Ogre : (nom
masculin) Géant des contes de fées qui, selon la tradition, se
nourrit de la chair fraîche des enfants. (Larousse). Quel nom
que celui de cette effrayante créature, détérioration du latin
Orcus signifiant le nom d'une
divinité infernale, pourrait-il le mieux définir le contexte de ce
premier long-métrage cinématographique signé du réalisateur
français Arnaud Malherbe ? Ce monstre dévoreur de chair
humaine tant redouté par notre jeune héros Jules interprété par
l'acteur Giovanni Pucci. Plus qu'un film fantastique, d'horreur ou
d'épouvante, Ogre
est avant tout un conte sinistre et dramatique situant son action
dans la campagne française. Au cœur d'un village dans lequel le
réalisateur et scénariste installe un climat de tension et
d'angoisse depuis qu'ont été découverts le cadavre d'un enfant et
ceux de plusieurs bêtes dévorées. C'est là que viennent
s'installer la nouvelle institutrice Chloé (l'actrice Ana Girardot)
et son fils Jules. Ce dernier souffre de problèmes d'audition et
porte un appareil auditif générant les moqueries de ses nouveaux
petits camarades. Moins anodine qu'elle ne semble l'être, l'intrigue
repose sur toute une série de sous-entendus dont la mère et son
enfant sont les premières victimes. Car derrière ce titre ne se
cache pas simplement la créature qui se tapit dans l'ombre et dévore
les vivants lorsque vient la nuit mais aussi et peut-être surtout le
drame de deux êtres qui ont choisi de fuir la violence d'un père et
d'un époux. Une reconstruction délicate dans un contexte moribond.
Arnaud Malherbe se fait le porte-drapeau de cette enfance incomprise,
considérée d'affabulatrice lorsque est évoquée la présence d'un
monstre entre les murs de la nouvelle maison de Chloé et de Jules.
Drame horrifique intense, Ogre
est tout autant le témoignage de malheurs comme il en existe tant
(la perte d'un enfant, la violence d'un homme envers son épouse) que
de l'incompréhension et l'inquiétude d'une mère envers son enfant
lorsque celui-ci tente de la convaincre d'une présence indicible...
Accompagnant
nos deux principaux interprètes, toute une galerie de personnages
imprègne l’œuvre d'une atmosphère sinistre et anxiogène. La
superbe photographie nocturne de Pénélope Pourriat et l'envoûtante
autant que sublime partition musicale de Flemming Nordkrog
participent de cette angoisse qui sourde quand vient la nuit. Filmant
généralement son œuvre à hauteur d'enfant, le réalisateur capte
l'essence même de ses peurs les plus enfouies. Car si longtemps
encore Chloé pourra se demander si l'angoisse qui étreigne son fils
n'est pas directement liée à la peur de voir surgir en Mathieu
(l'acteur Samuel Jouy) l'image du père tant redouté, pour l'enfant,
il ne fait aucun doute que le nouveau compagnon de sa mère n'est
autre que le monstre sur lequel trois chasseurs (dont le père du
jeune Jérémie dont le corps à supposément été découvert dans
un lac) tentent de mettre la main. Arnaud Malherbe capte la rudesse
de la campagne à travers certains portraits. Tourné il y a deux
ans alors que la pandémie de Covid-19
allait provoquer un confinement de la population, Ogre
a bénéficié de décors situés dans le Morvan. Le tout jeune
Giovanni Pucci convainc assez facilement dans le rôle de Jules.
L'idée même de l'avoir affublé d'un handicap sensoriel permet à
certaines séquences d'être particulièrement angoissantes lorsque
d'autres signifient un repli sur lui-même. Étant visiblement moins
attiré par la violence graphique que par la subjectivité, Arnaud
Malherbe distille quelques visions horrifiques qui par leur rareté
et l'ingéniosité du cadre s'avèrent particulièrement
convaincantes. Ogre prouve
qu'il n'est nul besoin d'aller chercher très loin pour ressentir le
grand frisson même si dans le cas présent, le long-métrage
s'impose tout d'abord comme un drame plutôt que comme un authentique
film d'épouvante. Surtout, le réalisateur et scénariste démontre
que la sobriété vaut parfois mieux qu'un étalage de boucheries et
des hectolitres de sang. Ogre
est donc l'une des bonnes surprises de cette année 2022 et démontre
que même en France certains cinéastes sont capables de rivaliser
avec le cinéma venu d'ailleurs...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire