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lundi 30 janvier 2012

Le Cycle de la Chair et de L'esprit: Cronenberg en 3 films: Faux-Semblants (1988), Le Festin Nu (1991), Crash (1996)



Si j'ai choisi d'aborder dans cet article l'œuvre de David Cronenberg à travers ces trois films, c'est parce que ce cinéaste originaire de Toronto au Canada a su passer de l'horreur viscérale de ses premières réalisations à des œuvres psychologiquement plus profondes et marquantes que les précédentes.


Crash:

Crash n'est définitivement pas un film comme les autres et d'ailleurs, on n'en attendait pas moins de David Cronenberg, réalisateur des viscéraux "Rage" et "Chromosome 3". Dans un univers "Lynchien" il nous promène sur une route dont l' issue est l' orgasme dont la chair à elle seule est incapable de subvenir. Symbole de l'avancée technologique, la voiture devient le récipient, l' objet de fantasme dans lequel se plongent corps et âmes des individus apparemment irréprochables si ce n'est la déviance sexuelle dont ils sont les victimes.

Il y a d' abord ce couple, formé par Catherine et James Ballard, et dont la sexualité semble connaître quelques dératés jusqu'au jour où ce dernier provoque malgré lui un accident qui l'amènera à faire  connaissance avec Helen Remington. Cette dernière, accidentée, fera découvrir à James une toute autre conception du sexe que celle que connaissent la majeure partie d'entre nous. Le froid du métal devient un élément important dans la sexualité du couple Catherine-James. Ils deviendront familiers de personnages souvent énigmatiques mais tous unis dans un même désir de connaître l'extase à travers de violents accidents de la route. Il y a par exemple ce personnage étrange, Vaughan, totalement obsédé par la mort et grand spécialiste des reconstitutions basées sur des accidents de voitures célèbres tel que celui qui emporta James Dean. Tel un gourou, il va initier James aux plaisirs mais aussi aux dangers de sa morbide déviance. Vaughan semble vouloir pousser son obsession au delà de la raison, et ce, sans aucune forme de respect pour son prochain. Les chairs se déforment, fusionnent avec le métal et l' orgasme revêt une nouvelle forme et est sublimé par le rugissement des carrosseries qui s' enchevêtrent pour finir par être jetées comme de vulgaires Kleenex, leur arrivant parfois de tenir, fumantes et désincarnées, de lieux de débauche...


Crash" parviendra-t-il à renouer David Cronenberg avec ses détracteurs? Pas sûr tant le sujet et son traitement semblent le vouer à l' échec commercial. D' ailleurs beaucoup n' y ont pas adhéré, même parmi certains de ses plus fervents admirateurs. Mais il faut avouer que le cinéaste n' a pas son pareil pour remuer les consciences, même les plus hermétiques, à travers le cheminement de protagonistes en perdition et en recherche d' identité sexuelle. La mise en scène épurée et l' absence totale de scénario ne font pourtant pas de "Crash" un petit film vite vu et vite oublié. Il faudra sans doute pour beaucoup se forcer à "subir" le temps d' une grosse heure et demi l' errance infligée par le cinéaste à ses acteurs (tous excellents) qui se donnent corps et âme dans cette œuvre que l' on pourrait sans risque juger de poétique.

Et pourquoi ne pas ranger "Crash" dans la même catégorie qu'un autre film, considéré comme la référence ultime en matière de Cyberpunk: "Tetsuo" de Shinya Tsukamoto, sorti huit ans plus tôt et qui traitait déjà des dégâts provoqués par le métal sur la chair?


Faux-Semblants:

Cette œuvre magnifique, l'une des plus fortes émotionnellement dans la filmographie de Cronenberg, c'est le portrait de deux frères qui depuis leur plus jeune âge ont toujours tout partagé. Deux frères jumeaux que rien ne différencie si ce n'est leurs caractères respectifs. Brillants gynécologues, Beverly et Elliot Mantle partagent absolument tout, allant même jusqu'à se "prêter" leurs conquêtes féminines. Elliot, lui, est plutôt un mondain. Il côtoie la jet-set et semble très à l'aise en société. Beverly est plus discret, introverti même, et reste chez eux à remplir des documents administratifs et étudie de nouvelles améliorations qui pourraient leur être profitables dans leur profession. Vis à vis des femme, ce dernier semble être très mal à l'aise et le jeu auquel il se prête avec son frère lorsque celui-ci partage avec lui les femmes qui passent dans son lit lui donne l'occasion parfois de fréquenter le beau sexe.

Un jour, l'actrice Claire Niveau (interprétée par Geneviève Bujold) entre dans le cabinet d'Elliot pour une simple consultation et alors ce dernier découvre chez elle une particularité génétique (Claire possède un triple utérus). Elliot s'empresse d'en parler à son frère qui ne semble pas s'intéresser plus que ça au cas de la patiente. Comme à son habitude, Elliot fini dans les bras de Claire Niveau et propose à Beverly de se faire passer pour lui et d'en profiter à son tour. C'est à partir de ce moment là, que l'engrenage si bien huilé des deux frères connaît des dératés. Beverly, qui sous l'influence permanente de son frère ne jure que par lui, tombe amoureux de Claire qui ne se doute toujours pas de l'existence de jumeaux. Elle fini par aimer Beverly qu'elle sent fragile alors qu'Elliot, sentant le vent tourner à son désavantage essaie de persuader que Claire n'est dans la vie de Beverly que par intérêt personnel.
Lentement, mais sûrement, Beverly se détache de l'emprise de son frère, et alors qu'il semble enfin pouvoir voler de ses propres ailes, c'est à ce moment là que Claire part pour un tournage long de dix semaines. Beverly plonge alors dans une souffrance psychologique insurmontable et son frère parallèlement à ça, et que l'on pensait froid et rigide, se révèle humain tout en restant déséquilibré.....

Alors pour Beverly et Elliot débute une lente descente aux enfers.......


David Cronenberg, plus connu pour ses films fantastiques fantasmagoriques mêlant psychologie et horreurs génétiques (Rage, Frissons, Chromosome 3, etc...) surprends avec ce film magnifique sur l'âme humaine et les dérives que peut entraîner l'intrusion d'une tiers personne dans la vie bien réglée d'un couple de jumeaux. On suit avec curiosité les troubles insidieux qui s' opèrent au fil de ces deux heures de projection lors desquelles on partage avec Elliot et Beverly (tout deux interprétés par l'impressionnant Jeremy Irons) leur lente agonie. Le film, de façon admirable nous fait découvrir ce que l'âme humaine est capable de supporter mais aussi ses limites. Le film est complexe mais reste tout de même facile à comprendre. Il demande simplement un temps de réflexion qu'il serait dommage de lui refuser tant la mise en scène, la musique et le jeu des acteurs sont époustouflants.

Le Festin Nu:

L'intrigue se situe à New-York en 1953. William Lee, le héros, est exterminateur de cafards. C'est à l'aide d'une poudre jaune particulièrement efficace qu'il décime ainsi des populations entières de blattes chez les particuliers. Alors qu'il vient de s'apercevoir que sa réserve d'insecticide est épuisée, il est persuadé que quelqu'un lui a volé afin de lui nuire. Un ami lui conseille d'écrire, ce qui lui permettrait de gagner plus d'argent qu'en tant qu'exterminateur d'insectes. William lui réponds alors qu'il a arrêté d'écrire à l'âge de dix ans. Trop dangereux pour lui l'écriture.

