Mais par quel moyen
Christophe Gans est-il parvenu à manipuler mon esprit ? Quel
subterfuge a-t-il employé pour m'endormir et me faire croire voilà
près de vingt ans que son Silent Hill
n'était rien moins que LA référence en matière d'adaptation
cinématographique d'un jeu vidéo ? Ce n'est qu'aujourd'hui que
j'ai obtenu une réponse à ma question : le réalisateur et
scénariste français peut d'ors et déjà être rassuré :
Toutes les charges que j'avais fait peser sur lui sont tombées. Je
sais bien que derrière cette formule se cache un esprit qui pourrait
paraître singulièrement narcissique. Car à vrai dire, qui se
soucie réellement de ce que peut penser un petit cinéphile
inconnu ? Certainement pas Monsieur Gans qui a d'autres chats à
fouetter ! La vérité est enfouie beaucoup plus profondément
que dans les fondations de cette ville perpétuellement plongée sous
une pluie de cendres causée à l'origine par un incendie déclenché
en 1962 dans la ville fantôme de Centralia, située dans le comté
de Columbia en Pennsylvannie. Un drame bien réel qui sert de base à
un récit totalement fictif dont les premiers soubassements purent
être découverts par les fans d'univers vidéoludiques à la toute
fin du siècle dernier lorsque sortait en 1999, le jeu Silent
Hill
développé et édité par Konami.
L'un des plus grands effrois, tenu entre les mains des possesseurs de
la toute première version de la Playstation
et
créé par l'esprit fertile et ô combien ''tordu'' du concepteur de
jeux vidéos japonais, Keiichiro Toyama. Il faut donc remonter à
plus d'un quart de siècle, lorsque les amateurs de Survival
se faisaient jusque là, la main sur Resident
Evil.
Déboulant
alors comme le principal rival du jeu édité par la société
japonaise de développement et d'édition de jeux vidéos Capcom,
Silent Hill aura
tout d'abord marqué les esprits par son atmosphère hautement
anxiogène. Un manteau de cendres recouvrant la ville du même nom,
une population qui semblait avoir subitement disparu et un homme
lancé à la recherche de son fils lui-même évaporé dans la
nature. Combien d'entre nous se sont laissés happer par cette
atmosphère brumeuse, ces créatures cauchemardesques auxquelles pas
même Clive Barker et ses cénobites ne parvinrent à se hisser à la
cheville ? Pinhead et sa cohorte d'adeptes du sado-masochisme
peuvent aller se rhabiller ! Le Pyramid
Head,
les nurses, les Lying
Figures
et autres entités provenant du plus profond des entrailles de
l'Enfer demeurent encore aujourd'hui l'une des plus remarquables
représentations de la Souffrance extraites des abîmes pour surgir à
la surface de notre planète. Et puis, survint cette sirène, signe
du délabrement. D'une ville déjà peu en accord avec ce que l'on
peu concevoir comme étant un havre de paix, voilà que Silent Hill
mutait en un terrain de jeu effroyable où seul notre héros
évoluait... La manette tenue entre des mains tremblantes chaque fois
que se profilait au loin une étrange créature, l'on rêvait une
fois l'aventure arrivée à son terme que quelqu'un ose franchir la
frontière vidéoludique pour en proposer une relecture
cinématographique. Ce que fit donc Christophe Gans sept ans plus
tard...
Alors
que le Mouvement #MeToo
ne commencera à faire parler de lui qu'un an après la sortie du
film Silent Hill
dans les salles et bien avant que le néo-féminisme ne vienne
griller les neurones d'une partie de la population mondiale,
Christophe Gans offre le rôle principal à une femme. Actrice,
réalisatrice et productrice d'origine australienne, Radha Mitchell
incarne donc le rôle de Rose Da Silva. Cette jeune femme fort jolie,
épouse de Christopher (Sean Bean) et mère de Sharon, part donc
accompagnée de sa fille jusqu'à Silent Hill afin de percer le
mystère qui entoure les visions qui accablent la gamine lors de ses
crises de somnambulisme. Poursuivie en chemin par une policière à
moto (Cybil Bennett), Rose manque de peu de renverser une enfant dès
son arrivée à Silent Hill. Après un dérapage fort heureusement
contrôlé, son visage frappe le volant et la jeune femme perd
connaissance. À son réveil, la portière passager de son véhicule
est ouverte et Sharon a disparu. Commence alors une aventure que l'on
espère aussi riche que celle pleine de frissons et de sursauts que
causa à son époque le jeu vidéo. Tout commence d'ailleurs assez
bien. Une ambiance lourde. Un visuel opaque. Et puis, cette fameuse
sirène que l'on redoutait tant d'entendre résonner sept ans plus
tôt lorsque l'on allumait notre console de salon pour nous plonger
une énième fois dans l'univers de Silent Hill. Une Rose imprudente
qui s'enfonce alors dans les entrailles de la ville alors que dehors
la lumière laisse la place à l'obscurité tandis que dans les
profondeurs, les fondations mutent en l'une des visions de l'Enfer
les plus crédible qui soit !
Passée
cette séquence qui rappelle d'excellents souvenirs, Silent
Hill
pèche par un choix qui opposera une fin de non recevoir de la part
des fans de la première heure. Alors que le jeu abandonnait son
personnage au triste sort de devoir vivre son aventure en solo, voici
que notre héroïne est accompagnée de la fliquette !
Transformant le matériau de base en une expérience évidemment
moins flippante qu'à l'origine. Et puis, comment envisager le film
de Christophe Gans comme une expérience aussi tendue et effroyable
que celle du jeu vidéo quand le spectateur n'a plus la vie du
personnage entre les mains ? Silent Hill
se vivra alors avant tout comme une expérience visuelle et
sensorielle unique. Un voyage en enfer, où la rencontre avec des
créatures sans commune mesure avec ce que l'on a l'habitude de voir
sur grand écran est parfois véritablement palpable. Mais aussi,
parfois, un brin ridicule. Comme lorsque Rose croise la route des
Nurses. Une petite touche de gore (à l'entrée de l'église tenue
par une secte, l'une des adeptes se retrouve en effet atrocement
écorchée), des décors qui mettent tout le monde d'accord, mais
aussi, malheureusement, une cruelle absence de peur. Trop long (le
film dépasse les deux heures) et donc victime de quelques ventres
mous, Silent Hill
n'est finalement pas le grand film et la grande adaptation
cinématographique à laquelle on pouvait s'attendre. Le film de
Christophe Gans rappelle surtout qu'à l'origine de son projet fut
l'un des plus grands Survival.
Un classique vidéoludique qui depuis n'a émotionnellement pas pris
une ride. Bref, le film déçoit et ce, même s'il demeure l'une des
rares adaptations d'un jeu vidéo à être parvenu à tenir la route
face à une cohorte d'autres ''relectures'' cinématographiques
totalement foireuses...
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