniels incarne donc un individu peu en accord
avec ce que l'on imagine être le protagoniste d'un long-métrage.
Et
pourtant, ce type au look caricatural devient étonnamment
''attachant'' au fil du récit. Loin de représenter l'image du
salaud dont l'unique objectif est d'envoyer des filles faire la
retape sur les trottoirs de Los Angeles, il lui arrive parfois
d'avoir une véritable conscience morale. On pense notamment au
personnage de Heather, jeune prostituée en devenir qui sous le joug
de Vincent Di Nunzio et sans l'intervention du Baron s'apprêtait à
rejoindre la cohorte de prostituées qui vendent leurs charmes en
échange de quelques centaines de billets verts. Détail amusant,
l'actrice qui endosse le rôle de cette toute jeune femme dont on
doute alors de sa majorité est Feng Lan Linn. Une interprète dont
on sait peu de chose puisque ce sera son seul rôle à l'écran. Mais
alors que son nom et son visage ne laissent aucun doute quant à ses
origines asiatiques, allez savoir pour quoi mais le scénariste Mikel
Angel a préféré lui faire endosser le rôle d'une jeune
amérindienne ! Sans doute le look sous lequel elle apparaît
pour la première fois à l'écran justifie-t-il cette anecdotique
''distraction''... Entre fusillades, bagarres et légères effusions
de sang (dont un main broyée), The
Candy Tangerine Man
peut compter sur une bande-son plutôt sympathique et typique du
genre composée par Smoke dont la bande originale du film sera le
seul fait d'arme. L'un des intérêts majeurs du long-métrage de
Matt Cimber est le double rôle qu'interprète John Daniels. En
effet, l'homme est non seulement décrit comme un proxénète mais
aussi, de jour, comme un époux aimant, père de deux enfants et dont
la femme ne se doute pas du métier qu'il exerce. Malheureusement,
cet aspect du script est majoritairement relégué au second plan et
c'est bien le Baron Noir et non pas Ron Lewis de son vrai nom qui
intéresse en priorité le scénariste et le réalisateur. Peu ou pas
connu, The Candy Tangerine Man
n'est pas exempt de défauts. L'interprétation est très souvent
médiocre. Certains personnages agissent de manière effectivement
mollassonne quand d'autres, au contraire, en font trop. Le film n'en
est pas moins un témoignage intéressant d'une époque révolue,
appuyé par un grain, une colorimétrie et des parasites visuels qui
participent du charme de cette bobine vieille d'un demi-siècle...
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