Marié à Joan, il réalise un jour en rentrant chez lui et en la surprenant en train de se "shooter" à l'aide de la fameuse poudre jaune, qu'elle est peut-être responsable de la disparition de cette dernière. Dans le bar où ses collègues de travail et lui se retrouvent après le travail, il est accosté par deux hommes, des policiers, convaincus qu'ils use de la poudre comme d'une drogue. C'est derniers l'emmènent au poste de police. Alors que William nie les faits, les deux flics tentent une expérience devant lui, persuadés que la substance peut être assimilée à une drogue, en sortant d'une boite en carton une étrange créature, sorte de monstrueux cafard géant, et en le posant sur un tapis de poudre. Les deux hommes laissent alors la bête en compagnie de William seul dans la pièce.

Contre toute attente, la créature se met à parler d'une voix nasillarde et assure à William que c'est elle qui a organisé cette rencontre. Elle affirme à l'homme impassible qu'il travaille pour elle, qu'il est son agent. Elle affirme aussi que sa femme Joan n'est pas vraiment sa femme. Qu'elle n'est peut-être même pas humaine et qu'elle travaille tout comme lui pour " l'interzone", sorte de refuge situé en Afrique dans lequel on croise les laissés pour comptes de l'humanité, et qu'il doit la tuer.

Alors qu'il rentre d'un rendez-vous chez un médecin lui ayant prescrit un médicament censé le guérir de la dépendance à la poudre jaune dont il est victime, il trouve sa femme au lit avec l'un de ses amis. C'est alors que survient le drame. Alors que Joan et lui jouent à Guillaume Tell, elle, un verre au dessus de la tête et lui l'arme au poing, William la tue accidentellement.
Accoudé à un bar, il retrouve la créature précédemment rencontrée au poste de police mais sous une autre forme et qui lui conseille de quitter New-York dans l'urgence afin de se rendre dans le seul lieu approprié à cet homme: l'interzone...


La première partie du film de David Cronenberg se clôt sur un New-York rétro et l'on pénètre alors dans ce que l'on comprends être une zone de non retour pour les reclus de la société. On discerne  une certaine analogie entre le métier de Lee, la poudre utilisée pour exterminer les cafards et la dépendances aux drogues dures. On voit dans cette poudre jaune que certains s'envoient dans les veines une similitude avec la cocaïne, substance très prisée par les amateurs de drogues dures. On pense d'une manière générale que le rôle d'exterminateur de William est en réalité celui des dealers qui approvisionnent leurs clients toxicomanes en divers produits stupéfiants, William tombant lui-même dans un tourbillon hallucinatoire lors de son périple en Afrique. Le meurtre de sa femme qui en réalité est un accident est peut-être la cause de sa dépendance. A moins qu'il ne s'agisse de l'homosexualité qui chez lui s'est développée très tard. Pourtant l'on apprends qu'elle est chez lui ainsi que dans sa famille, et ce depuis longtemps, une tare dont il est difficile de se débarrasser.
Dans la seconde partie du film, on retrouve la plupart des personnages qui entouraient William Lee à New-York et même une Joan différente et mariée à un vieil écrivain excentrique dont il ne tardera pas à faire la connaissance et même avec lequel il se liera d'amitié avant qu'un événement particulièrement étrange ne les fasse devenir ennemis.

"Le festin nu" ne se livre que très difficilement. Il doit être courant même de ressentir un rejet total devant une telle accumulation d'événements aussi incongrus les uns que les autres. Les questions, par dizaines, encombrent très vite les esprits : Joan existe-t-elle vraiment ou n'est-elle que la représentation féminine du désir qu'à William de se sortir de son "état" d'homosexuel ? Se drogue-t-il simplement parce qu'il n'a aucun autre moyen de trouver l'inspiration dans l'écriture? Combien sont-ils à remarquer les étranges rapports qu'il cultive avec sa vieille machine à écrire?
Ce qui frappe dans ce film, et ce à force de s'accommoder au délire du cinéaste qui, je le rappelle s'est inspiré du roman éponyme et autobiographique de William Burroughs, c'est l'effarante simplicité de certaines scènes qui arriveraient presque à faire passer le film pour un classique polar noir alors qu'il n'en n'est rien. Finalement, même après que le générique de fin ai pris le relais, on n'en n'apprendra guère d'avantage et c'est peut-être mieux ainsi. Le contenu du film ? Peut-être s'agit-il d'une plongée dans les tréfonds d'un esprit malade et gorgé de stupéfiants exprimant un mal être notoire à travers ses rencontres, ses écrits et ses incantations...........

Les acteurs sont tous formidables, Peter Weller en tête, et qui change ici radicalement de registre après avoir interprété le célèbre flic de "Robocop". Judy Davis croisa la route des frères Coen dans "Barton Fink" et conserve sans mal le charme troublant qu'on lui connaît. Julian Sands dans son personnage d'homosexuel raffiné est simplement......attachant. Quand à Roy scheider, ce vieux de la vieille, le revoir dans les quelques rares scènes qui lui ont été offertes est un pur bonheur...... 


Le cinéma est un art, le septième. Et cet art, c'est de faire vivre des expériences ultimes, parfois extrêmes, souvent émouvantes, du moins en ce qui concerne les films qui ont une véritable valeur artistique. Certaines expériences tentent à prouver que le cinéma a une âme...

vendredi 27 janvier 2012

Braqueurs du dimanche: C'est Pas Parce Qu'on A Rien A Dire Qu'il Faut Fermer Sa Gueule de Jacques Besnard (1975)


Braquer la caisse de retraite de la SNCF, tel est le projet de Phano. Aidé de Max et Riton, deux pitoyables truands, le prétentieux cerveau de cette idée farfelue a déjà tout prévu. En effet, derrière le mur des toilettes de la gare de l'Est se trouve un coffre renfermant cinq millions de francs. Après avoir renvoyé Max et Riton pour incompétence, il réfléchit à "la paire de connards" qu'il pourrait engager pour l'aider à mener son projet à bien. Et qui mieux que ces deux hommes, minables petits voleurs engagés dans le vol de voitures et qui viennent de rentrer au bercail non pas au volant d'une luxueuse voiture mais derrière le guidon d'une "pétrolette" ?
Phano a tout prévu. Du porte-monnaie remplit de ferraille, aux tickets de métro. Une maquette également est mise à disposition, ainsi que trois petites statuettes à l'image des trois hommes. De quoi entraîner ses complices avant de les enfermer durant une journée entière derrière la porte numéro trois des toilettes de la gare. Phano en est persuadé, on se souviendra de lui comme l'on se souvient encore du "train postal".



Le seul véritable hic selon lui, c'est la dame pipi. Une vieille femme qui transige rarement avec les mauvais payeurs. Elle veille au confort des usagers, parle plusieurs langues, n'hésite jamais à partager un bon mot avec un client pressé de récupérer sa monnaie. Elle va même jusqu'à soutenir les problèmes urinaires d'un petit postier en mal de réconfort. Pendant que Phano informe ses deux complices, un point essentiel intrigue Max. Il se demande en effet comment les trois hommes vont pouvoir passer la journée entière dans les toilettes, à faire des allers et venues ininterrompus sans que la dame pipi ne remarque rien. Comme l'exprime Phano, "la voilà, la question à cinq millions".

L'idée est simple. Les trois hommes vont se relayer durant une journée entière et ne devront jamais laissé personne d'autre qu'eux entrer dans les toilettes numéro trois. Pour ne pas se faire remarquer auprès de la dame pipi, ils porteront une série de déguisements afin de se faire passer chaque fois pour une personne différente. Si au départ tout commence mal (à leur arrivée, un "mélomane" se trouve déjà enfermé dans les toilettes), Max et Riton se rendent vite compte que Phano a tout prévu. Du déblaiement des gravas issus de la destruction du mur attenant au coffre, à la façon de s'en débarrasser dans la zone de chantier près des toilettes. Pendant que l'un travaille d'arrache-pied à creuser le trou qui mènera jusqu'aux cinq millions de francs, les deux autres font autant de bruit qu'il le peuvent, permettant ainsi d'étouffer les bruits de perceuse ou de marteau.


Alors qu'il atteignent la surface arrière et métallique du coffre, les trois hommes quittent les toilettes pour ne revenir que tard dans la soirée. Une fois les lieux déserts, Max et Riton s'activent à percer le coffre pendant que Phano veille à l'extérieur. Les deux hommes se relayent une bonne partie de la nuit jusqu'à ce qu'une large ouverture soit pratiquée dans le coffre. Riton jubile. Il saute presque dans le trou et se retrouve coincé jusqu'à ce que Max lui vienne en aide. Le premier se saisit des liasses de billets pendant que le second les place soigneusement dans une valise qui se révèle très vite trop petite pour contenir la totalité de l'argent se trouvant dans le coffre. Se remplissant les poches ils doivent se résoudre à abandonner une partie de l'argent et omettent d'en parler à Phano.

Lorsqu'ils quittent les toilettes, dehors le jour se lève. Il commence à y avoir du monde dans la gare. Alors que le casse s'est bien déroulé, les ennuis commencent : D'abord, la voiture qu'ils ont prévu pour quitter l'enceinte de la gare ne veut pas démarrer. Ensuite, un flic se mêle à eux afin de les dégager de l'emplacement sur lequel leur voiture est garée. La valise échappe un instant à l'attention de Max et se retrouve sur le toit d'un car de touristes. Max parvient plus tard à la récupérer mais la laisse malencontreusement tomber à l'arrière d'une voiture qui fait route vers... la gare de l'Est !!! Une fois leur bien récupéré, les trois hommes sont résolus à prendre le métro. Une fois rendus chez Phano, ils comptent leur butin...

Ainsi prend fin la première partie du film. Quelques seconds rôles viennent y épauler Bernard Blier, Michel Serrault et Jean Lefebvre. On y voit effectivement quelques acteurs qui "débutent" comme Christian Clavier, Thierry Lhermitte et Gérard Jugnot, tout deux formés à l'équipe du Splendid. Le premier campe un flic homosexuel, le second un jeune militaire et le dernier, un postier atteint de fréquentes envies d'uriner. Tsila Sheldon campe cette dame pipi que nos larrons redoutent tant. Si les dialogues ne volent pas très haut, on savoure les rôles multiples qu'endossent les trois acteurs principaux et notamment Blier qui interprète chacun des siens de manière convaincante. Tour à tour prêtre, poissonnier ou bien encore touriste allemand, il fait montre du talent qu'on lui connaît même dans le moindre détail alors que Serrault et Lefebvre semblent jouer sans véritable conviction les personnages que leurs différents costumes les amènent à interpréter. Le premier s'octroie le rôle de personnages bien mis et respectables pendant que le pauvre Jean Lefebvre endosse celui d'hommes de petites conditions. Ce qu'il va supporter durant un temps avant de "voler" l'un des déguisements de son ami. Entre les deux hommes, les esprits s'échauffent parfois et le personnage de Serrault fait montre d'ambitions que Lefebvre ne peut avoir. Un brin stupide, ce dernier risque de faire capoter leur mission en griffonnant un mot apparemment anodin sur le mur des toilettes où ils s'enferment durant la journée.

Ensuite, une fois que l'argent a été compté et rangé, les trois hommes partent boire un coup histoire de fêter l’événement. Alors qu'un petit poste de télévision placé en hauteur au dessus du bar diffuse une information en relation avec l'affaire, la dame pipi entre dans l'établissement et se dirige vers Phano, Max et Riton. Sans qu'aucun ne s'en doute, elle a suivi le manège des trois hommes le jour où ils ont perpétré leur méfait et vient maintenant revendiquer le droit à sa part. Tous les quatre vont alors s'associer et créer un casino afin de faire fructifier l'argent. Ils parviennent à quadrupler la somme initiale. En chef d'entreprise, la dame pipi propose un jour de compter l'argent en compagnie de Phano, Max et Riton mais lorsqu'ils ouvrent ensemble le coffre, les billets ont disparu.

Au premier abord, le film ressemble à ces dizaines de films comiques que produisait le cinéma français à une certaine époque. Soit des œuvres plutôt insipides, aux blagues éculées et souvent interprétées par les mêmes acteurs et dont Jean Lefebvre était parfois le porte-drapeau. Pourtant, malgré un scénario faiblard, des situations répétées parfois à outrances (les allers-retours incessants entre la gare et les toilettes), on se prend au jeu de l'interprétation des trois acteurs principaux. Tour à tour, ils apparaissent affublés de tenues parfois encombrantes (Michel Serrault et son attirail de pécheur) ou exotiques (Bernard Blier en tyrolien amateur de petite parisiennes). L'apparition des seconds rôles est amusante, et notamment celle des membres du Splendid et forme un lot de clins d’œil que l'on aurait peut-être aimé voir de manière plus fréquente (pourquoi pas Balasko, Lamotte ou bien encore Anémone ?).

Bernard Blier est, comme à son habitude, le génial acteur que l'on connaît, faisant des situations même les plus improbables ou les moins convaincantes, de purs moments comiques. Le moindre mot, le moindre geste se savoure comme un pur morceau de cacao (sa réaction face au "voisin gênant" qui murmure d'une voix fausse un air de classique ou bien son irrésistible accent de poissonnier défendant avec ferveur sa "morue", affichant le même timbre lorsqu'il s'excuse après s'être débarrassé de son comptant de gravas sur la tête d'un travailleur du chantier situé à coté des toilettes). Michel Serrault est égal à lui-même et surjoue peut-être parfois consciemment certains de ses personnages à l'aide de son phrasé si particulier. Jean Lefebvre semble parfois absent, sous l'effet d'une substance endormante, ou bien peut-être est-il atterré par certaines actions que son rôle lui force à interpréter, toujours est-il qu'il vogue comme au beau milieu d'une brume dont il ne parvient que très rarement à s'échapper (l'extraordinaire moment de lucidité de Riton face au mur de policiers qui contrôlent les gens qui passent à leur portée après que le braquage de la caisse de retraite de la SNCF ait été découvert).

mardi 24 janvier 2012

Le Grand Blond Avec Une Chaussure Noire de Yves Robert (1972)



Bernard Milan est convoqué dans le bureau du directeur du contre-espionnage français, Toulouse. Ce dernier suspecte en effet son employé d'être à l'origine d'un complot visant à le nuire. Aux États-Unis, l'un des représentants de Toulouse, à la solde de Milan, s'est fait arrêté par les douaniers en possession de quarante kilos d'Héroïne. L'homme certifie ne pas être un trafiquant de drogue et fait endosser la responsabilité à son patron. Le directeur, accompagné de son bras droit Perrache, cuisine Milan qui ne se dépare pas de son assurance. Toulouse affirme que l'homme arrêté par les douaniers américains ne travaille pas pour son service. Milan confirme lui aussi ne pas le connaître. Le directeur demande alors à Milan de lui dire pour qui l'homme travaille. Celui-ci lui répond qu'il n'en sait rien. Lorsque Toulouse montre une photo de Milan en compagnie de l'homme, celui-ci assure qu'il s'agit d'un montage. Incapable de faire avouer à son employé qu'il est au courant du complot qui le vise, ce dernier l'invite à repartir travailler.



Perrache apprend très vite de la bouche de son patron que son appartement est truffé de micros. Celui-ci révèle à son second qu'un homme doit arriver le lendemain matin à neuf heures trente à l'aéroport d'Orly. Amené à élucider cette étrange affaire de drogue qui risque de mettre sa carrière en péril, Toulouse demande à Perrache de l'accueillir à son arrivée et d'assurer sa protection en le faisant suivre par Poucet et Chaperon, deux employés auxquels le directeur du contre-espionnage à confiance.

Milan a suivi la conversation grâce aux micros qu'il a fait installer dans l'appartement de son patron, et ce dernier le sait. Ce qu'ignore l'homme à l'origine du complot, c'est que Toulouse ne sait pas qui est cet homme que Perrache doit accueillir le lendemain. Il conseille à son bras droit de choisir au hasard. Un anonyme. Quel qu'il soit puisqu'il ne s'agira que d'un prétexte pour que Milan morde à l'hameçon...




Avant même que n'intervienne Pierre Richard et que l'intrigue ne débute véritablement, il faut saluer le brio avec lequel Yves Robert joue avec la caméra et avec ses personnages. Les dialogues auraient pu être aussi simplistes que dans la majorité des comédies mais ici, le duel qui voit se confronter Bernard Blier et Jean Rochefort dans le bureau de ce dernier est magistralement mis en scène. Comment ne pas tiquer sur la savoureuse "partie de tennis" qui se joue entre les deux hommes et que l'excellent Paul Le Person (Perrache) semble suivre comme un juge au milieu de ses joueurs. Plutôt que d'user des ficelles habituelles pour filmer ses acteurs, il préfère à certains moments fixer sa caméra sur celui qui attend la réponse de son "adversaire" que sur celui qui s'exprime. Une manière plutôt finaude de déceler sur le visage des intervenants, les mimiques du doute ou de la peur lorsque l'un tente vainement de faire plier l'autre. L'expression qu'arbore le visage de Perrache est en adéquation avec celle qu'exprime le notre dès lors que l'on entre dans le subtil jeu du cinéaste.



 

C'est décidé, l'homme que Perrache doit accueillir vient de Munich. Parmi une foule de touristes asiatiques, un rabbin, un couple de hippies, des hommes d'affaires allemands et autant de vieilles vacancières américaines, il choisit un grand blond affublé d'une chaussure noire. Faisant mine de le reconnaître Perrache l'embrasse avant de s'excuser. Le contact visuel vient d'être établi pour les cinq ou six agents que Milan a lui-même envoyé à l'aéroport. Nantis d'appareils-photos, ils mitraillent tous l'homme qui ne se doute de rien.

Son nom: François Perrin. Il est célibataire, violoniste, habite dans le septième arrondissement et vient de Munich. Aucun service de renseignement ne possède d'informations le concernant. Milan veut savoir pourquoi Toulouse a fait appel à cet homme et ordonne à Vautrel de lui apporter un maximum de renseignements avant vingt-quatre heures. Alors que Perrin se rend chez son dentiste, Les hommes de Milan se faufilent dans son appartement et installent une série de micros. Toulouse et Perrache savourent leur plan. Milan quand à lui assiste au rapport qui lui est fait sur Perrin par Christine, sa charmante collaboratrice. Fils de Marie et Gérard, François a une enfance tranquille. Son père l'initie à la musique. Il est catholique, pratiquant, mais pas... homosexuel ! Après le conservatoire de Paris et vingt-huit mois d'armée, il joue dans un orchestre pendant cinq ans et fait de nombreuses tournées, et notamment aux États-Unis. Pour Milan c'est certain, le lien est là. Et parce qu'aucun des contacts de ce dernier n'a jamais entendu parler de François Perrin, cela veut forcément dire qu'il s'agit d'un super agent. Les habitudes de l'homme sont décortiquées. Il est suivi, traqué par les hommes de main de Milan. Lorsque Perrin décide de ne plus se rendre chez son dentiste, Milan veut savoir pourquoi. Lorsqu'il tire la casse-d'eau à plusieurs reprises, il veut également en savoir la raison. Milan angoisse et Toulouse jubile. Ce dernier va même jusqu'à offrir un disque vinyl de Perrin à celui qu'il est en train de piéger. Perrin entretient une relation avec Paulette, la femme de son ami Maurice. Les hommes qui ont mis sur écoute l'appartement du violoniste sont médusés lorsque Paulette demande à François de faire le cheval. 




Le personnage campé par Pierre Richard paraît presque anodin. Celui qu'interprète Jean Rochefort, lui, est froid. Il ne semble pas se soucier du devenir du violoniste à l'idée que Milan le fasse éliminer par ses hommes, responsabilisant même Perrache puisque c'est lui qui l'a choisit à l'aéroport. Maurice est interprété par l'épatant Jean Carmet. C'est un homme gentil, naïf, qui fait sans cesse le pitre. Certaines scènes jouent sur le comique sans avoir d'effet sur l'intrigue principale: Les poupées russes, la pâte dentifrice remplacée par du dentifrice, le bruit de la chasse-d'eau répercuté dans la camionnette qui sert de lieu d'écoute, le commentaire de Poucet et Chaperon lorsque Perrin regonfle son pneu de vélo. Des scènes comme celles-ci, le film en fourmille. Le plus drôle dans toute cette histoire, c'est que c'est Milan et ses hommes eux-même qui façonnent le personnage tant redouté. Chaque lieu commun est analysé et finalement explique le rôle de ce personnage.

Paulette trompe Maurice avec un fleuriste, celui-ci en est convaincu. D'ailleurs, il vient d'en avoir la preuve puisqu'ils vient de les entendre à l'arrière d'une camionnette de livraison. Celle-là même dans laquelle les hommes de Milan écoutent les conversations de Perrin. Voulant le rassurer, le violoniste propose à son ami d'appeler sa femme chez eux, et comme elle répond au téléphone, elle ne peut par conséquent pas être en ce moment même à l'intérieur d'un véhicule en compagnie de son amant. Après avoir réécouté l'intégralité des enregistrements, Milan décide de passer à l'offensive et fait appel à Christine afin de jouer de ses charmes auprès de François.

Jouant de ses charmes, la jeune femme sonne à la porte de François et se fait passer pour la mère d'un enfant auquel elle aimerait offrir des leçons de musique. Le violoniste reste sans voix devant la beauté de cette grande cette femme. Et comme le hasard fait bien les choses, son père, tout comme François, collectionnait les instruments de musique anciens. Elle invite déjà le grand blond à venir boire un verre chez elle en compagnie de quelques amis. Le soir, François participe à un concert en compagnie de Maurice (aux percussions) et de Paulette (à la harpe). Lorsqu'il arrive chez Christine, les invités de cette dernière viennent juste de partir. Ils se retrouvent donc seuls tous les deux dans l'appartement envahit d'instruments de musique. Enfin, seuls, pas tout à fait puisque Milan et quelques-autres assistent à la scène par l'entremise d'une caméra. Une série de bévue provoquées durant la soirée par Perrin vont pousser Christine à croire que le musicien n'est pas celui auquel on croit...






Du concert jusqu'au départ de François de l'appartement de Christine, une vingtaine de minutes s'écoulent, durant lesquelles c'est un festival de situations plus saugrenues les unes que les autres auxquelles on assiste. En chef d'orchestre, c'est Yves Robert qui mène la danse, du moins, dans une certaine mesure puisque Maurice ne l'entend pas de cette oreille. Marquant son mécontentement quand aux doutes qu'il a concernant la fidélité de sa femme en tapant comme un dingue sur les percussions, François n'en mène pas large lui-même puisqu'il oublie purement et simplement son interprétation. Il va jusqu'à perdre son archet, obligeant Paulette à jouer en boucle le même air jusqu'à ce qu'il ai remit la main dessus. Mais le vrai grand moment de ce "Grand Blond..." portant cette fois-ci une paire de chaussures identiques, c'est la soirée qu'il passe en compagnie de Christine (la superbe Mireille Darc). On retrouve le Pierre Richard que l'on a découvert dans "Le Distrait" et dans une grande majorité de ses films. Timide et maladroit, il coince la fermeture éclair de son pantalon de smoking dans la blonde chevelure de Christine (en regardant bien, on voit le visage de Bernard Blier (Milan) se décomposer à mesure que cette scène navrante évolue). Une fois les choses rentrées dans l'ordre, Christine propose à François de lui servir du poulet. Ce dernier en profite pour jeter un oeil aux instruments de musique accrochés au mur et réussi tout de même à se battre avec une cornemuse. Cette dernière finit au tapis, rendant son dernier souffle pendant que François tente d'endiguer le saignement de nez dont il est victime. Même des scènes aussi anodines que Christine, nue, rejoignant François dans le lit deviennent savoureuse et ce, grâce aux mimiques qu'expriment les hommes derrière l'œil de la caméra. Les silences eux-mêmes, parlent à ce moment très précis. Comme un peu plus tôt dans le film (lorsque dans un homme demande à qui sont les cigarettes posées sur la table et que de chez lui, François répond, "c'est à moi"), ici, le musicien s'adresse directement à Milan lorsqu'il avoue avoir une autre activité que celle de musicien. 



Les évènements vont très vite s'accélérer. Milan va tenter de faire éliminer François. Christine, tombée sous le charme de ce violoniste un brin gauche va tenter, elle, de le prévenir. Et c'est Perrache et non Toulouse, qui va demander à Poucet et Chaperon de s'assurer de la protection de François. Il y a des détails amusants. Comme celui concernant le cigare qu'offre Maurice à son ami au début du film. François l'allume une heure plus tard, et alors que le téléphone sonne, il le pose dans un cendrier. Une fois qu'il a quitté l'appartement afin de retrouver Christine, Poucet, Perrache et deux hommes de Milan se font face, armés, dans le salon de François. Le cigare que Maurice a offert à son ami et qui se consume toujours dans le cendrier explose. Surpris par la détonation, les quatre hommes tirent et s'écroulent tous au sol. Jean Carmet perd la tête. Il vient de surprendre sa femme au téléphone en train de supplier François de ne pas la quitter. Il est décidé à tuer le violoniste mais lorsqu'il arrive dans l'appartement, il tombe sur le cadavre des quatre hommes. Il en oublie toute idée de tuer son ami, mais lorsqu'il croise ce dernier, il lui dit avoir trouver quatre corps mais une fois dans l'appartement, ces derniers ont disparu. De quoi faire perdre la tête à n'importe qui.

Évidemment, tout finira bien puisque Milan périra sous le feu d'une arme et que François quittera finalement Paris au bras de Christine.

Jean Rochefort possède un charisme étonnant et un flegme qui ne le quitte pas un instant durant tout le film. Paul Le Person lui-même est serein mais beaucoup moins froid que celui sous lequel il exécute les ordres. Mireille Darc parvient, comme à son habitude, à jouer de ses formes félines et de sa douce voix. Jean Carmet s'offre un rôle à sa mesure. Dépassé par les évènements, il plonge peu à peu dans le doute puis dans une certaine forme de folie. Bernard Blier est savoureux et n'a pas toujours besoin de parler, son visage exprimant à lui seul ce que son personnage ressent. Quand à Pierre Richard, il est bien évidemment la pièce centrale de cette œuvre. Timide, maladroit mais très attachant, son personnage reste lui-même jusqu'au bout. Une très bonne comédie. Un classique du comique français.



lundi 23 janvier 2012

Braqueurs du dimanche: Pour Cent Briques T'As Plus Rien... de Edouard Molinaro (1982)



Sam assiste un soir et en direct au braquage d'une banque. Serrurier, il vit avec Paul qui est au chômage. Lui-même finit bientôt par perdre son emploi et les deux hommes se retrouvent alors sans argent. Un jour, EDF finit par leur couper l'électricité. Un huissier frappe même à leur porte et, accompagné de plusieurs déménageurs, fait entièrement vider leur appartement. A la banque et à découvert, on refuse de donner à Sam le moindre argent. Ce dernier cherche un nouvel emploi mais ne trouve rien à se mettre sous la dent. C'est alors que Caroline, la jeune femme qu'il tente de séduire depuis des mois, vient frapper à leur porte afin de l'inviter à partir pour un voyage avec elle. Alors que la présence de Paul fait presque capoter la soirée à venir, Sam parvient à se faire inviter dans l'appartement de Caroline. Débarquant bien avant l'heure prévue, elle le fait patienter en lui proposant de visionne un film au magnétoscope. Le jeune homme regarde alors une fiction dans laquelle des types braquent une banque. Le sujet à l'air de fortement intéresser Sam qui termine ensuite la soirée dans le lit de Caroline. Alors qu'ils viennent de faire l'amour, Sam retourne projeter le film et, rejoint par Caroline, apprend de celle-ci qu'elle aimerait qu'il vienne vivre avec elle.

Lorsque Sam vient s'installer chez C    aroline, il est suivit par Paul qui dort dans le salon. Un soir, Sam se réveille, rejoint Paul, allume le téléviseur et projette à nouveau le film qu'il regardait la veille. Il demande alors à Paul de prendre un crayon et de noter: "deux cagoules", "deux mitraillettes", "deux revovers", "deux grenades". Paul rappelant à son ami qu'il n'ont pas d'argent, Sam et lui vont volet les cagoules à deux balayeurs auxquels ils ont proposé de boire un verre afin de se réchauffer et le reste du matériel dans un grand magasin de jouets pour enfants.


Maintenant qu'il ont de quoi se faire passer pour des braqueurs, ils partent en repérage. Après être entrés dans plusieurs banques, ils jettent leur dévolu sur la B.P.E, une petite agence tranquille installée dans une rue presque déserte et surtout, à l'écart de la police. Sam y prend des photos tandis que Paul prend des notes sur le personnel présent. Une fois de retour chez l'amie de Sam, il commencent à s'entrainer dans le salon, disposant meubles et chaises de manière à ce que l'apparence de ce dernier colle au plus près à l'environnement de la banque qu'ils ont choisi de braquer. Répétant inlassablement la même scène d'arrivée à la banque, Caroline tombe sur leur petit manège en fin de journée et leur demande de quitter l'appartement en voyant le désordre qui règne chez elle. Mais c'est sans compter sur les talents d'amant de Sam qui parvient à lui faire changer d'avis.

Finalement, Sam choisit de tout laisser tomber. Paul, lui, décide de continuer seul. Lorsque dernier débarque la veille de Noël à la B.P.E, Sam est déjà présent et campe le rôle d'un client. L'agence est presque vide et en comptant le directeur, les deux guichetiers, les deux clients (dont l'une est aux toilettes) et Sam, Paul a maintenant six personnes sous sa responsabilité.


Commence alors une prise d'otages qui va durer des heures. Nicole, l'un des deux otages, est une habituée des braquages. Son métier l'amène à passer du temps dans les succursales. Sam se souvient l'avoir vue comme otage lors du braquage auquel il a assisté en direct voilà plusieurs jours maintenant. Henri, un ancien garde présidentiel, menace de tout faire capoter lorsqu'il s'approche de Paul afin de maitriser la situation. Mais le gros bras vacille... puis tombe dans les pommes.

Paul a bien du mal à se faire prendre au sérieux depuis qu'il a demandé la somme de cinq millions de francs, et Nicole qui connait bien Jean-Louis, qui travaille au cabinet du ministre de l'intérieur, propose au preneur d'otages d'accélérer les choses en téléphonant à ce dernier. Ne parvenant pas à se faire entendre, Paul décide de tuer un otage et Sam, qui jusqu'à maintenant passait pour l'une des victimes du braqueur, propose de se sacrifier. Alors que les autres tournent le dos aux deux complices, Paul "exécute" Sam qui s'écroule après avoir vidé sur le sol le contenu du flacon de rouge à ongles que la guichetière à partiellement renversé un peu plus tôt derrière son comptoir.

Le commissaire Bouvard, spécialiste des prises d'otages, est dépêché sur les lieux. Après avoir raté plusieurs interventions du même type, il lui est à nouveau demandé de contrôler la remise de rançon qui s'élève maintenant à huit millions de francs. Lorsqu'enfin le ministre est d'accord pour négocier avec Paul, Sam se relève et saute dans les bras de son complice. Les otages se rendent alors compte du canular. Rassurés de constater que Paul est bien vivant, ils vont aller jusqu'à fraterniser avec les deux hommes, ces derniers leur proposant même jusqu'à partager le magot avec eux...


"Pour Cent Briques, T'As Plus Rien" n'est rien de plus qu'une comédie pleine d'invraisemblances. On n'y croit pas un seul instant et pourtant, le film se révèle très agréable à regarder. Les péripéties qui vont mener ce duo de chômeurs à accomplir le projet fou de braquer une banque nous est détaillé, de l'acquisition des armes jusqu'au départ de la banque en compagnie de deux des cinq otages. Jean-Pierre Castaldi (Henri) campe un ancien garde présidentiel probablement déchu de son poste en raison de son hypersensibilité. La seule caméra de surveillance paraît bien inutile puisque le directeur de la banque (François Perrot) préfère se servir de l'écran de contrôle comme d'un moniteur pour jouer aux jeux vidéos. Nicole (Anémone) prend cette histoire très à la légère, habituée qu'elle est de ce genre de situation. Le commissaire Bouvard (Georges Géret) est un homme bien malheureux puisqu'il a tendance à rater chacune de ses interventions, allant même jusqu'à malencontreusement blesser le directeur de la banque alors que celui-ci s'apprête à négocier pour les preneurs d'otages. Le concierge de l'immeuble (Darry Cowl) où vivent Sam (Daniel Auteuil) et Paul (Gérard Jugnot), censé maintenir la sécurité, va jusqu'à conseiller malgré lui les deux hommes quand à la manière de s'y prendre  pour braquer une banque. Nicole est persuadée que Paul a un complice et malgré le comportement flagrant de Sam, celui-ci n'est à aucun moment soupçonné de complicité. 


Tout bascule dans le grand n'importe quoi lorsque du statut d'otages, le personnel et Henri deviennent les complices du duo, transformant un simple repas en banquet au beau milieu de la banque alors que dehors la police, les médias ainsi que plusieurs dizaines de badauds attendent que la situation s'arrange. Le commissaire Bouvard lui-même accepte une part du butin après avoir entendu de la bouche de Jean-Louis (Paul Barge) qu'il sera licencié. Il est le seul à connaître la position des véhicules de police disposés aux points stratégiques afin de stopper la fuite des braqueurs et choisit d'aider Sam et Paul à passer à travers les mailles du filet. Les deux hommes, accompagnés de Nicole et Bouvard, s'engouffrent à l'intérieur du véhicule prévu pour leur départ de la banque et prennent la fuite, Sam conduisant à vive allure et sur les conseils du commissaire. L'argent mis dans des sacs est remplacé par des bottins et chacun, braqueurs et otages, porte sur lui sa part du magot (Bouvard ayant assuré que les otages ne sont jamais fouillés). Plus tard, Nicole et Bouvard sont "libérés", par leur geôliers et font, comme c'est le cas pour les autres otages, une description volontairement erronée des braqueurs. 


Daniel Auteuil n'a pas encore le charisme qu'on lui connait actuellement et à l'époque, les seuls rôles qui lui sont confiés sont de cet acabit. Le scénario est plutôt faible et les situations souvent improbables. On ne rit pas à gorge déployée mais le film est plutôt agréable à suivre. On s'amuse souvent de scènes surréalistes sans pour autant en avoir mal au ventre. On est bien loin des "Bronzés" et de la série de films mettant en jeu la troupe du Splendid. Edouard Molinaro n'offre dans ce film, aucune réplique inoubliable à la pétillante Anémone et la présence de la plupart des acteurs n'est qu'un prétexte au duo mené par Auteuil et Jugnot. Castaldi joue de son impressionnante corpulence pour interpréter un "poltron" qui s'évanouit à la moindre contrariété. Le film manque d'épaisseur. On ne reviendra pas sur le scénario, quasiment absent, ou sur l'interprétation, inexistante, puisque "Pour Cent Briques, T'As Plus Rien" joue d'abord sur le comique de situation (les chamailleries de Sam et Paul) voire même sur le comique de répétition (Castaldi justement...)

vendredi 20 janvier 2012

Les Babas-Cool de François Leterrier (1981)



 Antoine, cadre commercial dans une boite d'électroménagers, tombe en panne de voiture sur une route de campagne aux abords d'une maison apparemment vide. Il y fait la connaissance d'Aline, jeune membre d'une communauté de hippies qui lui demande de bien vouloir l'accompagner jusqu'à la rivière d'à coté en voiture lorsque cette dernière est enfin réparée. Contemplant du haut d'un pont la jeune femme en train de se baigner nue, celle-ci lui propose de la rejoindre. Passe alors un autre membre de la communauté, Alexandra, qui s'apprête à partir pour un ashram, un monastère hindou. Après avoir partagé ensemble quelques brasses dans la rivière, Antoine et Aline se dorent au soleil. Cette dernière propose à Antoine de rester pour la nuit en sa compagnie et malgré toutes les contingences qui l'obligent à remonter sur Paris le jour même, il finit par accepter. Surtout lorsqu'Aline lui assure que les autres membres de la communauté sont partis à une manifestation et qu'elle et Alexandra sont toutes seules...

Après avoir prétexté au téléphone d'un bar voisin d'avoir rencontré son vieil ami Cristobal, il fait croire à sa compagne que ce dernier lui a proposé de rester chez lui toute la nuit. Plus tard, Aline et lui se retrouvent autour d'une table avec Alexandra qui ne tarde pas à les quitter pour aller faire sa méditation. Antoine et Aline partagent un joint et alors qu'il s'apprêtent à monter faire l'amour débarque Gilles, l'un des membres de la communauté. Il revient seul de la manifestation un pansement plaqué sur le front. Aline se lève, se dirige vers les escaliers et attend qu'Antoine la rejoigne. Après avoir écouté impatiemment Gilles, Antoine parvient enfin à rejoindre la jeune femme avec laquelle il va faire l'amour...

 
Le lendemain matin, Antoine reprend la route après avoir fait ses adieux à Aline et Alexandra. De retour chez lui, et sans doute très excité par le souvenir de la nuit qu'il a passé dans les bras d'Aline, il tente une approche vers sa compagne Christine. Celle-ci semble tenir une comptabilité, comme le suggère Antoine, arguant que leurs rapports sexuels se font de plus en plus rares. Elle demande alors comment se porte Cristobal. Antoine lui répond qu'il est toujours le même. Toujours aussi con.
Mais pas de chance: Cet ami chez lequel Antoine était supposé dormir cette nuit a débarqué chez Christine et Antoine en compagnie de sa femme juste après le coup de fil de la veille. La compagne de l'homme adultère prend alors ses affaires et quitte l'appartement, laissant Antoine planté là.
Bien involontairement libéré de Christine et en vacances, Antoine décide de retourner voir Aline. Lorsqu'il arrive devant la maison, il découvre et fait la connaissance du reste de la communauté et apprend qu'Aline est partie dans l'Ardèche et ne revient que dans deux jours. Il est invité par Blaise, le chef, à attendre le retour de cette dernière et à se mettre à table avec eux. Plus tard, on lui propose de prendre la chambre de la femme jusqu'à ce qu'elle rentre de son voyage.

Antoine va dès lors être intégré à la communauté et découvrir un univers qu'il ne soupçonnait pas...


 Pourquoi "Les Babas-Cool" et pas "Les Bronzés", "Le Père Noël Est Une Ordure" ou bien "Papy Fait De La Résistance"? Peut-être simplement parce que le film est nettement moins représenté sur la toile que les autres et qu'il mérite lui aussi d'avoir les "honneurs" d'un article. Alors bien sur, de l'équipe du Splendid sont absents Jugnot, Balasko, Lhermitte et Blanc. Mais ils sont remplacés par Philippe Bruneau, Claire Magnin et surtout le toujours excellent Philippe Léotard qui s'intègrent parfaitement au reste de la troupe composée de Clavier, Chazel, Lamotte et de l'épatante Anémone.
Aborder le scénario serait une injure tant il s'avère aussi fin qu'un ticket de métro parisien. D'ailleurs, c'était déjà le cas sur la plupart des films cités plus haut. "Les Babas-Cool", c'est une succession de scènettes dont certaines se révèlent au moins aussi drôles que certaines répliques des plus grandes œuvres du cinéma comique.
Les portraits y sont divers et seul Antoine paraît faire tache dans ce cadre pas vraiment solide malgré les premières impressions. Cette existence dorée qu'il s'est imaginée voir dans la vie communautaire va lui couter la modique somme de huit mille francs, la déconvenue de devoir partager Aline avec Francis, le nouveau venu, et l'éclatement de la communauté durant lequel chacun va révéler aux autres la nature de ses sentiments.


Antoine (Christian Clavier):
Ce petit cadre commercial engoncé dans une chemise bleue, cravate autour du cou, va s'intégrer dans un groupe de personnages bien différents de ceux qu'il a l'habitude de côtoyer à Paris. Plutôt coincé et pas encore prêt à partager l'idée de liberté sexuelle prônée par Aline, il devient le témoin du quotidien de personnages plus prêts finalement de marginaux que de l'image que l'on se fait de vrais hippies. Afin de mieux s'intégrer, il va offrir une aide financière que Blaise finira par accepter malgré les principes communautaires établis par le groupe.

Aline (Marie-Anne Chazel):
Cette jeune femme charmante est, parait-il, ouvertement libérée sexuellement. Sauf que lorsqu'elle croise la route de Francis, un bel et grand jeune musicien, elle semble y être vraiment attachée. Elle qui n'a habituellement pas de véritable lien montre qu'elle est finalement comme tout le monde. On la devine seule, cherchant un sens à sa vie. On peut d'ailleurs s'étonner de l'entendre demander à Antoine de "revenir" au début du film, un type qu'elle ne connait que depuis la veille. En tout cas, ça n'est certainement pas ici, dans cette grande maison qu'elle trouvera le bonheur. D'ailleurs, elle n''hésite pas, au plus fort de la tempête, à prendre la poudre d'escampette

Blaise (Philippe Leotard):
Poète, il est  le chef de la communauté et celui qui en est à l'origine avec sa femme Tania. Lorsqu'Antoine lui avoue hypocritement aimer le poème qu'il vient de lui lire avant de lui demander  par qui l'homme est édité, Blaise affirme qu'il a eu "plusieurs propositions d'éditeurs parisiens" mais qu'il préfère éviter de faire le singe chez "Pivot".

Alexandra (Anémone):
C'est l'illuminée du groupe. Persuadée de voir un signe dans chacun de ses rêves, son objectif est de partir pour un Ashram en compagnie de son mentor. Elle jongle le plus clair de son temps entre méditation et ablutions. Lorsqu'elle réalise que son rêve lui échappe, elle pète littéralement un plomb, s'enivre, et couche avec Antoine.



Aline, Blaise et Alexandra sont sans doute les personnages les plus "emblématiques" du groupe. La première prône la liberté sexuelle. Elle ne connait pas Antoine depuis une heure qu'elle lui propose déjà de passer la nuit avec elle. Instable, elle va, après avoir demandé à Antoine s'il reviendra, oublié jusqu'à son prénom et se retrouver dans les bras du beau Francis. Blaise, lui, est celui qui maintient l'ordre dans la communauté. Quand Aline couche avec le premier venu, que Marie-Jo semble toujours éprouver le besoin d'avoir un amant (consenti par son mari) lors de ses rapports sexuels, et que Véronique (Catherine Frot) affirme que le bébé auquel elle va bientôt donner naissance sera blond, aura les yeux bleus, et qu'à la place vient au monde un petit noir, la fidélité de Blaise force le respect. Sauf qu'il est comme tous les hommes et qu'il mettra un instant de coté ses principes pour tromper Tania avec une femme tout juste sortie de l'adolescence. Quand à Alexandra, elle est l'image même de la pureté et personnifie quand à elle, tous les symboles religieux auxquels on est en droit de s'attendre dans ce type de communauté. Déçue de constater que son "gourou" préfère partir pour le monastère avec une femme pleine aux as, elle abandonne elle aussi ses principes et se laisse aller à copuler avec le premier venu, en l'occurrence, Antoine.

Comme dans toutes les comédies où apparaissent les membres de l'équipe du Splendid, "Les Babas-Cool" offre son lot de répliques inoubliables dont la palme d'or revient sans aucun doute à Anémone lorsqu'elle assène un savoureux "j'ai rêvé de toi cette nuit, tu étais nu sur un âne et tu jouais du sitar" à Antoine qui s'apprête à quitter Aline au début du film.  Lorsqu'Aline s'enfuit dans les dernières minutes, Antoine réalise qu'il n'a plus rien à faire parmi les autres membres de la communauté et alors qu'il les surprends en train d'écouter derrière la porte la conversation qu'il a avec Tania, il ose enfin leur parler franchement et leur dire ce qu'il a sur le cœur. C'est sans doute le seul moment du film où l'on découvrira le vrai visage de chacun. Les rancœurs insoupçonnées refont surface et le capharnaüm auquel on assiste alors est jubilatoire. Chacun y va de son bon mot pour critiquer l'autre, certains s'en prenant même physiquement aux autres. S'il n'arrive pas au niveau des films précités plus haut, "Les Babas-Cool" (connu également sous le titre "Quand Tu Seras Débloqué, Fais Moi Signe"), permet malgré tout de passer un très agréable moment de détente en compagnie d'une bonne moitié de l'équipe du Splendid ainsi que d'autres acteurs dont certains feront beaucoup plus tard, une carrière remarquée (Catherine Frot)...



mardi 17 janvier 2012

Cinéma de minuit: Cycle Tod Browning (3 septembre 1989) - Freaks de Tod Browning (1932)



Ce film de Tod Browning datant de 1932 nous conte l'histoire d'un cirque ambulant où se produit une troupe de phénomènes de foire. Les lilliputiens Frieda et Hans s'apprêtent à se marier lorsque ce dernier tombe sous le charme de la sublime Cléopâtra. Délaissant peu à peu sa promise, il n'a d'yeux que pour cette grande femme superbe, laquelle s'amuse de ce petit homme qui, pour elle, fait venir des fruits de Paris et lui offre du champagne. Cléopâtra entretient en cachette une relation avec l'ancien compagnon de Vénus, Hercule, la force brute de la troupe. Un type qui mise d'abord sur son ascendance physique pour imposer sa volonté auprès des autres. Frieda révèle à Cléopâtra, sans imaginer un seul instant que cette dernière n'est pas au courant, qu'elle croit savoir que cette femme n'en veut qu'à la fortune de Hans. Alors que des soupçons naissent au cœur de la troupe quand aux véritables motivations de Cléopâtra, celle-ci propose à Hans de l'épouser. 

Daisy, la sœur siamoise de Violet doit épouser le bègue Roscoe. La femme à barbe attend un enfant de l'homme-squelette. Phroso avoue ses sentiments à Venus, fraichement libérée des bras d'Hercule. Tout ce petit monde n'a pour l'instant pas encore réalisé les conséquences que pourrait avoir un mariage entre Hans et Cléopâtra, mais alors qu'arrive le repas de noces, cette dernière empoisonne le verre de son nouvel époux et montre son véritable visage à la troupe. Celui d'une femme sans cœur, humiliante, intéressée et pour qui l'idée d'être intégrée à ce groupe d'êtres étranges est inconcevable. 





Après les avoir rejeté, elle retrouve Hans dans sa caravane et tente de justifier son comportement: Elle plaisantait. N'a que trop bu. Reproche même à Hercule de s'être comporté comme un imbécile. Elle se confond en excuse devant un Hans qui semble toujours hypnotisé, la pardonne, mais comprend qu'elle n'a fait que se moquer de lui. Cléopâtra tente de se racheter mais s'inquiète lorsque Hans parle de divorcer. Ce dernier finit par s'écrouler sous l'effet du poison et alors que l'on aurait pu croire Cléopâtra enfin sincère, elle se comporte en femme odieuse vis à vis du petit homme allongé sur le sol qu'elle demande à Hercule de "ramasser". Derrière l'une des vitres de la caravane, l'un des compagnons de la troupe a tout vu... 

Le lendemain matin, tout le monde attend avec inquiétude le verdict du médecin qui ausculte Hans. Il affirme que c'est un poison qui a rendu le petit homme malade. Tous les soupçons se dirigent évidemment vers Cléopâtra mais celle-ci, très intelligente, à donné un vomitif à son mari, ce qui, le médecin le confirme, à sauvé Hans. 

Vénus, après en avoir parlé avec Frieda, se dirige vers Hercule et lui fait part de ses soupçons envers Cléopâtra. Elle lui demande de forcer celle-ci à avouer au médecin ce qu'elle à mis dans le vin durant le repas de noces, mais ce dernier feint de ne pas savoir de quoi parle son ancienne compagne. Vénus, alors, le menace d'aller tout dire à la police. 

Cléopâtra vise désormais l'héritage de Hans et accompagne quotidiennement le traitement donné par le médecin d'un soupçon de poison. Sauf que celui que l'on croyait définitivement aveuglé par la beauté de son épouse prépare en cachette sa vengeance. Celle qu'il manigance en compagnie de la troupe toute entière et qui amènera Cléopâtra à regretter jusqu'à la fin de ses jours d'avoir tenté à la vie du lilliputien. 

Ce qui pousse peut-être la première fois à regarder "Freaks, La Monstrueuse Parade" est la curiosité. Car ici, point d'effets-spéciaux. Pas de maquillage ni de costumes. Tout y est vrai, sans fard et sans concession. On y assiste à l'exhibition d'une quinzaine de créatures que l'on aurait du mal à imaginer pouvoir croiser dans les rues de nos jours. Des êtres faits pourtant de chair et de sang mais que 'on exposait encore il y a moins d'un siècle dans des cirques. Ceux du film de Tod Browning furent extrait de leur quotidienne existence de phénomènes de foire du cirque Barnum, le temps de nous donner une formidable leçon de vie. Il aurait été si facile de leur donner le mauvais rôle et de faire de la femme à la plastique parfaite, la victime d'une bande de monstres que pas même notre imagination ne serait capable de procréer. Si dans les premiers instants, on se demande quel est le véritable but du cinéaste (où se trouve l'intérêt de nous exposer tant de ces êtres lors d'un très instructif passage devant un cours d'eau?), on comprend très vite vers quel chemin de travers son conte macabre va mener le spectateur. Macabre non pas parce qu'il a choisi de donner des rôles importants à une troupe de "monstres", mais parce que d'un drame, il fait de la vengeance de ces êtres difformes, un pur moment d'épouvante dans le traitement de l'image (la pluie, l'orage, les visages ruisselants et les jeux d'ombre dans cette fin qui paraît inéluctable pour la sorcière). 






Il est aisé d'imaginer l'effet que put avoir une telle œuvre sur l'esprit des spectateurs à l'époque, surtout si l'on tient compte du fait que le sujet était encore d'actualité (le film date de 1932). Et même aujourd'hui, car, qu'on le veuille ou non, la majorité d'entre nous ne serait pas encore prête à accepter l'idée de côtoyer de tels personnages. 

Sous-titrer "Freaks", "La Monstrueuse Parade" sur l'affiche française, paraît comme une aberration et est hors de propos. Comme si l'unique ou le principal attrait du film n'était que l'exposition d'une troupe de "créatures cauchemardesques" alors que cette dernière ne fait que servir l'intrigue. On peut supposer que le film n'aurait pas eut la même notoriété si Tod Browning avait laissé des acteurs dits "normaux" jouer les rôles d'un homme-tronc, d'une femme à barbe ou bien d'un homme-squelette. Ce qui rend le film plus merveilleux est justement d'y voir d'authentiques phénomènes de foire, car ce sont eux qui vont permettre au spectateur de s'y accoutumer et de les accepter en tant qu'êtres humains et pas seulement comme de vulgaires erreurs de la nature. 

Dès le départ, le cinéaste tente de nous émouvoir à travers le regard et le comportement de certaines de ses créatures. Et force est de reconnaître qu'il y parvient sans mal. Voir ces microcéphales qui s'effraient d'un rien et se réfugient sous les jupes de leur bienfaitrice est vraiment touchant. Il y a peut-être dans le film de Browning une majorité d'êtres "normaux" mais celui-ci choisi de n'en exploiter que deux (Cléopâtra et Hercule), faisant de ceux qui nous sont différents les véritables maitres des lieux. "Freaks" n'est pas une monstrueuse parade mais plutôt l'abominable reflet de ce que nous sommes. Entre l'individualisme et la communauté, le film nous prouve que seule cette dernière peut avoir le fin mot de l'histoire. Cléopâtra et Hercule ont peut-être toutes leurs facultés physiques et intellectuelles mais il leur manque beaucoup encore pour espérer vaincre cette "famille" dont tous les membres ne sont finalement qu'une seule et même entité.

Les deux scènes vraiment marquantes du films sont le repas de noce ainsi que la scène nocturne durant laquelle la troupe se venge des deux véritables monstres. Durant la première, on a d'un coté les "phénomènes" qui festoient en l'honneur de leur ami Hans et de l'autre, Cléopâtra et Hercule qui s'apprêtent à empoisonner le petit homme. Avinés ces derniers commencent à révéler leur vrai visage. Dans son coin, Frieda pleure devant la tristesse de la scène: Hans est moquée par sa toute jeune épouse qui jubile. Mais ce qui jusqu'à maintenant avait toutes les apparences d'un jeu se transforme en une tragique situation lorsque Cléopâtra rejette purement et simplement ceux qui l'acceptent dans leur communauté. 

La seconde scène se situe vers la fin du film et ramène au tout début, lorsqu'est présentée au public la plus horrible créature de tous les temps. La vengeance perpétrée à l'encontre de Cléopâtra et Hercule est saisissante. A l'ombre des caravanes on assiste à la lente progression des bourreaux sous une pluie battante. Certains plans se révèlent effrayants, surtout lorsque se dessine les traits de certains sous l'éclairage inquiétant de l'orage. Un grand moment.






Sur les différentes affiches américaines sont exploités le bien et le mal. La normalité et l'anormalité. Sur celle, un brin racoleuse, diffusée dans notre pays, on s'attache d'abord à nous montrer la troupe, comme si le film allait dresser l'unique portrait d'une bande de monstres fraichement débarqués du cirque Barnum. 

Le film est un formidable message de tolérance. On y croise des êtres différents et pourtant si attachants. D'autres, ceux dans lesquels nous croyons nous reconnaître, sont les véritables monstres de l'histoire. Ici, mieux vaut ne pas se fier à la première impression. D'ailleurs, celle-ci ne fait pas long feu face au comportement abjecte de Cléopâtra. On se rallie assez rapidement à la cause de Hans et de ses amis. 

Rappelons-nous: les monstres ne sont pas ceux auxquels on pense...
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