Image dégueulasse, sans
artifices. Filmées en 35mm, caméra à l'épaule. Lumière
naturelle, scènes improvisées. Pour son second long-métrage, le
cinéaste américain Harmony Korine s'impose les limites édictée
par le Dogme95 créé par Lars von Trier et Thomas Vinterberg. Des
contraintes artistiques drastiques opposant un style cru et réaliste
totalement contraire de l'approche outrancière des superproductions
anglo-saxonnes. Le style peut agacer mais bon sang, que Julien
Donkey-Boy est réjouissant. Harmony Korine n'a pourtant pas
eu d'effort particulier à fournir pour se plier aux exigences du
Dogme95 puisqu'il ne fait qu'affiner une attitude qu'il peaufinait
déjà deux ans auparavant avec son premier effort, Gummo.
Du désordre ayant découlé d'une catastrophe dont ses héros ne
parvinrent pas à se remettre plus de vingt ans plus tôt, cette
fois-ci, le cinéaste s'intéresse au cadre plus étriqué d'une
cellule familiale qui ne se jamais remis de la mort de l'un de ses
membres. Ici, la mère, qui après avoir donné naissance au petit
dernier maintenant âgé d'une quinzaine d'années, est morte à
l’hôpital. Laissant ainsi derrière elle un époux, que le génial
cinéaste allemand Werner Herzog incarne avec beaucoup d'humilité et
de retenue. Un être fragile, dépressif et atteint de trouble
affectifs très étranges. Face à lui, une fille et deux fils. Pearl
(l'actrice
Chloë Sevigny) est enceinte.
Refusant de donner le nom du père de son futur enfant lors d'une
échographie de routine (Harmony Korine laissant envisager le pire
concernant l'identité de celui-ci lors de l'un des nombreux passages
constitués d'une succession de photographies), la jeune femme est
particulièrement proche de son frère Julien. Chris, lui, demeure
totalement obnubilé par son sport favori, la lutte. Compétiteur né,
il passe son temps à s'entraîner tout en supportant les
interminables quolibets de son père. Tout laisse supposer que le
conflit qui les oppose découle de la mort de la mère durant
l'accouchement de Chris.
Julien, lui, est schizophrène. Porté par sa sœur qui lui voue un
attachement sans égal, le jeune garçon fréquente une institution
pour aveugles et consacre une partie de son temps à Dieu. Perdu dans
ses pensées, Julien est un être solitaire qui divague et tient des
propos souvent incohérents. Afin d'incarner ce rôle délicat,
Harmony Korine fait appel à l'acteur britannique
Ewen
Bremner. Celui qui se fit connaître grâce au Trainspotting
de Danny Boyle trois ans plus tôt ne fait pas qu'interpréter le
rôle-titre. Il ne fait d'ailleurs pas que l'incarner : il EST
Julien. Totalement habité par son personnage, il faut presque
obligatoirement connaître Ewen Bremner l'acteur pour imaginer un
seul moment qu'il puisse s'agir d'un véritable acteur et pas
seulement d'un individu atteint de schizophrénie que le cinéaste
aurait rencontré et engagé sur le tournage de son second
long-métrage.
De
bout en bout, Julien Donkey-Boy
véhicule
une émotion sans égale. Du malaise que la rencontre avec des êtres
différents pourrait générer chez certains d'entre nous jusqu'à
l'admirable interprétation de son principal interprète, le film
d'Harmony Korine porte en lui une poésie naïve et troublante et
les germes d'un cinéma-vérité sans concessions. Sorti des
contingences esthétiques de la majorité des productions actuelles,
il n'en surgit alors que l'essentiel : La substantielle moelle
de ce qui fait de certains GRANDS films, des CHEFS-D’ŒUVRE
intemporels. Julien
Donkey-Boy est
l'exemple même du long-métrage que l'on rejette en bloque ou que
l'on honore des superlatifs les plus élogieux. On ne peut toutefois
demeurer insensible devant la tragédie qui touche cette famille
d'américains moyens auquel le cinéaste rend un hommage beau et
cinglant à la fois...




Ce nom me disant quelque chose, je suis allé vérifier : il a écrit les paroles de la chanson "Harm of will" de Björk (que je n'écoute plus), sur l'album "Vespertine".
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