Quelque chose est tombé
du ciel et le monde a changé. Voici comment l'on pourrait résumer
l'avant-dernier long-métrage du réalisateur originaire de Buenos
Aires, Matías Xavier Rispau. Une œuvre dans laquelle est plongé un
homme aux cœurs des ténèbres et les spectateurs en plein
brouillard... scénaristico-esthétique! Que le film soit fameux ou
fumeux, le sens artistique de son auteur reste indéniable. Avec son
titre à rallonge mais néanmoins poétique, Me Encontrarás en
lo Profundo del Abismo
renvoie à ces bobines horrifiques signées du réalisateur brésilien
José Mojica Marins dans les années soixante, telles À
minuit, je posséderai ton âme
(À Meia-Noite Levarei Sua Alma)
et Cette nuit, je m'incarnerai dans ton cadavre
(Esta Noite Encarnarei no Teu Cadáver)
ou
encore à cette myriade de Gialli qui virent notamment le jour dans
les années soixante-dix, à l'image de Un
papillon aux ailes ensanglantées
(Una Farfalla con la ali Insanguinate)
de Duccio Tessari, La Tarentule au ventre noir
(La Tarantola dal Ventre Nero)
de Paolo Cavara, Ton vice est une chambre close
dont moi seul ai la clef
(Il tuo Vizio è una Stanza Chiusa e Solo io ne
ho la Chiave)
de Sergio Martino ou encore Chats rouges dans un
labyrinthe de verre
(Gatti Rossi in un Labirinto di Vetro)
d'Umberto Lenzi. Des longs-métrages aux qualités à géométrie
variable qui n'ont de toute manière aucun rapport avec le sujet qui
nous intéresse ici autrement que pour la beauté de leur titre !
L'on est en revanche plus proches d'univers tels que décrits par
exemple dans The Monster
de Bryan Bertino, Splinter
de Toby Wilkins, Reeker
de Fave Payne et plus encore de Vanishing on 7th
Street
de Brad Anderson avec lequel il partage cette impression de fin du
monde inexorablement construite autour d'une obscurité galopante.
Me Encontrarás en lo Profundo del Abismo
partage avec ces derniers cette quasi absence d'explication quant aux
origines du mal même si durant tout le récit et notamment lors des
derniers plans, l'on comprend ce qui s'est abattu à la surface de
notre planète. Une civilisation extraterrestre apparemment de type
reptilien. Des créatures hostiles renvoyant à leur tour vers nombre
de longs-métrages et de séries avec, sans doute en première ligne,
La Guerre des
mondes et
ses diverses adaptations cinématographiques et télévisuelles. Dans
un monde recouvert d'une opaque obscurité seulement éclairée par
la lampe-torche du héros incarné par Martín Rispau, la pluie
tombe sans répit.
Alors
que le ciel s'illumine parfois de couleurs orangées signifiant la
présence d'une intelligence venue d'une autre planète à laquelle
tente de s'opposer l'armée, Bannon essaie de survivre au milieu d'un
véritable champ de ruines dont seules les conséquences sont
visibles tandis que les causes demeureront remisées au placard. Une
habitude qui au sein de ce récit écrit par le réalisateur lui-même
ainsi que par Boris C.Q., va se généraliser, Matías Xavier
Rispau préférant laisser certaines questions en suspens jusqu'à la
fin. Si l'on devine rapidement que la voix qui ressort des
enregistrements audio que le héros se passe en boucle est celle de
sa femme et que l'enfant qui trône sur une série de vidéos
enregistrées sur son Smartphone est le leur, on n'en saura pas
davantage sur ses proches. Matías Xavier Rispau fait planer le doute
quant à l'origine de ces fichiers. Sont-ils récents ou Bannon les
conserve-t-il en souvenir d'un passé lointain précédant un drame
qui l'aurait définitivement séparé de ceux qu'il aime ?
Certains éléments semblent cependant témoigner du fait que ceux-ci
seraient récents. Comme ces quelques paroles que l'on entend et qui
semblent se référer au drame qui est en train de se jouer dans la
région. Me Encontrarás en lo Profundo del
Abismo est
une œuvre profondément Lovecraftienne
en ce sens où durant une bonne partie de l'intrigue, les créatures
demeurent pratiquement invisibles. Le réalisateur se jouant de l'une
des thématiques propres au romancier américain : L'Indicible.
Si à deux ou trois occasions le réalisateur permet au spectateur et
au héros de les dévisager, l'on retiendra avant tout ce passage
lors duquel, Bannon, planqué sous des vêtements, voit s'approcher
de lui l'une de ces créatures. L'effet, tout en obscurité et en
images floutées, s'avère redoutablement efficace. Cherchant à
rejoindre sa voiture après avoir mis la main sur une nouvelle
batterie et par la même occasion, à rencontrer Demian (Germán
Baudino), un inconnu avec lequel il communique depuis plusieurs
heures par Talkie-walkie, la traversée de Bannon dans cet univers
étouffant et lugubre s'avère un poil longuet. On aurait aimé que
le scénario soit resserré afin d'éviter les quelques problèmes de
redondance qui l'émaillent. Parfois visuellement superbe et doté
d'effets-spéciaux discrets mais réussis, Me
Encontrarás en lo Profundo del Abismo
est également parcouru de séquences relativement ambiguës qui
questionnent parfois sur la réalité de certains événements qui se
produisent. Au final, ce mélange entre survival, fantastique,
horreur et science-fiction post-apocalyptique est plutôt
satisfaisant et donne envie de découvrir les autres travaux du
réalisateur argentin...
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